LE TABOU DE LA DIVISION DE JÉRUSALEM EST BRISÉ
Par Jacques BENILLOUCHE
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Lorsque les négociateurs s’aventurent à imaginer
quelques pistes, sinon pour une paix définitive, au moins pour un cessez-le feu
durable, ils font face à une levée de boucliers quand ils abordent la question de la séparation physique avec
certains quartiers arabes de Jérusalem-Est. C’est un tabou qui vient d’être brisé
par la volonté des Arabes.
Pour une majorité d’Israéliens, Jérusalem ne doit
pas être divisée même si les Juifs doivent cohabiter difficilement avec 370.000 arabes disposant
généralement de la nationalité jordanienne ou d’un permis de résidents
privilégiés. Cela d’ailleurs les autorise à ne pas jouer le jeu de
l’intégration au sein de la ville réunifiée, dès lors où ils ne sont pas
considérés comme des citoyens israéliens à part entière. L'annexion de Jérusalem leur a donné un statut hybride.
Muraille "temporaire" à Jérusalem |
C’est pourquoi toutes les décisions politiques du gouvernement israélien concourent à ne pas donner l’impression qu’on est prêt à abandonner une portion infime de la Capitale. Et pourtant les émeutiers viennent de démontrer que Jérusalem-Est
reste à l’écart de la Capitale moderne. Cette partie de la ville était déjà
abandonnée par les autorités locales. Les égouts débordent les jours de pluie,
les trottoirs ne sont pas matérialisés et la voirie s’intéresse peu à cette partie
de la ville restée au même niveau physique qu’en 1967.
Quartier de Jérusalem-Est |
Mais ce tabou est à présent brisé avec les derniers événements.
L’armée et la police ont matérialisé la séparation en plaçant des check-points
de blocs de béton pour limiter le déplacement des Arabes vers l’Ouest. Cette séparation a une portée symbolique car
elle ressemble à celle qui était appliquée aux points de contrôle dans les Territoires. Les autorités ont été
amenées à isoler Jérusalem-Est du reste de la Capitale. La décision a été prise
au sommet puisque le Cabinet de sécurité a exigé la fermeture partielle de la
ville en imposant une limitation de fait à la liberté de circulation d’une
catégorie de citoyens. L'interdiction de circulation imposée aux Arabes de Jaffa, de Jérusalem
ou de Sakhnine n’a pas la même
signification que celle qui touche les Palestiniens de Ramallah ou Hébron.
Bien sûr l’honneur est sauf puisqu’ordre a été donné à
la police de ne pas totalement boucler la ville de l’Est pour ne pas tracer de
frontière politique dévastatrice pouvant
faire jurisprudence. Les résidents arabes profitent d'ailleurs de ces quelques ouvertures pour contourner
les barrages existants afin d'utiliser les points de passages non sécurisés. Il ne fait aucun doute que sur le
plan sécuritaire la séparation est dissuasive et que les terroristes ont plus
de mal à agir en milieu juif. C’est le seul moyen trouvé, par la police sous
les ordres du gouvernement, pour rassurer une population choquée par l’audace
des tueurs au couteau.
Mais cette stratégie s’oppose à celle utilisée paradoxalement
en Cisjordanie consistant à maintenir la liberté de circulation. Les hauts
gradés israéliens se sont toujours opposés au blocage des Territoires : «La
restriction de mouvement doit être examinée avec soin et selon les besoins
opérationnels, et non comme une punition collective à la population. Conserver
le tissu de la vie palestinienne est un élément clé dans la lutte contre
l'activité sur la rue palestinienne, afin que les masses ne soient pas
impliquées dans les affrontements». La police pense en effet que la restriction de
circulation exacerbe ceux qui n’avaient aucune intention de commettre des attentats et qui sont
incités à agir par vengeance ou par solidarité avec les leurs.
