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dimanche 8 août 2021

Désinformation au sein des organisations juives américaines par Francis MORITZ

 

DÉSINFORMATION AU SEIN DES ORGANISATIONS JUIVES AMÉRICAINES

 

Par Francis MORITZ

 

Jim GERSTEIN Dirigeant GBAO strategies

La grande nation américaine est coutumière des sondages ethniques et religieux, qui sont interdits en France. On peut donc être plus que surpris par la tournure très controversée prise par un récent sondage réalisé par GBAO Stratégies. On est curieux et on veut rester factuel, alors on s’informe. On découvre que cette société a comme client majeur, le parti Démocrate et ses affiliés. Ce sera le fil rouge de notre recherche. En y regardant de plus près, on apprend que le sondage a été commandé par le Jewish Electorate Institute.


Joe Biden à la tribune de Jstreet

 Cette société a été consultante de J. Street qui a développé depuis 2008 le concept de critique dissociée d’Israël que les antisémites ont repris à leur compte. Elle a également travaillé pour le New Israël Fund et le Centre pour la Paix & la Coopération Économique au Moyen Orient. Ce dernier est dirigé par Jim Gerstein, l’ancien directeur de GBAO Stratégies, devenu par la suite consultant de J. Street, qui fut également conseiller d’Ehud Barak.

          Parmi les autres clients on trouve diverses organisations de gauche, traitant notamment de l’avortement, de l’écologie, des syndicats d’enseignants et d’autres organisations progressistes. En clair, on est ici devant une caisse de résonnance du parti Démocrate. On dira un faux nez. Ce que met en avant le résultat du sondage frise le sensationnel et c’est le but ! Il «révèle» que 22% des Juifs américains pensent qu’Israël est coupable de «génocide» contre les Palestiniens !  Comme résultat on ne fait pas plus simpliste et plus catégorique. On imagine sans mal la tempête d’indignations et de controverses déclenchées au sein notamment des organisations juives de la gauche américaine, qui n’est en aucun cas la gauche française. Comme si ça ne suffisait pas, Israël pratiquerait l’apartheid, selon un quart des sondés. Le dessous des cartes révèle bien d’autres choses troublantes. 

Des manifestants pro-palestiniens se rassemblent au Lincoln Memorial à Washington, le 29 mai 2021


Le Jewish Electorate Institute ? Ses activités-clés sont multiples : c’est une organisation «indépendante» pour mobiliser les Juifs américains, les encourager au civisme et à voter les lois proposées par Joe Biden. Ledit sondage précise également que les Juifs ont voté à 80% pour Biden. C’est manifestement un outil politique de manipulation voire de désinformation sous couvert de sondages.

Comment passe-t-on d’un sondage à une manipulation ? Voici la méthode utilisée par GBAO. D’abord on réduit l’échantillon au minimum crédible, en l’occurrence 800 personnes dites «représentatives». Ensuite on choisit soigneusement la répartition en calibrant les sensibilités en fonction du résultat qu’on veut obtenir. En l’occurrence, selon le site même, la ventilation s’est faite à raison de 37% de réformistes, 17% de conservateurs, 9% d’orthodoxes et 31% de non affiliés. Autant dire que ce choix est arbitraire et ne tient pas compte de l’évolution actuelle des différentes branches. De plus, affirmer sérieusement que cet échantillon reflète les 7,6 millions de Juifs américains est partisan et erroné. Ne devrait-on d’ailleurs pas écrire «Américains juifs» plutôt que «Juifs américains» à la lecture de cette répartition partisane ?

Ensuite, GBAO poursuit en élaborant des questions à caractère subtilement tendancieux. Le sondage démarre sur la question suivante : «Vous trouverez ci-après une liste des problèmes auxquels notre pays est confronté. Veuillez indiquer les deux problèmes sur lesquels vous souhaitez voir le président Biden et le congrès se concentrer». Que croyez-vous qu’il advint ? Les deux sujets retenus furent : Le changement climatique et les droits de vote. Suivent l’emploi et l’économie en troisième position. L’immigration arrive en septième position. Israël est en treizième position juste avant la question iranienne en quatorzième.

La structuration des questions est habile. On alterne des questions négatives et positives. Lorsqu’il est question de l’attachement à Israël, arrive la question suivante : «peut-on être pro-israélien et critiquer la politique de ses gouvernements ?». C’est légitimer sans le dire ce que J. Street a instauré comme son fond commerce. On se donne le droit à la critique et une forme d’approbation sur les choix du gouvernement américain.

L’exemple suivant vient compléter les questions précédentes : «quid de l’importance de l’aide financière ?» Oui, la majorité des sondés pense qu’elle est importante, mais ne doit pas être utilisée pour financer l’expansion des colonies en Cisjordanie. En revanche, une majorité soutient l’aide aux Palestiniens ainsi que la solution à deux États. Le questionnaire comporte des sujets mettant clairement en balance l’action de Donald Trump avec celle, récente, de Joe Biden. L’objectif inavoué est de mettre en avant le fait qu’une majorité soutient évidemment beaucoup plus le nouveau président et accorde sa confiance au parti Démocrate.

On n’en attendait pas moins. Le questionnaire se poursuit : Une majorité est très préoccupée de l’antisémitisme qu’elle qualifie de phénomène de droite. Elle affirme également, en tant que Juif, se sentir plus en sécurité aux États-Unis qu’en Israël. Cerise sur le gâteau, pour clore l’exercice, les meilleurs sujets arrivent en queue de peloton :

« Israël n’a pas le droit d’exister

« Israël est un Etat d’apartheid

« Israël traite les Palestiniens comme les racistes aux États-Unis

« Israël pratique le génocide contre les Palestiniens»

Comment peut-on oser poser une telle question ?  Les Juifs qui votent Démocrate ne sont pas loyaux envers Israël.  On voit bien ce qu’induit la question.

Halie SOIFER 


Qui est aux commandes du Jewish Electorate Institute ? Ce sont des professionnels qui ont tous occupé des postes importants dans la communauté juive. La plupart ont également un parcours personnel associé au parti Démocrate, notamment la directrice exécutive Halie Soifer, responsable de la partie fiscale qui est un aspect majeur pour les ONG.  Elle a été fonctionnaire dans l’administration Obama et a travaillé pour l’actuelle vice-présidente Kamala Harris. Elle est aussi présidente du Jewish Democratic Council qui s’est fait le relais de ce sondage.  Petite coïncidence, les deux organisations, JDC et Democratic Council, ont la même adresse à Washington.

On peut en tirer qu’il s’agit d’une opération à caractère politique. La méthode avait été inaugurée sous l’ère d’Obama dont est issu le tandem actuel de la Maison Blanche. Ce sondage qui se veut unique ne l’est pas. Il y a d’autres sources et sondages très détaillés sur les diverses branches de la grande communauté juive américaine. Cette communauté en pleine mutation voit apparaitre de nombreux problèmes du fait d’options sociétales différentes et de la volonté d’une partie, croissante, celle des plus jeunes, à s’agréger à la vie américaine. L’objectif ici est d’amplifier et de magnifier les réalisations et qualités du parti démocrate pour les Américains juifs, tout en créant ou en suscitant des fractures au sein des diverses sensibilités de la vie juive américaine.

Pour ces raisons, il s’agit bien d’une manipulation à caractère politique. De plus, comme pour la calomnie, il y aura nécessairement des retombées auprès des médias et ne doutons pas que les anti israéliens et antisémites de tous poils en tireront profit à l’appui de leur démonstration. Il suffit d’entendre et d’en lire certains pour constater les raccourcis qu’ils prennent. C’est de la désinformation inspirée.

 

5 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…


Monsieur Moritz,



Les bras m’en tombent : voulez-vous dire que vous ignoriez qu’il y eût des Américains juifs dans les rassemblements pro-palestiniens de « la grande nation américaine » ?

En France, nous avons une sénatrice turco-israélo-française, élue EELV, universitaire, spécialisée dans l’histoire juive, qui a été photographiée lors d’une manifestation contre l’islamophobie, en compagnie d’un enfant arborant une étoile jaune où était inscrit : « muslim". A ceux qui ont osé le lui reprocher, elle s’est justifiée : l’étoile n’avait que cinq branches !

Quant aux sondages, ils ne sont utiles qu’à ceux qui les ont payés, et tant pis pour les imbéciles - de moins en moins nombreux - qui y croient. Les autres les traitent par le mépris.



Très cordialement.

bliahphilippe a dit…

Remercions Mr Moritz pour son intéressant travail de recherche ... et de déduction. Donald Trump, déçu des juifs américains qui dans leur majorité ont voté démocrate semble avoir répondu par avance à l'auteur par sa phrase " :les juifs américains qui ont voté democrate n'aiment pas Israel". Tout est dit, tout est résumé.
Si l'on creuse historiquement le peuple juif a de tout temps été confronté y compris sur sa terre en une tendance assimilatrice et une tendance conservatrice. La tentation d'adopter les "dieux etrangers"-aujourd'hui dirait -on les idéologies étrangeres-et dieu sait qu'elles fleurissent!!- a toujours été forte et à l'origine de scissions, voire de schismes qui se sont inexorablement mal terminées pour leur collectivité. Laissons de coté les mises en garde bibliques pour passer au constat d'épisodes tragiques des juifs de Perse sous le regne d'Assuerus, sous la grèce antique et sous la Loi Romaine. Rappelons que ce sont des hébreux sur le territoire d'Israel qui ont demandé aux autorités romaines d'intervenir pour mettre fin aux querelles internes. Un peu comme de nos jours lorsque le mouvement JStreet milite pour une intervention internationale pour partager de force le territoire d'Israel.
Sous l'ère des Lumiéres les juifs étaient partagés entre ceux qui choisissaient les avantages de l'assimilation et ceux qui la rejetaient. Il s'est meme posé la question au plus haut niveau des instances rabbinniques sous le Tzar de décider si les juifs devaient soutenir Napoléon ou le Tsar. Les décisionnaires juifs russe ont choisi ... le Tsar!!Pourquoi? parce que malgré les souffrances physiques ils ne voulaient pas abandonner leur identité. Tout au long de la fin du 19 iéme siécle et du 20 iéme siécle le meme problème de choix d'identité s'est posé entre les juifs de la "Haskala" favorable à l'assimilation totale et les autres. Herzl fut méprisé par la bourgeoisie libérale juive européenne On sait comment et où cette aventure s'est terminée en Europe. Les juifs américains démocrates "progressistes" obnibulés par les valeurs de gauche et d'extreme gauche à la pointe de ces combats font partie de la meme engeance... et ne se rendent pas compte, ou pas encore- qu'ils en seront les victimes. Un peu comme pour les juifs sous Lénine et Staline, ou comme ceux qui ont soutenu le FLN algérien contre la France. Déjà on ne compte plus les brimades contre les juifs-meme démocrates- dans les universités américaines de la part des BLM ,des "Woke" acquis tout entiers à la cause arabo-palestinienne.Or qui a fait leur lit sinon les juifs de gauche? Le Juif américain démocrate accroché à ses nouveaux dieux étrangers de l'air du temps est aveugle. Le conflit idéologique "assimilation/identitaires trouve aujourd'hui son terrain de combat qui fait le fossé abyssal : Israel ou Palestine sourd à l'argument de la raison sous jacente mais primordial du conflit :l'existence d'Israel meme, un état nationaliste identitaire qui les gene... Ont-ils fait le bon choix? Le recul historique dit que non.Ils en paieront le prix. Les leçons de l'Histoire ne portent pas. Les juifs sont-ils le seul peuple à ouvrir le parapluie aprés l'orage? Comme toujours il est à craindre que les survivants n'ouvrent le parapluie qu'aprés la pneumonie, en situation de mort avancée. Un ami ayant un reste de famille juive obstinément démocrate aux USA,(intellectuels universitaires cela va de soi!!) frappé de leur degré de naiveté dans la bien pensance imbécile et superficielle rapportait en baissant les bras " Quoi de plus bete qu'un juif américain démocrate? -Ben, deux Juifs démocrates!!

V. Jabeau a dit…

L’administration Obama-Biden et l’UE à sa remorque ont trouvé un nouveau cheval de bataille pour remplacer le BDS et continuer à démoniser Israël : l’Etat d’apartheid. La récente tribune de 1100 intellectuels dont Edgar Morin, Étienne Balibar, Jean-Marc Lévy-Leblond et d’autres faisant le pari que 2021 sera l’année où Israël sera enfin dévoilé au monde entier comme un État pratiquant l’apartheid en Palestine et qu’il faut « démanteler », reprise ces jours-ci dans le journal Libération, fait partie de cette offensive, tout comme ce sondage.
Il faut la prendre au sérieux. Il s’agit de dire aux Juifs de diaspora : vous ne pouvez pas soutenir un état pratiquant l’apartheid, n’est-ce pas ? Si vous voulez continuer à être assis à la table du banquet des États occidentaux, soyez outrés par la politIque israélienne et même, par son existence. Et tous ces démocrates qui veulent continuer à jouir de leur vie confortable sont bien tentés.
Les Israéliens qui critiquent la politique de leur État, qu’ils soient de droite ou de gauche, en ont le droit. Ils partagent les joies et les peines de leurs concitoyens, ils veulent vivre mieux dans leur pays. Les Juifs de diaspora ont bien sûr le droit de critiquer Israël. Mais leur position est plus inconfortable finalement : renoncer aux avantages matériels, ou renoncer à Israël.
Il me semble que leur futur, dans ce dernier cas, sera bien sombre, car les avantages matériels sont très temporaires.

Francis Moritz a dit…

Je vous remercie pour vos commentaires enrichissants et qui nous permettent d'élargir notre compréhension et notre réflexion. Je veux également rassurer Madame ARNAUD, il ne m’avait pas échappé qu’il y a aussi des Juifs dans les manifestations pro-palestiniennes ainsi que celles du BDS.La photo vous aura peut être laissé penser le contraire. Pas d’équivoque.
Bien cordialement,

Georges Kabi a dit…

Cette antinomie n'est pas nouvelle. Seuls les themes ont change: Ben Gourion etait en discussion sur le fait qu'il avait denomme la communaute juive americaine de "Galout" (Exil) alors que pour les Juifs americains, l'Etat d'Israel, sans eux, n'aurait pas existe (ce qui est faux historiquement).
Il leur fallut changer de registre quand le film "Holocaust" et les discussions autour de cela montrerent que les Juifs americains n'avaient pas fait de gros efforts pour venir en aide a leurs familles vivant en Europe del'Est ou en Allemagne.
Quoi de plus facile, de plus "moral", que d'accuser l'Etat d'Israel de tous les maux de la Terre (y compris ceux des Juifs americains) d'autant plus que la population israelienne se droitisait?