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lundi 18 février 2019

L'incertitude des élections d'avril 2019



Israël élections avril 2019

L’INCERTITUDE DES ÉLECTIONS D’AVRIL 2019

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps

            

          De mémoire de journaliste, jamais des élections législatives israéliennes n’auront été aussi incertaines que celles d’avril 2019. Plusieurs raisons à cela : la division interne au sein des partis, l’éclatement du spectre politique en entités de plus en plus réduites, l’épée de Damoclès de la justice qui pend au-dessus du premier ministre Benjamin Netanyahou, la guerre des ego entre leaders politiques qui ne parviennent pas à s’entendre, et enfin l’élimination probable de la scène politique de figures historiques des grands partis. 




          Une certitude cependant, le leader qui parviendra en tête, quel qu’il soit, aura du mal à constituer une coalition stable. En effet on constate déjà, selon les derniers sondages, que la coalition actuellement au pouvoir ne recueillerait que 52 sièges, sur les 61 exigés pour une majorité à la Knesset. L'émiettement de plusieurs partis marginaux, parfois avec seulement quatre députés, risque de bloquer les discussions et d'attiser les ambitions personnelles sans aucune justification politique. 
            Au Likoud, Benjamin Netanyahou sera certainement confronté à une cohabitation face à ses deux rivaux, Israël Katz et Gideon Saar, qui n’attendent que le moment propice pour cueillir les fruits de leur discipline au parti. Par ailleurs, il devra compter avec les manœuvres éventuelles des grognards éliminés qui avaient érigé une barrière de protection autour de leur leader en le défendant face aux injonctions de la police, au zèle tout à coup retrouvé du procureur de l’État et  aux initiatives de la presse. 

Katz, Saar et Erdan

          Il n’est pas certain que ces deux rivaux s’engagent à fond dans une campagne électorale où la chute du calife leur assurerait enfin une place politique à laquelle ils ont aspiré pendant de longues années. Ils risquent de traîner la savate, en attendant peut-être de donner le coup de grâce  à un chef qui a tout fait pour les écarter de la gouvernance et qui n’a jamais voulu préparer sa succession. Les Francophones qui se sont investis au Likoud ont pratiquement tous décidé de revoir de meilleurs cieux auprès d’une extrême-droite éclatée en quatre partis dont ne mesure pas les différences idéologiques. Les femmes, qui ont été considérées comme quantités négligeables sur la liste électorale Likoud n’auront aucune raison d’apporter leur concours actif. Enfin les séfarades n'ont plus droit de cité au Likoud.
Leaders kahanistes de Otzma

            Tous les petits partis vont laisser des plumes et même disparaître de la scène politique. A l’extrême-droite, les kahanistes de Otzma et les orthodoxes de Yahad, le parti d’Eli Yishaï, les nationalistes d’Avigdor Lieberman, la passionaria Orly Levy-Abecassis risquent de ne pas atteindre le seuil exigible de quatre députés. Au centre-droit Koulanou de Moshé Kahlon paie les conséquences de ses promesses non tenues et voit son parti s’enfoncer dans les profondeurs des sondages pour disparaître de la scène politique. La gauche historique Meretz, avec sa liste hétéroclite, ne parvient plus à convaincre et frôle l’élimination. Même les partis arabes se sont scindés en deux entités avec la probabilité que l’une d’entre elles soit absente de la Knesset. Enfin les orthodoxes religieux n'estiment avoir rien de commun hormis la Torah; mais le Shass préfère disparaître de la Knesset plutôt que de s'unir avec les Ashkénazes.  
            Alors des unions sont indispensables pour assurer la survie de certains petits partis. Otzma et Yahad ne devront leur salut qu’à un rassemblement de tous les partis d’extrême-droite. Les travaillistes ne pourront faire entendre leur voix qu’en collaborant avec Meretz. Tsipi Livni, qui souffre du syndrome Shimon Peres parce qu’elle est détestée en Israël et louée à l’étranger, pourrait exister avec Ehud Barak, lui aussi oublié des sondages.
Gantz et Livni