Une séparation de fait |
Jérusalem est donc devenue un cas particulier. La restriction de circulation aux seuls Arabes peut être assimilée à
une mesure de ségrégation entre l’Est et l’Ouest de la
ville, une sorte de division déguisée. L’idéologie israélienne prend un coup. Au temps des deux Intifada, les seules fermetures efficaces l’ont été avec les tanks autour
des villes palestiniennes. Or, si la situation perdure et s’aggrave, la solution
de chars autour de Jérusalem-Est aurait certes un effet dissuasif pour les
terroristes mais catastrophique pour les leaders politiques contraints d’assimiler un quartier de Jérusalem à Hébron
ou Bethlehem. Les conséquences économiques seront certainement terribles
puisque les habitants arabes se trouveront dans l’impossibilité de rejoindre
leurs lieux de travail et augmentera les troupes de mécontents.
Travailleurs palestiniens |
Il
est en effet difficile d’accuser tous les Arabes de Cisjordanie de terroristes.
60.000 Arabes des territoires travaillent en Israël et à ce jour aucun n’a été
impliqué dans des attentats. D’autres, plus de 20.000, y travaillent directement dans les
implantations de Cisjordanie et n’ont montré aucun signe d’agressivité parce qu'ils savent que la vie économique
de leur famille dépend des salaires perçus en Israël. Selon les statistiques de
la police, un nombre infime totalement négligeable de ces Arabes a trempé dans des attaques à l’intérieur du pays justifiant la position pragmatique de l’armée et de la police à l’égard de la circulation des
Palestiniens. Or actuellement, seule la fermeture de
Jérusalem-Est a été décrétée tandis que l’armée, sous les ordres de la police,
a été chargée de frapper un grand coup en déployant des centaines de soldats dans des zones très
peuplées et en utilisant les drones de surveillance.
Mais
ces dernières émeutes ont montré d’une part le manque de loyauté des Arabes de
Jérusalem et la vulnérabilité de la frontière avec Gaza. Le gouvernement a donc
décidé la construction d’une nouvelle clôture de 62 kms avec Gaza, identique à celle
avec l’Egypte. Une frontière avec l’Est de Jérusalem n'est pas encore prévue mais elle serait la plus sécurisée. Les nationalistes idéologues juifs voient le danger d’encercler la ville parce que cela signifiera
la division de la ville. Une division qui est en partie dans les cartons. En
effet les habitants de Nof Zion, en plein quartier palestinien de Jabel Mukaber,
sont considérés comme temporaires dans la région. Les 50 familles qui y
résident ne peuvent prétendre qu’à la location de leur appartement donnant
ainsi l’impression qu’ils n’y sont qu’à titre transitoire.
Nof-Zion |
De la même manière, les habitants
de Maalé Hazeitim, mitoyen du quartier arabe de Ras Al-Amud sont, eux,
véritablement assiégés et son considérés comme un abcès au sein de
Jérusalem-Est. D’ailleurs l’un de ses habitants ne s’est pas trompé et a perçu
le danger : «je suis contre la fermeture des quartiers arabes de la
région. Nous sommes ici parce que nous nous battons pour l'unité de Jérusalem.
Cela est de la plus haute valeur et il ne faut pas se référer à Jérusalem comme
une ville divisée. Mais si vous configurez fermetures ou encerclement, ceci est
en fait diviser la ville».
Issawiya |
Mais ce n’est pas la seule fois
qu’on cherche à diviser la Capitale. En 2013 déjà, à quelques semaines de
l’élection municipale à Jérusalem, l’insécurité était le thème majeur de la campagne à tel point qu’une tranchée a été creusée aux abords d’un quartier de
la ville pour empêcher les habitants d’un village palestinien d’y pénétrer. C’est
un fossé qui s'étirait sur quelques centaines de mètres. Dix ans après la
construction du mur de séparation, la municipalité de Jérusalem avait décidé de
creuser une tranchée entre le quartier juif French Hill (guivat tsafartit) à
Jérusalem-est et le village d’Isawiyah pour accroître la sécurité de la
population juive face à la menace terroriste. Selon le conseiller municipal
Avner Blankstein : «Nous avons un réel problème. Il n’y a pas de
séparation physique et le niveau d’hostilité est très élevé».
