DANGER CROISSANT, LE MOUVEMENT DU
DJIHAD ISLAMIQUE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Deux mouvements dominent la politique palestinienne
en Israël et dans les Territoires, le Fatah en Cisjordanie et le Hamas à Gaza. Cependant,
il est fait souvent abstraction d’un autre mouvement très actif et en pleine croissance qui, selon le
gouvernement, inspire aujourd’hui les terroristes au couteau. Il s’agit du
Mouvement du Djihad Islamique en Palestine (Ḥaraka al-Jihād al-Islāmī fī Filastīn).
D’ailleurs des points de convergence attestent de son implication dans la
situation actuelle. Le Fatah de Mahmoud Abbas veut éviter d’envenimer les
rapports avec Israël et adopte officiellement une attitude réservée. Quant au
Hamas, il espère toujours que les négociations secrètes avec Israël aboutiront.
Ainsi seuls les islamistes du Djihad peuvent être au front.
Le mouvement du Djihad combat pour «la libération de la Palestine» avec une idéologie originale qui le rapproche à la fois du Fatah, des islamistes radicaux sunnites des Frères musulmans et du Hezbollah chiite libanais. Il oscille entre ces courants ce qui lui permet d’être toujours à la pointe du combat. Certains Palestiniens ont fui les rivalités entre Fatah et Hamas pour rejoindre ce mouvement qui est devenu un acteur fondamental dans la région parce que, fondé sur sa composante religieuse, il détient aussi une structure militaire.
Le mouvement du Djihad combat pour «la libération de la Palestine» avec une idéologie originale qui le rapproche à la fois du Fatah, des islamistes radicaux sunnites des Frères musulmans et du Hezbollah chiite libanais. Il oscille entre ces courants ce qui lui permet d’être toujours à la pointe du combat. Certains Palestiniens ont fui les rivalités entre Fatah et Hamas pour rejoindre ce mouvement qui est devenu un acteur fondamental dans la région parce que, fondé sur sa composante religieuse, il détient aussi une structure militaire.
Ce mouvement s’interpose entre le mouvement
national symbolisé par le Fatah dans sa lutte de libération et l’islamisme
sunnite spécifique aux Palestiniens. Il a réussi à s’imposer au départ grâce à
une position ultra-radicale en usant de la violence politique. Ainsi il rejette tout dialogue avec Israël et, a
fortiori, toute négociation de paix. Mais il sait user de diplomatie en s'impliquant dans les affaires intérieures palestiniennes pour tenter la
réunification du peuple palestinien. Il a été accusé au début d’être très proche
de l’islam chiite représenté par l’Iran mais il a tout fait pour démontrer son unique ancrage palestinien sunnite radical.
En fait le Djihad islamique s’est installé idéologiquement entre le nationalisme de l’OLP et l’islamisme des Frères musulmans avec un objectif axé sur la libération de la Palestine. Il inspire le mouvement islamique israélien dont l’un des chefs, Raed Salah, vient d’être arrêté pour sa participation à des rassemblements violents et non autorisés et pour son incitation à la violence.
Salah Raed aux prises avec la police |
En fait le Djihad islamique s’est installé idéologiquement entre le nationalisme de l’OLP et l’islamisme des Frères musulmans avec un objectif axé sur la libération de la Palestine. Il inspire le mouvement islamique israélien dont l’un des chefs, Raed Salah, vient d’être arrêté pour sa participation à des rassemblements violents et non autorisés et pour son incitation à la violence.
Izz al-Dīn al-Qassām |
Le mouvement du Djihad est ancien puisqu’il a
été créé vers la fin des années 1970 par des étudiants de Gaza expatriés dans
les universités d’Égypte. Ils ne voulaient au départ être ni des clercs, ni des
militants politiques car ils s’orientèrent vers des carrières libérales
ou vers des études administratives afin d’intégrer la fonction publique. Ils avaient
alors cherché une synthèse entre la culture littéraire et politique européenne
et le réformisme musulman. Ils avaient été inspirés par Izz al-Dīn al-Qassām
grande figure militante qui luttait contre le colonialisme dans la région mais sa carrière fut très
brève puisqu’il a été tué en 1935 dans un combat contre le mandataire
britannique.
Ces étudiants de Gaza, d’une autre classe
intellectuelle, supportaient mal la morale trop rigoriste des Frères
musulmans et préféraient s’en éloigner. Fatḥī
al-Shakaki, est considéré comme le fondateur et le théoricien du mouvement après
avoir milité chez les Frères. Sa famille, qui vivait à Ramleh, s’était réfugiée
en 1948 à Gaza. Il a étudié les mathématiques et la physique à l’université Bir Zeit de
Ramallah puis la médecine en Égypte.
