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vendredi 8 février 2019

Réflexions après les primaires du Likoud



Israël élections avril 2019

RÉFLEXIONS APRÈS LES PRIMAIRES DU LIKOUD

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps



Quand on compare les résultats des primaires de 2019 avec ceux de 2015, on constate que les inconditionnels de Netanyahou, comme Tsahi Hanegbi, David Bitan, Dudu Amsalem,  Nurit Koren et Anat Berko ont régressé, perdent du terrain ou sont éliminés face aux rivaux Israël Katz et Gideon Saar, qui se sont installés aux bonnes places de la liste et qui attendent le moment propice pour devenir calife à la place du calife. Il faut noter la bonne performance de Guilad Erdan qui se hisse à la quatrième place avant Guideon Sar, malgré les problèmes qu'a connus son ministère. En fait, Netanyahou va connaître au sein du Likoud une sorte de cohabitation à la française avec des rivalités exprimées au grand jour.


Députés éliminés avec leur rang


Israël Katz avait eu un grave contentieux avec Netanyahou qui l’avait même humilié au point d’envisager une démission forcée. Le secrétariat du Likoud, l’instance suprême du parti, dirigé à l'époque par Israël Katz, avait voulu faire bouger les choses en apportant plus de démocratie au parti. Katz, militant historique du parti et très proche de Netanyahou, était devenu populaire parmi les militants ce qui n’était pas du goût du premier ministre. Il montrait trop à la télévision sa volonté de supplanter Netanyahou et était donc devenu une véritable menace politique. Malgré les promesses du premier ministre et la victoire électorale de mars 2015, dont il fut l’un des promoteurs, on lui refusa le poste de ministre des affaires étrangères sous prétexte qu’il était réservé aux Travaillistes. Il resta aux transports, ce qui aggrava son amertume alors que le poste diplomatique est encore aujourd’hui vacant. Netanyahou ne voulait pas qu’un concurrent soit mis à la lumière et  surtout qu’il prenne un ascendant auprès des instances internationales.
Katz et Netanyahou

Mais Katz avait conçu un plan au sein du secrétariat du Likoud qui se retourna contre lui. Il avait voulu saper le pouvoir de Netanyahou en modifiant les règles pour l’empêcher de nommer les cadres du parti et de décider des budgets internes. Le vote avait été une victoire que Katz eut le tort de claironner trop vite et trop fort car il montrait qu’il était devenu l’homme fort du Likoud. La réaction des Netanyahou à ce putsch fut terrible. Katz a été forcé de faire machine arrière pour ne pas perdre son poste au gouvernement. Il fallait l'écraser ou le neutraliser, il l'a été. Katz était trop légaliste, ou peu courageux, pour envisager un putsch contre le chef suprême. Il avait donc décidé de rentrer dans le rang en attendant une éventuelle décision judiciaire contre Netanyahou.
Récemment encore le ministre des transports Israël Katz, qui ne cachait plus ses ambitions, avait annoncé à la radio militaire le 5 avril qu’il se présentera pour le leadership de son parti mais seulement si Benjamin Netanyahou n’était pas candidat. Il voulait ainsi prendre date tout en poussant le premier ministre vers la sortie en cas d’inculpation. Mais la concurrence devint rude avec le revenant, Gideon Saar, qui avait repris du service après trente mois sabbatiques. Ce militant doué du parti avait atteint le sommet pour ensuite décider, en septembre 2014, de se retirer parce qu'il avait compris que la première place était prise pour longtemps encore.
Guideon et Geoula Saar

Gideon Saar avait occupé les postes prestigieux de ministre de l’Éducation et de l’Intérieur puis avait décidé de mettre fin à son exil politique : «Comme vous le savez, il y a deux ans et demi j'ai décidé de prendre une pause de la vie politique, après près de 20 années de service public. Je voulais être avec ma famille. J'ai eu une période très agréable et calme. Ce temps est fini, et je suis venu dire que le hiatus est terminé, je suis de retour à l'activité publique et politique dans notre mouvement - le Likoud. Mon objectif est de renforcer le Likoud pour relever les défis de l'avenir, de faire en sorte que le mouvement du Likoud, qui est le premier mouvement national en Israël, dirigera le pays dans l'avenir».
Il avait choisi ce moment qui préfigurait une vacance du pouvoir. Mais il s’était entêté à revenir à son parti d’origine alors que des rumeurs le voyaient déjà faire cavalier avec Moshe Yaalon, ancien ministre de la défense, avec qui il se sent proche et qui avait décidé de créer un nouveau parti. Mais il tenait au Likoud, sa famille, et attendait le moment propice pour porter l’estocade. L’ère du consensus au parti était révolue. Jusqu’à présent le premier ministre surfait sur sa notoriété politique qui faisait de lui un chef irremplaçable face à des successeurs ternes mais le temps judiciaire risque de prendre le pas sur le temps politique.  Netanyahou avait tout fait pour empêcher Saar de participer aux primaires, pour des motifs peu glorieux, mais le parti ne l’a pas suivi.
Liste définitive des candidats

