LA
FINANCE FRANCAISE S’OUVRE À L’ISLAM
Par Jacques BENILLOUCHE
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Visite de la Shura (Royaume de Bahreïn, 29 mars 2007) |
Suivant la voie
tracée par le Sénat, l’Assemblée Nationale avait voté le 17 septembre 2009 une
loi autorisant l’émission d’obligations islamiques (Sukuks).
Cinq principes islamiques
Pour trouver bonne
grâce auprès des financiers musulmans, les opérateurs français devront
dorénavant jongler avec cinq principes qui ne vont pas leur faciliter la tâche
et qui sont souvent contraires aux fondements libéraux du capitalisme. Une
gymnastique intellectuelle sera nécessaire pour jauger si certains produits
financiers entrent ou non dans la classification «hallal».
1.
Interdiction
de l’intérêt : prêter de l’argent gratuitement serait difficilement accepté par
les banquiers à moins qu’ils interprètent le terme d’intérêt dans le sens
d’usure.
2.
Interdiction
de l’incertitude : les grands profits internationaux sont à la base de la spéculation
qui repose évidemment sur l’incertitude. Certaines crises ont justement été
causées par les risques insensés pris par certains banquiers qui n’ont pas été
capables de prévoir les lendemains. Il est vrai que les financiers ont par
essence le goût du jeu et, sans incertitude, ils gagneraient à tous les coups.
3.
Partage
des profits et des pertes : les banquiers sont certes préteurs mais pas
philanthropes. Ils existent uniquement pour faire des profits qu’ils
redistribuent sous forme de dividendes à leurs actionnaires.
4.
Existence
d’un actif sous-jacent : les opérations financières doivent reposer
sur des biens réels : usines, entreprises ou immobilier. Or les profits
financiers sont souvent le résultat des flux et des mouvements de capitaux qui
restent des matières volatiles peu palpables.
5.
Interdiction
des actifs illicites : l’investissement dans l’armement, le tabac
et les jeux d’argent est rigoureusement
réprouvé tout autant que le taux d’endettement excessif.
Charia
et Finance
Les
financiers internationaux ont donc du pain sur la planche pour se conformer rigoureusement
à ces préceptes de l’islam et ils devront constituer des comités de sages pour
interpréter chacune de leur action afin de la juger conforme ou non à la Charia. Les Sénateurs se sont précipités
à Abou Dhabi pour aider les marchés boursiers français sans se préoccuper de
savoir s’ils vendaient ou non leur âme ou s’il n’était pas indécent de montrer
une telle soumission à l’islam.
L’Assemblée
Nationale vient de prendre le relais car «les
spécialistes considèrent que la finance islamique représente aujourd’hui un
marché de 700 milliards de dollars». Le parlement a donc décidé de réformer
les règles de la fiducie pour permettre la création de «sukuks» en
France. Ces émissions, sorte d’obligations Hallal, devront être adossées
à un actif tangible, ne doivent pas payer d’intérêts de manière directe et
devront rétribuer les investisseurs uniquement par des coupons correspondant aux
profits dégagés.
De gauche à droite : Cheikh Mohammad PATEL, Cheikh Zakaria SEDDIKI, Cheikh Mohamed HENDAZ, Cheikh Chakil OMARJEE et Cheikh Mohamed Bechir OULD SASS |
Cheikh
Mohamed Bachir Ould Sass, expert en droit musulman, a été mandaté par l’ACERFI
(Audit, Conformité et Recherche en Finance Islamique), sorte de comité charia, pour
s’assurer que les contrats financiers des investisseurs musulmans sont bien
conformes avec les principes de l’islam.
D’ailleurs, la B.N .P
n’a pas perdu de temps en proposant un fond commun de placement islamique qui
exclue «les valeurs d’entreprises liées à
l’alcool, aux produits à base de porc, aux services financiers, aux activités
de divertissement, aux tabac et aux armes». Il ne devrait pas rester
beaucoup de multinationales qui entrent dans cette définition, mais ce ne sera
pas faute aux parlementaires français d’avoir essayé. Belle perspective pour
la finance islamique en tout cas !