            Enfin Benny Gantz attend les dernières minutes, fixées au 21 février, pour déposer la liste de ses candidats dont on connaît à peine quelques noms. Il donne l’impression d’être un homme peu pressé et d’avoir une stratégie brouillonne. Ceux qui estiment qu’on ne s’improvise pas homme politique reçoivent ainsi de l’eau à leur moulin. Il est probable qu’il s’agisse d’une stratégie volontaire de communiquer le moins possible pour ne pas donner le flanc aux critiques mais l’on sent des difficultés de dernière minute pour finaliser une liste diversifiée de candidats.
Il avait donné quelques pistes au départ, en particulier en promettant de modifier ou de supprimer la loi État-nation du 19 juillet 2018 qui stipule que seuls les Juifs ont le droit à l'auto-détermination en Israël. Le texte confirme le caractère juif du pays et précise que l'hébreu devient la seule langue officielle, l’arabe bénéficiant d’un statut spécial temporaire. Ce qui n’est plus le cas de la langue arabe qui conserve toutefois un «statut spécial».

Il a expliqué partiellement ses intentions en ce qui concerne la Cisjordanie mais il n’a rien dévoilé de son programme censé faire la différence avec le Likoud.  D’ailleurs sa popularité s’effrite selon les sondages quotidiens et donne des idées aux caricaturistes pour le désigner comme un OPNI, objet politique non identifié. En restant nébuleux sur son programme, il déroute ceux qui avaient sur lui un a priori favorable et qui attendent qu’il clarifie ses positions. Bien sûr la campagne ne fait que commencer mais il se pare des défauts de ses adversaires en les critiquant au lieu d’exposer les mesures qu’il compte appliquer. Des adversaires d’ailleurs qui n’ont rien trouvé de mieux comme argument que de faire peur en le qualifiant d’homme idéologique de gauche, voire de gauchiste.
Le temps ne lui a pas pourtant manqué pour peaufiner son programme, quatre ans après avoir quitté l’armée et après avoir publié son manifeste du 16 juin 2016 en collaboration avec Gabi Ashkenazi. Les électeurs qui s’inscrivent à sa nouvelle formation savent uniquement que son parti «a pour but de renforcer Israël en tant qu’État juif et démocratique avec l’objectif de changer les priorités nationales». C’est bien dit mais c’est vague. Certes il représente un concurrent sérieux face à Netanyahou car il est respecté sur le plan militaire. Il incarne en effet d’une certaine manière le besoin d’assurance sécuritaire et de stabilité recherché par les Israéliens.
Ramassage des poubelles des marchés 

Mais il est clair qu’en Israël existe un consensus, à droite comme à gauche, sur les impératifs sécuritaires. L’accent pour se distinguer devra donc être mis sur les questions sociales et économiques : l’augmentation de la pauvreté, le dérapage du coût de la vie, la progression continue des prix de l’immobilier ne permettant pas à la classe moyenne de se loger décemment, l’aide aux défavorisés qui ne sont pas seulement arabes, la réforme des mesures de l’alyah pour les candidats européens, et une révision en hausse des salaires.
Si Benny Gantz veut réussir, il doit rassembler à gauche, à droite et au centre. L’adjonction dans sa liste du patron du syndicat Histadrout doit être contrebalancée par l’invitation à Orly Levy-Abecassis de le rejoindre. Elle répond à cinq critères. Il s'agit d'une femme séfarade, à la sensibilité de droite affirmée, militante sociale de la périphérie, habitant le kibboutz Mesilot, près de Bet Shean, la ville de son père, loin de la capitale et au sein des populations abandonnées par le pouvoir central. 
Le tout n'est pas de prendre des gens nouveaux mais des gens expérimentés et de ne pas commettre l'erreur de Macron. Gantz doit muscler son secteur diplomatique avec Tsipi Livni qui a ses entrées en Europe et parmi les pays arabes et ceux du Golfe. On ne s'improvise pas diplomate. 


Enfin, Adina Bar Shalom, juive orthodoxe, compléterait habilement une liste qui veut et doit rassembler, La fille du rabbin séfarade Ovadia Yossef, spécialisée dans l’éducation, prix d’Israël, donnerait une caution religieuse à ceux qui ne veulent voir dans le parti de Gantz qu’une entité gauchiste athée.
Les jeux des listes et des alliances sont pratiquement faits à quelques jours du dépôt des listes, le 21 février. Certes il reste les alliances post-élections mais seul le parti arrivé en tête aura le droit de constituer un gouvernement. Benny Gantz doit savoir ce qu’il lui reste à faire pour décrocher la première place.  


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