Un branle-bas de combat gagne toute la droite qui songe à préparer la relève mais il faut se rendre à l’évidence que Netanyahou n’a pas organisé sa succession. Aujourd’hui, les rivaux se sont invités au bal pour être prêts en cas de démission forcée du premier ministre à fortiori lorsque sa garde rapprochée a subi des coups. La droite garde l’espoir car elle sait que la gauche est laminée avec un leader qui était une erreur de casting et qui s’accroche à son fauteuil. Par ailleurs, la radicalisation à l’extrême-droite de l’opinion tend à prouver que le pouvoir ne peut pas échapper à la droite.
Alors, tout le monde veut aller à la soupe sauf l’extrême-droite qui se neutralise en partant en ordre divisé. Mais à l’extérieur du parti, la situation a changé. Les prétendants fourbissent leurs armes. Les anciens chefs d’État-major ont décidé de croiser le fer au moment où Gidéon Sar organise son retour après sa période de purgatoire imposée par Netanyahou. D’ailleurs sa femme journaliste, Géoula Even,  a quitté son poste à la télévision pour lui prêter main forte.
Il est certain que la lassitude gagne dans le camp de Netanyahou qui est à la tête du gouvernement depuis 2009, après un premier mandat entre 1996 et 1999. Dix ans de pouvoir gênent les ambitions de ceux qui trouvent le temps long. Les événements nouveaux leur donnent une occasion à ne pas rater. La guerre des droites est déclarée. Une révolution de palais se prépare dans les antichambres.
Katz, Saar et Erdan

            Saar a qualifié les élections primaires de grande réussite pour lui après une si longue absence politique qui aurait pu le marginaliser : «C'est ma plus grande réussite politique. Après des élections primaires difficiles et stimulantes, je tiens à remercier les membres du parti Likoud de leur confiance en moi. Après quatre ans d'absence de la politique, ils m'ont à nouveau choisi pour la direction du Likoud (entre autres). Je vous remercie pour votre soutien et votre amour et pour votre loyauté, car je suis resté fidèle au Likoud même pendant ses jours difficiles».  Il se place déjà en position de leader : «Le Likoud a prouvé la force de sa démocratie et ses membres ont démontré leur sagesse et leur responsabilité nationales et collectives en choisissant une équipe d'élite riche en expérience et en talent. C’est une équipe digne de diriger l’État d’Israël dans les années à venir. Nous allons maintenant unir nos efforts et œuvrer pour la victoire du Likoud aux élections législatives du 9 avril». Il faut cependant relativiser sa victoire car, n'étant pas arrivé en tête, il ne pourrait pas être choisi par le président pour constituer un gouvernement à la place de Netanyahou. 
            Israël Katz, fidèle à son attitude prudente, voire peu courageuse, ne s’engage pas du tout dans le combat interne : «Benjamin Netanyahou est le Premier ministre et chef du Likoud. Il est le candidat du Likoud pour former une coalition et nous nous embarquons ensemble pour les élections afin qu’il forme le prochain gouvernement».
Ayoub Kara et Netanyahou

            La liste sortie des primaires du Likoud comporte cependant plusieurs lacunes. Les femmes y sont pratiquement absentes ainsi que les minorités après l’élimination du ministre druze Ayoub Kara. Le parti rejoint le Liban comme l'un des plus mauvais élèves au monde sur le plan de la participation des femmes dans la vie politique. Gantz, qui a fait une courte déclaration de candidature, peaufine son programme et choisit les membres de sa liste. Il est fort probable qu’il tirera profit des carences de la liste Likoud. Il fera certainement appel à la communauté druze ou arabe pour montrer qu’il est entièrement dévoué aux minorités et à des femmes, certainement aidé en cela par sa femme Revital ergothérapeute de profession.
Son silence stratégique a pour but de laisser ses adversaires dans le flou car ils ne trouvent pas encore l’angle d’attaque adéquat sauf à user de critiques personnelles stériles. Les résultats des primaires, qui entérinent la dichotomie au sein du Likoud, ne peuvent que l’encourager dans sa voie. Ces remous au sein du parti dominant lui permettent d'envisager, le cas échéant, de débaucher certaines pointures rancunières s’il arrivait en tête des élections législatives.  Ce serait la vengeance de ceux qui ont été brimés pendant le règne de Netanyahou.

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