Mur d'Abou Dis mitoyen avec Jéruisalem-Est |
La question est de comprendre l'intérêt de garder au sein d'Israël des zones entièrement occupées par des Arabes hostiles à toute cohabitation, des zones qui n'ont pas été touchées par le modernisme et qui tranchent avec le reste de la Capitale. Ces quartiers n'ont aucune référence biblique puisque construits durant le siècle écoulé. Ils sont le foyer de la haine contre les Juifs et n'apportent rien, ni à Israël, ni à la sécurité d'Israël. Ceux qui veulent les garder en font une question de principe pour ne pas donner l'impression de faire preuve de faiblesse. Ces 370.000 Arabes de Jérusalem seraient plus en phase dans une structure palestinienne. La question est politique mais surtout sécuritaire.
La carte montre qu'il suffit de déplacer le mur qui entoure la Jérusalem-Est habitée uniquement par des Arabes et non visitée par les Juifs, hors Lieux Saints, pour la rattacher au quartier de Abou-Dis en laissant aux Palestiniens le soin de qualifier cette nouvelle entité. En fait la division de Jérusalem est dans tous les esprits de ceux qui pensent que le divorce est inéluctable.
Mise à jour du 18 octobre
La carte montre qu'il suffit de déplacer le mur qui entoure la Jérusalem-Est habitée uniquement par des Arabes et non visitée par les Juifs, hors Lieux Saints, pour la rattacher au quartier de Abou-Dis en laissant aux Palestiniens le soin de qualifier cette nouvelle entité.
Mise à jour du 18 octobre
La police, sur demande du
ministre de la sécurité publique Gilad Erdan, a mis en place le 18 octobre de
nouvelles barrières entre les quartiers d’Armon Hanatziv et Jabel Mukaber. Les blocs de béton placés à côté de la rue
Meir Nakar diviseront effectivement les deux quartiers. L'encerclement de la ville arabe est presque total à présent.
6 commentaires:
Le problème c'est que tous les terroristes qui ont sévit sont arabes. Je n'ai vu aucune scission au sein des arabes israéliens pacifiste pour protester et dénoncer les actes criminel de leur frères. Israël n'a pas le luxe de choisir qui est le bon du mauvais. Donc punition collective . La sécurité en priorité, les droits de l'homme nous excuseront.
Le Maire de Nazareth s'est fortement opposé à la violence, j'ai eu des échos de Haïfa, où les chrétiens auraient été effondré par la situation. Il faudrait que ceux ou celles qui connaissent des arabes apportent des témoignages.
Elles n'ont pas manquées, les personnalités arabes qui ont condamné le terrorisme et la violence. Des plus connues, comme le maire de Nazareth et la journaliste Lucy Ahrish, aux activistes comme Annette Haskia ou Mohammad Ka'abiya. Il suffit de chercher et regarder.
Et il suffit de marcher dans les rues de Jéru pour se rendre compte que la ville est bel et bien divisée. C'est une réalité.
Vous avez raison. Entre parentheses, ma fille qui rentre d'un voyage en israel, a ete choquee par la disparite qui regne entre la jerusalem juive, moderne et propre et le quartier arabe ou tout est a l'abandon, est ce vraiment intelligent de la part des gouvernants de maintenir cette dichotomie ?
Quand je compulse l'histoire récente de cette ville,je ne vois pas d'éléments qui me permettent de comprendre l'attitude des résidents Arabes,leur quartier c'est un bon vouloir des Israéliens et alors pourquoi ne font t'ils pas en sorte que ce quartier soit propre et accueillant,mais c'est partout même à l'extérieur d'Israël, alors je pense que cela est voulu de leur part pour faire pression ou je ne sais quoi d'autre !
suite à cet article, je suis content que le tabou de Jérusalem est été fracassé sur l'autel des illusions. il ne faut pas être un expert pour comprendre que la municipalité n'est pas à la hauteur.
depuis le jour de la création de Jérusalem une et indivisible, tout le monde ferme les yeux et met la poussière sous le tapis.
enfin un peu de clarté sur ce dossier, cela ne donne pas des ailes mais permet la définition de l'objectif.
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