Tout en militant au sein de la confrérie pour consolider sa culture politique et religieuse, il avait créé en 1976 en Égypte avec d’autres intellectuels les «Avant-gardes islamiques» (Al-Ṭali‘a al-Islāmyyia). Ces militants se sont alors opposés aux Frères qui cherchaient plutôt à islamiser la société au lieu de militer pour la libération de la Palestine. Ils se sont aussi opposés aux membres du Fatah jugés trop laïcs. Fatḥī al-Shakaki avait vite constaté le vide politique entre «des nationalistes sans islam et des islamistes sans Palestine».
Fathi Shakaki |
Tout en militant au sein de la confrérie pour consolider sa culture politique et religieuse, il avait créé en 1976 en Égypte avec d’autres intellectuels les «Avant-gardes islamiques» (Al-Ṭali‘a al-Islāmyyia). Ces militants se sont alors opposés aux Frères qui cherchaient plutôt à islamiser la société au lieu de militer pour la libération de la Palestine. Ils se sont aussi opposés aux membres du Fatah jugés trop laïcs. Fatḥī al-Shakaki avait vite constaté le vide politique entre «des nationalistes sans islam et des islamistes sans Palestine».
La
révolution iranienne de 1979 entraîna un tournant idéologique. Ils ont puisé chez
les mollahs la variable anti-impérialiste pour envisager une alternative
révolutionnaire dans le monde arabe. Ils ont donc opté pour la troisième voie
d’un islam politique palestinien, à la fois nationaliste et djihadiste, entre
l’activisme de l’OLP et une certaine retenue des Frères. La révolution iranienne poussa Fatḥī
al-Sakaki à rédiger une thèse sur «la solution islamique et l’alternative»
qui a été interdite en Égypte et qui a déplu aux Frères musulmans jusqu’à les
pousser à rompre avec lui. L’assassinat en octobre 1981 du président Anouar Al-Sadate imposa
une répression des milieux islamistes condamnés à la clandestinité ou envoyés
en prison. La majeure partie des militants du Djihad sont donc retournés à
Gaza.
D’intellectuels,
ils deviennent alors des militants perturbés par l’invasion du Liban en 1982 et par l’exil des dirigeants palestiniens à Tunis. Ils changent de nom pour devenir le
Courant islamique révolutionnaire (al-Tayyār al-Islāmī al-Ṯawurī) et se
développent en prêchant dans les mosquées et les universités. Les Israéliens
chercheront à stopper leur développement en emprisonnant pendant une année une
vingtaine de leurs membres et leur chef. Mais l’expérience carcérale aura au
contraire pour effet d’élargir leur base militante au contact d’autres détenus
déjà expérimentés dans la lutte armée. Ils établiront ainsi des liens avec les
Brigades du Jihad Islamique (Saraya al-Jihād al-Islāmī) qui les introduiront, dès
1983, dans la lutte armée dans les Territoires palestiniens. La «guerre des
couteaux» (Ma‘araka al-Sakakīn) jusqu’en 1987 aura pour but de leur
procurer des armes grâce à des attaques à l’arme blanche. Une réelle similitude
existe avec les attentats au couteau de 2015 qui pousse à croire à leur
implication dans les émeutes actuelles.
Ils
prennent part à la première Intifada ce qui, par oportunité, pousse les Frères
à changer de stratégie en s’engageant eux-aussi dans la lutte armée après avoir
créé le Hamas en 1987. Mais le Courant Islamique a dû constater que sa base
militante était limitée et largement dépassée par l’OLP et les Frères. Le coup
de grâce sera donné en 1988 par l’exil imposé par les Israéliens aux membres du
mouvement et à son chef Fatḥī al-Shakaki. C’est durant cet exil que le mouvement
se rapprochera du Hezbollah libanais.
La
période calme, sans répression, ayant suivi les accords d’Oslo permet au mouvement de se
structurer. Il tient son premier congrès en 1992 où il prend son nom définitif
: «le Mouvement du Jihad Islamique en Palestine». Il se dote d’un
programme, de statuts et d’une direction politique. Il impose l’islam comme base
du mouvement avec pour but la «Libération de la Palestine, de la mer au
fleuve». Malgré des accointances avec le Hamas, le programme du Djihad ressemble
davantage à la Charte de l’OLP de 1969. Il s’engage alors dans le front du
refus aux accords d’Oslo tout en nouant un «partenariat stratégique avec le
Hezbollah» ce qui lui permet de gagner en crédibilité. Il n’a de cesse de
lancer ses critiques contre l’OLP, accusée d’avoir renoncé à l’ensemble de la Palestine en négociant avec
les Israéliens.
Sliema à Malte |
Contrairement aux Frères musulmans ou au Hamas qui représentent des mouvements islamiques traditionnels, le Djihad se veut révolutionnaire et refuse de s’impliquer dans l’action sociale pour se concentrer uniquement sur l’action politique et la lutte armée. Il se distingue aussi du Djihad islamique égyptien qui est un mouvement salafiste alors que lui se veut un mouvement islamo-nationaliste et révolutionnaire.
D'ailleurs le Djihad, contrairement au Hamas qui a concédé des trêves, n’a jamais renoncé à la violence politique. La vague d’attentats suicides qu’il organise conduit d’ailleurs à l’assassinat de Fatḥī al-Shakiki, à Sliema (Malte) en 1995. Ce meurtre est attribué aux services secrets israéliens qui ne l’ont jamais revendiqué. Par sa radicalité, le mouvement a dû faire face à la répression simultanée des Israéliens et de l’Autorité palestinienne qui, après la signature des accords d’Oslo, s’était engagée dans une coopération sécuritaire avec Israël.
D'ailleurs le Djihad, contrairement au Hamas qui a concédé des trêves, n’a jamais renoncé à la violence politique. La vague d’attentats suicides qu’il organise conduit d’ailleurs à l’assassinat de Fatḥī al-Shakiki, à Sliema (Malte) en 1995. Ce meurtre est attribué aux services secrets israéliens qui ne l’ont jamais revendiqué. Par sa radicalité, le mouvement a dû faire face à la répression simultanée des Israéliens et de l’Autorité palestinienne qui, après la signature des accords d’Oslo, s’était engagée dans une coopération sécuritaire avec Israël.
L’identité du mouvement se forme alors dans la
radicalité politique et le refus de la négociation. Depuis la seconde Intifada,
son assise politique et militaire est exponentielle. Il prospère sur le
développement des constructions dans les implantations, sur l’absence de
négociations sur le statut permanent et sur l’échec des accords de Camp David
en juillet 2000. Le mouvement s’engage alors dans la deuxième Intifada, entre
2000 et 2004 en revendiquant 28 attentats.
Des militants des Brigades Al-Qods, branche armée du mouvement radical palestinien Jihad islamique |
Aux
attentats succèdent ensuite les tirs de roquettes depuis la bande de Gaza
souvent contre la volonté du Hamas qui craint l’embrasement de la région. S’il
a recours à la lutte armée, le Djihad évite cependant de s’aligner sur l’un des
deux clans palestiniens, préférant garder sa neutralité lors des combats entre
Fatah et Hamas de l’été 2007. Il tentera d’ailleurs en vain d’intervenir en
médiateur.
Sur la scène internationale, le Djihad entretient
des liens avec le Hezbollah, son modèle. En revanche, il n’a pas pris position
dans le conflit syrien prouvant une idéologie hétéroclite loin des mouvements
islamistes régionaux. Il a pour objectif de s’ancrer en territoire palestinien mais
il reste fasciné par le chiisme révolutionnaire iranien avec qui il se retrouve
dans un combat anti-impérialiste.
Mais pour lui, l’aspect théologique est secondaire et la «libération nationale» est prioritaire : «s’il y a une seule théologie pour le Mouvement du Jihad islamique en Palestine, c’est bien celle de la libération nationale» avec la lutte armée. Certes sa radicalité l’isole sur la scène internationale mais lui donne de plus en plus de crédit chez les Palestiniens, lassés des guerres intestines Fatah-Hamas. C’est un mouvement avec lequel Israël devra compter et qui aura de fortes capacités de nuisance dans la région. La nouvelle guerre des couteaux est la preuve que les terroristes de au couteau de 2015 n'ont rien inventé puisqu'elle date de 1987.
Mais pour lui, l’aspect théologique est secondaire et la «libération nationale» est prioritaire : «s’il y a une seule théologie pour le Mouvement du Jihad islamique en Palestine, c’est bien celle de la libération nationale» avec la lutte armée. Certes sa radicalité l’isole sur la scène internationale mais lui donne de plus en plus de crédit chez les Palestiniens, lassés des guerres intestines Fatah-Hamas. C’est un mouvement avec lequel Israël devra compter et qui aura de fortes capacités de nuisance dans la région. La nouvelle guerre des couteaux est la preuve que les terroristes de au couteau de 2015 n'ont rien inventé puisqu'elle date de 1987.
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