La banque BNP Paribas considère que la finance islamique constitue une priorité et a décidé de l'expérimenter dans ses agences du Maroc et d'Algérie. Elle a lancé un produit leasing conforme aux préceptes de la charia. Le leasing halal de BNP est un contrat par lequel la banque acquiert préalablement un bien pour ensuite le louer à une personne ou une entreprise. Dans le leasing classique, le client commence à payer un loyer avant de commencer à jouir du bien. Le produit BNP lui permet d’abord de prendre possession du bien, de jouir et de payer ensuite.
Première agence en France
Mourad Chabchoub, directeur de la première agence de finance islamique. |
Les
islamistes n’ont pas perdu de temps en France puisque leur première structure
vient d’ouvrir ses portes en Seine-et-Marne, à Chelles précisément, et il est
prévu qu’une centaine d’agences ouvrent d’ici fin 2017. Forte de 3.000 clients et de 8 millions d’euros
d’épargne collectée, il ne s’agit pas pour l’instant d’une banque avec comptes
de dépôts mais d’une société proposant des solutions d’épargne et d’assurance
ciblant la communauté musulmane. Les placements ont la particularité d’être
charia-compatibles ; ils n’entrent pas en contradiction avec les préceptes
de l’islam. Les Musulmans de France sont particulièrement visés mais ils ne
seront pas les seuls. Autre
caractéristique des agences, elles disposeront toutes d’une salle de prière
avec tapis tournés vers la Mecque.
Sur
la base de 4 à 6 millions de musulmans en France, le marché potentiel est
évalué à 100 millions d’euros et l’objectif de cette banque est surtout d’attirer
les investisseurs du Moyen-Orient. La finance islamiste s’organise en France.
4 commentaires:
Ce développement s'inscrit dans une logique du nombre, de l'argent et notamment de l'idéologie religieuse axée sur des principes intransigeants reflétant le refus de s'intégrer dans le cadre d'une societe laique. Cette entreprise fut longuement murie.Elle n'a pas vu le jour subitement.Le moment a été attendu et à present il se révèle au bon moment aprés avoir testé au fil du temps le peu de résistance des élites de la société française.
Depuis plusieurs années Madame Lagarde alors ministre des Finances approuvait ce type de nouvelles banques.
Ce projet de banque islamique a vu le jour aprés de nombreuses années de travail juridique mais aussi d'influence ayant necéssite le concours de fonctionnaires, de banquiers, de journalistes faisant passer des articles explicatifs, avec de professeurs de droit et d'économie justifiant sous un angle plaisant l'intérêt-si je puis dire- pour les musulmans mmais aussi pour les non musulmans de ce type de transactions bancaires appliquant la charia ,profitant d'une aubaine en matiére de prêts immobiliers.
Ici ma mémoire ne me trahit pas et je sentais venir cette "évolution" (ou régression pour d'autres).
Sous forme de conclusion appelant un débat on peut se demander ;l'islam pose t'il des limites à ses ouailles s'agissant de s'imposer sous toutes ses formes en france et en Europe?
Cher monsieur Benillouche,
A vous lire, il y aurait donc "intrusion de la Charia" dans la finance française ?Cette France dont Hollande nous a assuré, aujourd'hui même, qu'elle était sa priorité. Mais alors comment comprendre cet "acte d'allégeance à l'islam" ?
La priorité serait-ce donc de devenir une république islamique, en catimini et à notre corps défendant ?
J'avoue ma perplexité et mon incompréhension !
Très cordialement.
Je suis étonné mon cher Jacques que semblez surpris par cette évolution !!! Le mouvement est lancé et je ne vois pas qui voudra ou pourra l’arrêter ou le ralentir.
Il y a quelques mois je me rendais à Londres et quel ne fut pas mon étonnement de voir un établissement bancaire dont l'enseigne s'étalait en lettre dorée: islamic Bank of Britain.
Aujourd'hui elle fait son apparition en France.... Pays qui revendique sans cesse sa laïcité et dans lequel il est de mauvais ton d'afficher ses croyances religieuses, surtout si elles ne sont pas musulmanes.
Le livre de Houellebecq, "Soumission", sorti involontairement le 11janvier, date de la grande manifestation parisienne après les attentats, est-il un pamphlet ou une évolution vraisemblable de cette France en devenir?
Bien cordialement
Véronique Allouche
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