RUPTURE CONSOMMÉE
ENTRE LE FATAH ET LE HAMAS
Par Jacques
BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
Hamdallah-Abbas |
Après la
démission du premier ministre palestinien Rami Hamdallah, le 29 janvier
2019, le Comité central du Fatah avait
décidé de former un gouvernement composé uniquement de factions de l'OLP et
sans participation du Hamas. Mahmoud Abbas a trouvé ce moyen pour isoler les islamistes
du Hamas qui contrôlent la bande de Gaza. Le consensus national est ainsi définitivement
enterré, à la grande joie des Israéliens qui voient s’éloigner toute possibilité
de création d’un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza.
Comité central du Fatah |
Le 27 janvier, le
Comité central avait recommandé la dissolution du gouvernement. Le premier
ministre reconnaît ainsi son échec dans sa tentative de réconciliation avec le
Hamas. En fait
cette décision était prévisible depuis
que la Cour constitutionnelle suprême avait décidé, le 12 décembre 2018, de
dissoudre le Conseil législatif palestinien (PLC) entièrement dominé par le
Hamas et d’organiser de nouvelles élections législatives.
Cependant les
dirigeants du Fatah souhaitent choisir une autre personnalité que Hamdallah qui
paie ainsi son incapacité à reprendre en main Gaza. Trois candidats émergent de
la liste. Mohammad Shtayyeh, membre du Comité central et président du Conseil
économique palestinien pour le développement et la reconstruction, Saeb Erekat,
membre du Comité central et secrétaire du Comité exécutif de l'OLP et enfin
Mahmoud al-Aloul seraient les finalistes d’un choix imposé en fait par Mahmoud
Abbas. Le président de l’Autorité a besoin de nouvelles personnalités pour
faire face au nouveau gouvernement israélien qui sortira des élections du 9
avril 2019.
Mohammad Shtayyeh |
Loin est
le temps où le Hamas et le Fatah cosignaient un accord, le 23 avril 2014, au
domicile d’Ismaël Haniyeh à Gaza. Tout était prévu pour la tenue d'élections
législatives et présidentielles ainsi que d'élections de conseils locaux dans
un délai de six mois. La situation n’a pas évolué et Hamdallah est accusé non
seulement d’avoir échoué à amener le Hamas devant les urnes mais aussi d’avoir
été à l’origine des crises internes menant à des manifestations chez les
Palestiniens.
Pour mettre fin à l’agitation populaire, Mahmoud Abbas a été
contraint d'arrêter la mise en œuvre de la Loi sur la sécurité sociale entrée
en vigueur en octobre 2018 qui avait été
approuvée par le gouvernement. Il a exigé «la poursuite du dialogue entre toutes
les parties concernées afin de parvenir à un consensus national Loi et date
d'entrée en vigueur».
Manifestation contre la loi sur la sécurité sociale |
Le Fatah
avait donc trouvé un alibi pour obtenir le renvoi de Hamdallah de son
gouvernement et pour faire pression pour la formation d'un gouvernement sans le
Hamas. Le Fatah n’attendait que cette opportunité depuis sa défaite aux élections
législatives de 2006. Jamal Hawil, membre du Conseil
révolutionnaire du Fatah, s’est ainsi justifié : «La situation
palestinienne nécessite un changement de gouvernement pour répondre aux
demandes de la rue palestinienne, en particulier à la lumière des performances
médiocres du gouvernement de certains ministres. Toutes les factions de l'OLP
doivent assumer la responsabilité de ce qui se passe».
Abdullah
Kamil, autre membre du Conseil révolutionnaire du Fatah, a constaté que la
réconciliation avec le Hamas était dans l’impasse : «Il est nécessaire
de passer d'un gouvernement de consensus national à un gouvernement d'union
nationale pour mener à bien ses tâches en vue des prochaines élections. Le
prochain gouvernement serait formé principalement du Fatah, des factions de
l'OLP et de certains indépendants. Le nouveau gouvernement verra bientôt
la lumière».
Mais tout
n’est pas si limpide car le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine)
et le DFLP (Front démocratique de libération de la Palestine) s’opposent à la
création d’un tel gouvernement car il veulent d’abord résoudre les raisons de
la scission interne : «Des mesures sérieuses sont nécessaires pour
mettre en œuvre le rapprochement. Le président Abbas devrait convoquer une
réunion urgente du comité de développement de l'OLP et former un gouvernement
d'union nationale composé de toutes les factions, y compris du Hamas, pour
superviser les élections générales». On sent bien un dialogue de sourds au
sein des factions de l’OLP qui estiment indispensable la création d’un
gouvernement intérimaire approuvé par tous, y compris le Hamas et le Djihad
islamique.
Feu l'accord Fatah-Hamas |
Mahmoud
Abbas veut passer outre et former son gouvernement avec quelques clans qui lui
sont fidèles : le FLP (Front de libération de la Palestine), le Front de
libération arabe, le Front de lutte populaire et des personnalités
indépendantes. Il s’appuie pour cela sur l’article 65 de la Loi fondamentale de
2003 qui précise que le président de l'Autorité désigne le Premier ministre
pour former un gouvernement dans les trois semaines à compter de la date de sa
nomination. Il aura un droit à une prolongation maximum de deux
semaines. L'article 66 prévoit que le Premier ministre soumet son
gouvernement à un vote de confiance du CLP. Cette procédure n'a toutefois jamais
été appliquée depuis la division entre la bande de Gaza et la Cisjordanie.
Mais la décision finale de dissoudre le
gouvernement actuel ou de demander la constitution d’un nouveau gouvernement et
de désigner le Premier ministre, incombe à Mahmoud Abbas. Il temporise car les
élections israéliennes désigneront un nouveau gouvernement qui aura pour
rôle principal de se pencher sur le plan de paix de Trump qui ne recueille pas de majorité au sein du Likoud et de ses associés
nationalistes.
En cas de défaite de Netanyahou, le centre et bien
sûr la gauche seraient plus attentifs aux propositions américaines impliquant
la création d’un État palestinien sur la moitié au moins de la Cisjordanie. Quoi
qu’il en soit, Netanyahou ou son successeur devront trouver une solution
conforme aux intérêts israéliens, faute de quoi elle sera imposée par Donald
Trump qui tient à supprimer l’abcès de fixation du conflit israélo-palestinien
pour mieux s’occuper de l’Asie qui reste sa préoccupation principale. La
question de Gaza est quasiment réglée avec l’acceptation d’une «entité» islamique
indépendante. Cependant le dogme de deux États pour deux peuples a été réduit à sa plus
simple expression.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire