UN PAYSAGE DIPLOMATIQUE RASSURANT, MAIS FRAGILE
Par Jean CORCOS
Terroristes du Hamas |
Voici venu enfin le moment de vous
proposer une première synthèse, au treizième jour de cette nouvelle guerre
entre Israël et le Hamas. J'ai longtemps repoussé cet exercice, d'abord en espérant
qu'un cessez-le-feu arriverait assez rapidement comme en novembre 2012, de
manière à ne pas avoir à écrire un article fragilisé par la dynamique du
conflit. Nous n'en prenons pas le chemin ; et entre le stock de missiles de
l'organisation terroriste qui n'aurait été utilisé ou détruit qu'à moitié, et
l'armée israélienne qui n'avance que lentement et sûrement depuis son entrée
dans la bande de Gaza, on peut s'attendre à encore et au minimum, à une ou deux
semaines d'affrontements ...
Soutien international
Soldats israéliens en opération à Gaza |
Dans cette
guerre souhaitée par le Hamas qui a tout fait pour que le conflit éclate - pour
rappel, la tentative d'infiltration massive par un tunnel il y a une quinzaine
de jours ; le pilonnage du Sud d'Israël avec des dizaines de missiles par heure
dans les heures qui ont précédé le déclenchement de l'opération "Rempart défensif" -, le
gouvernement de Jérusalem a bénéficié de l'appui de pratiquement tous les
gouvernements occidentaux, avec bien sûr des nuances selon les capitales. Son
droit à l'auto-défense a été reconnu, même si - et c'était aussi tout à fait
compréhensif - des appels au cessez-le-feu ont aussi été tout de suite entendus.
L'Égypte, ennemie
de facto du Hamas qui est une succursale
des "Frères Musulmans" (chassés
du pouvoir par l'armée il y a un an), a proposé un arrêt des hostilités avant
toute négociation indirecte entre les parties, en ne s'engageant donc sur aucune
des exigences de l'organisation islamiste. Le "cahier
des charges"
du Hamas comprend en effet la levée totale du blocus de la bande de Gaza, sans
aucune garantie sécuritaire bien entendue, ce qui signifierait qu'une base
avancée du Djihad menacerait à nouveau à la fois l'Egypte - dont le Sinaï est
déjà déstabilisé par les filiales diverses d'Al-Qaïda et Israël, qui vient de
réaliser combien son territoire est maintenant partout vulnérable - ceci étant
dit, bien sûr, sans oublier la performance extraordinaire du système "Dôme de fer", mais en
réalisant aussi que quelques "coups
au but" sur des milliers de tirs de missiles peuvent causer de gros
dégâts. D'où donc le refus du "Califat"
de Gaza d'en rabattre sur ses exigences ; d'où son refus du cessez-le-feu,
accepté par Israël qui a bénéficié d'un soutien diplomatique renouvelé, et cela
même après le déclenchement de l'offensive terrestre.
Poste frontière de Rafah entre l'Egypte et Gaza |
L'Égypte est donc "pour le moment" objectivement dans le même camp
qu'Israël, et c'est un évènement exceptionnel. Pour l'illustrer, on pourra par
exemple voir cette vidéo publiée par le site Memri qui montre comment le Hamas
est durement interpellé sur les télévisions égyptiennes.
Cartographie
politique
Il suffit de
suivre les différents acteurs s'agiter pour obtenir un cessez-le-feu pour
reconnaitre la cartographie politique actuelle du Proche-Orient. Le Qatar - "base arrière" des Frères
Musulmans et où réside Khaled Mechaal, chef du politburo du Hamas - et la
Turquie - dont le régime islamiste de l'AKP arme les mêmes "Frères" au sein de la révolution syrienne - ont proposé
un plan de cessez-le-feu intégrant en préalable quasiment toutes les exigences
de l'organisation terroriste.
Erdogan |
Le président de
l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, se trouve sur la corde raide, ayant
bien compris que l'écrasante majorité de la Ligue Arabe soutenait l'initiative égyptienne de cessez-le-feu sans
conditions; mais il est, en même temps, largement discrédité par sa propre
opinion publique qui lui reproche de ne pas en faire assez pour les
Palestiniens de Gaza. D'où des
messages parfaitement contradictoires : d'un côté, une déclaration grotesque où
il accuse Israël de "génocide"
comme le fait le premier Ministre turc Erdogan, jamais en retard d'une
déclaration incendiaire ; mais d'un autre côté, il laisse son délégué au
Conseil des Nations Unies pour les Droits de l'Homme dire que les tirs aveugles
de missiles contre les civils en Israël sont "un crime de guerre", ce qui est là encore une première
étonnante !
Paysage diplomatique rassurant, donc, et
qui explique pourquoi des personnalités israéliennes plutôt connues pour leur
modération soutiennent sans hésiter l'élargissement du conflit avec
l'intervention terrestre depuis le soir du 17 juillet : je pense à la Ministre
Tzipi Livni, qui a même laissé entendre qu'il faudrait peut-être aller «jusqu'au bout», c'est à dire à
renverser le Hamas ; je pense aussi au
diplomate et ancien Ambassadeur à Paris Daniel Shek, entendu chez nos
excellents confrères de la chaine israélienne I-24, qui a reconnu que la «dynamique du conflit» - avec en
particulier la découverte par tous du danger effroyable des dizaines de tunnels
«offensifs» construits vers le
territoire israélien - avait modifié sa position.
Photo de fin
Mais paysage
également fragile. D'abord parce que la première «grosse bavure», où il y aurait d'un coup plusieurs dizaines de
civiles innocents tués par erreur lors d'un combat en zone urbaine - et un obus
de char est bien moins précis qu'une bombe guidée par laser - pourrait faire
basculer d'abord les opinions publiques occidentales, et ensuite leurs
diplomaties. Mais ensuite et surtout, en raison de la mollesse plus
qu'inquiétante de l'administration Obama. Entre un Secrétaire d'Etat qui tient
pour personnellement responsable Benjamin Netanyahou de l'échec des
négociations israélo-palestiniennes ; un président qui s'avère sur tout les plans
un indécis sans vision stratégique, ayant déçu ou trahi presque tout le monde
dans la région ; et une opinion publique encore acquise à Israël mais
absolument pas prête à un engagement sur le terrain pour «sécuriser» la bande de Gaza après l'élimination encore bien
théorique du Hamas ... Israël a du souci à se faire !
D'où les questions de fond qu'il faudra
bien se poser une fois cette guerre là terminée et en supposant au final cette
fois une vraie victoire sur les islamistes de Gaza, et non un sursis avant le
prochain round : un gouvernement israélien ayant parmi sa coalition des partis politiques
hostiles à toute négociation serait-il capable d'accepter un transfert de
souveraineté de ce territoire à l'Autorité Palestinienne légale ? Les États
occidentaux, si mous face aux vrais sponsors du Hamas - l'Iran, le Qatar et
d'autres - sont-ils prêts à engager des moyens
réels pour associer un contrôle sécuritaire effectif à la levée du
blocus, indispensable pour une vie décente des Gazaouis ? Pas de réponses à ce
stade là-dessus. Et donc incertitude totale sur «la photo de fin», selon l'expression classique des articles
anglophones.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire