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mercredi 6 février 2019

Vers une bipolarisation en Israël



Israël élections avril 2019

VERS UNE BIPOLARISATION EN ISRAËL

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
       

          En Israël on tend irrémédiablement vers une bipolarisation, droite et extrême-droite face au centre et à la gauche. On reviendrait en fait à l’époque historique de la création du pays, au temps de la deuxième Knesset, en 1951, où seuls deux partis étaient en tête : le Mapaï avec 45 députés et les Sionistes généraux second avec 20 sièges. Le reste des 120 députés étant réparti entre une multitude de micros partis. En 2009 aussi, deux partis se disputaient les voix des électeurs, Kadima avec 28 députés et le Likoud suivant de près avec 27 sièges. La bipolarisation ne va pas à l'encontre du pluralisme politique car elle se distingue du bipartisme où seules deux forces principales s’opposent. À l'échelle d'un État, cela désigne le regroupement des forces politiques entre deux camps principaux. 



Vidéo ou Netanyahou estime qu'il ne faut pas s'engager à plus de deux mandats de premier ministre 


            En 2019, la lutte est serrée pour l’éviction de Benjamin Netanyahou installé comme premier ministre depuis dix années alors qu’il avait annoncé à la télévision qu’il ne dépasserait pas deux mandats. La seule opportunité pour l’opposition de l’évincer passe par un regroupement des forces de gauche et du centre avec Benny Gantz, Moshe Yaalon, Yaïr Lapid et même Avi Gabbay certainement rejoint par Orly Levy-Abecassis pour contrebalancer le poids de gauche. Gantz refuse de trop teinter son parti d'une seule couleur. On parle même qu’Avigdor Lieberman, devenu pragmatique et anti-Bibi, serait prêt à rejoindre cette coalition TSN, tout sauf Netanyahou. Cette union est la seule solution pour Gantz de parvenir au sommet, pour devenir le premier parti de la Knesset et pour recevoir du président de l’État la mission de constituer un gouvernement de coalition.

            Le danger couve au sein du Likoud qui sent le sol crouler sous ses pieds alors qu’il faisait preuve, il y a à peine quelques semaines, d’une assurance à toutes épreuves. Il ne voyait pas dans l’opposition de force charismatique capable de le concurrencer. Alors il n’a pas vu venir le danger Gantz ou du moins, il a voulu le minimiser, berné par le silence du général qui agissait en fait dans l’ombre pour constituer son équipe.
            Contrairement à une idée reçue, la bipolarisation droite-gauche deviendra une donnée intangible de la vie politique israélienne. Elle s’est toujours imposée depuis la création de l’État d’Israël malgré l’existence à certaines périodes d’un centre à équidistance de la droite et de la gauche. Aux élections de 2019, la bipolarisation se traduira par l'union du centre (à l'exception de Koulanou), rejoint à la rigueur par la gauche, face à la droite, les nationalistes et l’extrême-droite.
Mais aujourd’hui, les questions sécuritaires ne divisent plus puisqu’il existe au sein des partis sionistes un consensus général sur la défense d’Israël, à l’exception des partis arabes israéliens. Le clivage actuel est fondé sur deux questions fondamentales : les problèmes économiques et la pauvreté qui dévorent une grande partie de la population puis ensuite le maintien ou non du dogme de «deux États pour deux peuples» induisant la question essentielle de la création ou non d’un État palestinien en Cisjordanie. Le contexte politique a donc changé.
On ignore pour l’instant l’orientation que prendra la campagne électorale avec l’espoir que les vrais débats soient abordés et que les attaques de caniveau seront définitivement écartées. Et cela a déjà commencé avec le chef de la coalition, David Amsalem du Likoud, qui a traité Benny Gantz «d’autiste» : «L’ancien chef de Tsahal est un autiste qui ne se soucie de rien et ne comprend». 
Gantz et Amsalem

    Avec des arguments de ce genre, la politique franchit des sommets qui n’apportent rien aux électeurs recherchant des réponses à leurs questions concrètes. Cette attaque, qui dénote un manque d'arguments politiques,  a provoqué la fureur de Yaïr Lapid dont la fille est autiste : «Dudi Amsalem vient de dire à la radio que Benny Gantz est autiste. Parce que ma fille est une malédiction pour lui. Parce que dans le monde d'Amsalem, ils piétinent toujours les plus faibles. Benny Gantz n'est pas autiste car il n'est pas nécessaire de s'arrêter sur le bord de la route quand il se met en colère et commence à mordre sa mère. Il ne vole pas la nourriture des tables des autres au restaurant. Il n'a pas besoin de traitements dentaires sous anesthésie complète. Ses parents ne se réveillent pas la nuit pour savoir qui s'occuperait de lui quand ils seront vieux. Je suis un politicien; je suis censé toujours parler gentil. Pas cette fois. Méfie-toi de moi, Dudi, parle gentiment de ma fille».
David Amsallem

Cette bipolarisation aura un effet bénéfique certain. Elle va réveiller les électeurs qui, par dépit, s’étaient éloignés de la chose publique parce que le combat était devenu inégal à l’instar du foot où l’on ne s’intéresse plus à la division-1 entièrement gangrenée par le PSG qui a détruit les enjeux. Il est certain que face à un combat loyal où deux forces d’égale valeur vont s’affronter, on va constater un renouveau d'intérêt des Israéliens pour la politique, et le triomphe des partis républicains sur les partis extrêmes. On le mesurera d’ailleurs par le niveau des abstentions qui s’effondrera sans aucun doute. Les partis, qui n’ont pas misé sur cette bipolarisation en n’adaptant leur doctrine, seront balayés comme le parti travailliste sur la voie d’une éradication parce qu’il n’a rien proposé de concret pour le traitement de la pauvreté et de la vie chère, qu'il n'a pas modifié son logiciel politique périmé et qu’il n’a pas su amener à lui les syndicats.  
La révolution des tentes à Tel Aviv en 2011

En France, on s’étonne qu’avec des problèmes plus ardus la rue israélienne ne manifeste pas à la manière des gilets jaunes. Ce risque existait mais les Israéliens sont conscients, qu'en raison de la situation de guerre permanente, ils doivent se montrer discrets et afficher une union parfaite. Ces éventuelles manifestations seront vite balayées par la bipolarisation qui génère un équilibre dans la vie politique israélienne ne nécessitant plus que l’opposition descende dans la rue. 
Nul n'est prophète pour garantir le succès de Benny Gantz mais s'il échouait dans sa tentative de déloger Benjamin Netanyahou, l’opposition à la Knesset pourrait disposer d’une force de proposition avec laquelle il faudra compter pour le bien de la population, ce que Avi Gabbay n’a pas réussi à personnifier. Il sera possible de s’éloigner du raisonnement du tout ou rien pour s’ouvrir vers une démocratie participative. Aucun clan ne détiendra seul la vérité.
La bipolarisation réconciliera l’électeur avec la politique car il aura enfin l’impression de pouvoir peser sur les décisions du gouvernement. Le pays n’est pas forcé de se convertir au centrisme ni au nationalisme mais il oscillera entre une politique ultra libérale mettant les plus faibles sur le carreau ou une politique privilégiant l’égalité et la solidarité communautaire pour que la classe moyenne puisse vivre dignement. C’est cette révolution qui est en route et qui n’a rien à voir avec le combat pour ou contre Netanyahou. Benny Gantz aura réussi à mettre la politique au centre des préoccupations des Israéliens. C'est sa première victoire.

1 commentaire:

Gilbert BRAMI a dit…

L’éviction de Benjamin Netanyahou comme premier ministre serait une grosse perte pour l'état nation Juif/Israël. En démocratie ce n'est pas la valeur d'un général qui compte mais celle du politique. A l'évidence le 1er ministre Netanyahou a rempli ses mandats d'une façon magistrale. Digne de Ben Gurion et de Golda Meir !