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samedi 26 juillet 2014

LA LOYAUTÉ DE LA MINORITÉ ARABE EN QUESTION



LA LOYAUTÉ DE LA MINORITÉ ARABE EN QUESTION

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Lieberman reçoit Fabius

          Avigdor Lieberman ministre des affaires étrangères, avait-il raison quand, à l’occasion des élections législatives de 2009, il avait exigé que les Arabes israéliens, représentant près de 21% de la population, définissent précisément leur choix ? Selon lui, ils peuvent rester israéliens et faire preuve de loyauté envers l’État juif, ses institutions et son gouvernement, ou alors devenir palestiniens et alors déménager vers les territoires de Cisjordanie. Il avait exigé qu'ils clarifient leur situation.

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Galilée arabe

Il avait soulevé le fait que la Galilée est peuplée de plus de 50% d’Arabes israéliens et  cette constatation fait encore l’objet d’un débat permanent en Israël. Nombreux sont ceux qui conseillent au gouvernement de peupler d’abord la Galilée de Juifs avant de les installer dans les implantations de Cisjordanie. La conception d’une ville nouvelle avec création d’une université est suggérée pour permettre à la région d’avoir des communautés équilibrées. Les Arabes constituent selon lui «le cheval de Troie des Palestiniens». 

          Leur attitude est sans cesse remise sur le tapis. Lieberman avait déjà fustigé le fait que les Arabes avaient manifesté à Nazareth contre l’État pendant «l’opération Plomb durci» dans la bande de Gaza en 2008-2009. Depuis cette guerre, un fossé s’est creusé entre la population juive, majoritairement favorable à l’action de Tsahal, et la population arabe qui se justifiait en précisant qu’elle avait de la famille dans la bande de Gaza.
 Plusieurs milliers d'Arabes israéliens s’étaient alors répandu dans la ville de Nazareth pour réclamer la levée du blocus de Gaza. Arborant des drapeaux palestiniens ou verts aux couleurs de l'islam, les manifestants avaient appelé à la constitution d'un gouvernement «d'union nationale palestinien», comprenant des représentants du mouvement islamiste Hamas et du parti rival Fatah du président Mahmoud Abbas. La manifestation était organisée par le «mouvement islamique» en Israël et deux formations représentées à la Knesset : le Rassemblement national démocratique Balad et la Liste unifiée arabe.

Lieberman s’était alors posé ouvertement la question de la loyauté de la minorité arabe envers l’État d’Israël car il refusait la double allégeance. Parmi les dirigeants israéliens, il a été de ceux, pragmatiques, qui avaient proposé des solutions concrètes pour se «débarrasser» des Arabes : échange territorial avec adjonction de villes israéliennes, comme Oum El-Fahm, à la Cisjordanie et division de Jérusalem pour concéder la partie arabe de l’Est, hors Lieux Saints, à un  nouvel État palestinien.

Manifestations arabes

Les nouveaux événements de Gaza ont réveillé le problème de la double appartenance de la population arabe. Les affrontements, le 5 juillet, entre arabes et policiers s’étaient étendus à toute la communauté arabe de l'État hébreu, dans le centre et le nord-est du pays. Sous prétexte de manifester de contester la mort d’un jeune de Jérusalem, les rassemblements à Nazareth avaient pris des tournures violentes qui avaient poussé la police à utiliser la force. D’autres manifestations de colère ont éclaté à Jérusalem-Est, dans le quartier de Shuafat.

Jusqu’alors, les Israéliens s’étaient seulement habitués à la célébration du «Youm al-Nakba»,  le jour de la catastrophe désignant selon les Palestiniens la création d’Israël, le 14 mai 1948.  Tous les ans, les Arabes tiennent à marquer ce jour pour, selon eux, rappeler que  la résolution 194 de l'ONU n’a eu aucune incidence concrète alors qu’elle stipulait que «les réfugiés qui désirent rentrer dans leurs foyers et vivre en paix avec leurs voisins devraient y être autorisés le plus vite possible». C’est ainsi que le 14 mai, un millier d’Arabes israéliens s’étaient répandu dans la rue principale de Jaffa, au sud de Tel-Aviv, en agitant des drapeaux palestiniens.
Jaffa a été à nouveau l’objet d’une manifestation arabe, le 21 juillet 2014, non loin de la résidence de l’ambassadeur de France. Cette manifestation, qui avait été annoncée et qui contestait l'action militaire de Tsahal dans la bande de Gaza, a entraîné  un affrontement avec des jeunes juifs de la droite nationale. La police avait pourtant conseillé aux militants d'extrême-droite de rester à l'écart de cette protestation. Des heurts violents ont eu lieu avec la police qui a réussi à canaliser les ardeurs des deux camps.
Les manifestations se sont multipliées, dans les villes de  Jérusalem, Haïfa, Tirah et Kufr Manda. L’une d’elles avait eu lieu, le 10 juillet, à la place Tsahal de Jérusalem, organisée par des activistes du parti communiste d’Israël et du parti arabe Hadash. Un autre rassemblement a été organisé le 12 juillet à Tirah. Face aux centaines de manifestants vivant dans les villes arabes d’Israël, la police a été contrainte de recourir à des méthodes fermes en procédant à de nombreuses arrestations. Ces contestataires ont été relayés par des centaines d’Israéliens de gauche rassemblés au centre de Tel-Aviv pour s’élever contre l’«esprit de revanche».
Le croisement de Qalandiya

Le 24 juillet des dizaines de milliers d’Arabes ont pris part à une manifestation à Qalandiya, croisement au nord de Jérusalem. De violents affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité israéliennes ont éclaté faisant deux morts arabes. Des jeunes ont déclenché des feux d'artifice et jeté des pierres sur les forces de sécurité qui ont dû faire usage de balles en caoutchouc. Les brigades des Martyrs Al-Aqsa ont revendiqué la responsabilité de l’attaque contre les policiers de Qalandiya

Drapeaux palestiniens

Checkpoint de Qalandiya

L’apparition systématique de drapeaux palestiniens dans les manifestations arabes crée un malaise qui met en évidence le difficile positionnement de cette minorité qui comprend aussi des Chrétiens. Le statut des Arabes israéliens a toujours été controversé. Bien qu’ils disposent de tous les droits civiques et sociaux, ils se distinguent de leurs concitoyens juifs sur le point fondamental de leur exemption du service militaire qui leur interdit d’accéder ensuite à certains postes sensibles. Les fils et petits-fils des 156.000 Palestiniens qui étaient restés en 1948, représentent aujourd’hui une communauté de  1,66 million, soit 21 % de la population du pays. Ils restent éclatés entre le soutien affectif aux Palestiniens et leur volonté pragmatique et irréductible de vivre en Israël.

Cependant les manifestations de Jaffa étonnent toujours les Israéliens car la population arabe, constituée de citoyens israéliens, est complètement assimilée tout en étant disparate. Les Chrétiens constituent l’élite tandis que les Arabes s’épanouissent économiquement bien qu’ils gardent certains reproches envers l’État : «Nous sommes des Israéliens, nous nous sentons israéliens, nous parlons souvent un excellent hébreu, nous sommes diplômés de l'université, mais nous sommes toujours considérés comme des citoyens de seconde zone».
Mais depuis quelques temps, une nouvelle faune s’est jointe aux anciens. De nombreux arabes des territoires, anciens collaborateurs exfiltrés pour leur sécurité, ont reçu le droit de vivre dans la ville. Leurs enfants, comme ceux des harkis en France, posent des problèmes d’intégration et ils plongent dans la délinquance et dans le trafic de drogue. Ils sont alors pris en main par des extrémistes islamistes qui leur enseignent la contestation pour leur rendre leur identité perdue.
Manifestation de Qalandiya

La seconde intifada de 2000 avait agi en catalyseur pour les jeunes arabes de Jaffa, attisés par le mouvement islamiste local dominé par l'aile «pure et dure du courant du nord». Ils ont voulu exprimer la solidarité avec leurs concitoyens de Galilée, de Cisjordanie et de Gaza. Mais la mauvaise humeur arabe de Jaffa a une autre origine. L’exode de 1948  avait entraîné l’abandon de l’ancienne ville qui est restée longtemps en ruines. 
Le quartier Ajami en 1948

La municipalité a donc décidé de redonner vie aux vieux quartiers en rénovant les vieilles bâtisses arabes abandonnées. Les Arabes se sentent exclus, pour des raisons financières, de ce projet de rénovation qui les amène à déserter progressivement des habitations sans confort et trop usées qui sont ensuite rénovées et vendues aux Juifs.
Rénovation de Jaffa

Mais ces manifestations, qui voient s’affronter deux communautés, risquent de mettre un terme à toute illusion de cohabitation à long terme entre Juifs et Arabes. Dans la situation actuelle de tension il ne peut y avoir d'entente entre eux. Les tenants du Grand Israël et d’un État binational pourraient avoir des raisons de réviser leur doctrine.

Vidéo des manifestations

1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Ne dit-on pas souvent : "Comparaison n'est pas raison" ?
J'avoue avoir été surprise par votre référence aux enfants "des harkis en France".
Permettez-moi de rappeler à vos lecteurs ce qu'étaient les harkis et quel sort funeste la France leur a réservé.

Les harkis étaient des supplétifs algériens, engagés dans l'armée française de 1957 à 1962, sous contrat mensuel renouvelable, sans avoir le statut militaire.
Le 19 mars 1962, jour de la signature des Accords d'Evian qui mettaient fin à la guerre d'Algérie, les harkis sont désarmés par l'armée française qui laisse le terrain au FLN.
Les exécutions de harkis commencent dès avril 1962. Les autorités françaises sont au courant. L'armée française reste dans ses garnisons. Les historiens s'accordent sur le chiffre de 60.000 à 70.000 pour estimer le nombre de morts.

"C'est une des plus grandes ignominies et une des plus grandes hontes de toute l'Histoire de France", écrira Maurice Allais en parlant de l'abandon des harkis par l'Etat français, et des consignes données par les pouvoirs publics de n'effectuer aucun rapatriement massif de supplétifs.
Pour finir - grâce souvent à la désobéissance des officiers - 42 500 harkis et membres de leurs familles ont pu trouver refuge en France.

Entre 1962 et 1968, 91 000 harkis et leurs familles ont pu rejoindre la France.
Ils étaient relégués soit dans des camps de transit, entourés de barbelés et de miradors, soit dans des cités urbaines, dans un isolement total vis-à-vis de la société française.
Comment alors s'étonner que trente ans plus tard, les enfants de harkis se soient révoltés dans plusieurs villes de France ?
Une politique de dispersion succède alors à la politique de regroupement. Mais les communautés harkies résistent à cette politique du fait des liens qu'elles ont tissés durant toutes ces années de relégation.
En 2012 les harkis et leurs descendants représentaient 500 000 à 800 000 personnes en France.
Le 14 avril 2012, Nicolas Sarkozy a officiellement reconnu la responsabilité du gouvernement français dans "l'abandon" des harkis après la fin de la guerre d'Algérie en 1962.
(Source : Wikipedia)

Très cordialement.