EXTRAIT DE MEIN KAMPF, HISTOIRE D'UN LIVRE
Par Antoine VITKINE
Antoine Vitkine, journaliste
bien connu, réalisateur, écrivain et fin connaisseur du monde arabe et de la Libye
en particulier publie sa prise de position concernant les Arabes et la Shoah. Elle
a l’avantage d’être factuelle et fondée sur des éléments historiques
confirmés. Il nous a paru utile d’en faire profiter nos lecteurs qui se feront
ainsi leur propre religion sur le débat ouvert par le premier ministre israélien.
Antoine Vitkine |
En référence à la polémique
déclenchée par Netanyahou, il s’agit évidemment de propos totalement stupides
et d’une instrumentalisation scandaleuse de l'Histoire à des fins politiques
peu glorieuses. Mais dire cela n'empêche pas d'être exact, alors que se
multiplient les condamnations a priori. Alors, pardon, je m'auto-cite, p 271 de
mon livre [1] :
Al-Husseini et Himler |
Le grand mufti de Jérusalem,
Amin al-Husseini, partisan du panarabisme, adversaire acharné de la présence
juive en Palestine, est l’un des hommes clefs du rapprochement arabo-allemand et
participe tôt à la diffusion du livre dans l’ensemble du Moyen-Orient. Il est
ainsi à l’origine de la publication des extraits de Mein Kampf, en 1934, dans
le journal Le Monde arabe de Bagdad. Ayant fui en Irak en 1937, le mufti aide
à la mise en place du régime pro-allemand de Rachid Ali. La rébellion se
maintient au pouvoir quelques mois, le temps d’un pogrom contre les Juifs,
auquel participe Husseini.
La collaboration du grand mufti
avec les nazis ne sera pas sans conséquences. Celui-ci se réfugie en 1941 en
Allemagne et rencontre Hitler. Dans ses mémoires, Husseini relate : «La
condition fondamentale que nous avons posée aux Allemands pour notre coopération
était d’avoir les mains libres dans l’éradication de tous les Juifs, jusqu’au
dernier, en Palestine et dans le monde arabe. J’ai demandé́ à Hitler qu’il me
donne son engagement explicite pour nous permettre de résoudre le problème juif
d’une façon conforme à̀ nos aspirations nationales, correspondant aux méthodes
scientifiques inventées par l’Allemagne pour son traitement des Juifs. J’obtins
la réponse suivante : “Les Juifs sont à̀ vous.” »
Un dialogue confirmé par
une note du ministère allemand des Affaires étrangères, qui, quelques mois
avant la rencontre, mentionne précisément les attentes arabes : «Résoudre la
question des éléments juifs qui résident en Palestine et dans les autres pays
arabes conformément aux intérêts ethniques et nationaux des Arabes et au règlement
de la question juive en Allemagne et en Italie».
Paul Schmidt entre Édouard Daladier et Adolf Hitler à la conférence de Munich (septembre 1938) |
Selon l’interprète de la
rencontre, Herr Schmitt, Hitler répond à Husseini que l’attitude de
l’Allemagne est sans ambiguïté́ : «Une guerre sans compromis contre les
Juifs et naturellement une opposition active au Foyer national juif en
Palestine, qui n’est rien d’autre qu’un centre, sous forme d’État, servant à̀
l’influence destructrice des intérêts juifs». Il s’engage à apporter son
aide aux Arabes, soulignant qu’en apparence il s’agit d’un conflit entre
l’Angleterre et le Reich, mais qu’idéologiquement c’est en fait un combat entre
le national-socialisme et les Juifs. «Le combat en cours décidera aussi du
destin du monde arabe», déclare-t-il encore à son interlocuteur.
Hormis la création d’une
division SS musulmane en Bosnie, ainsi qu’une légion arabe intégrée à la
Wehrmacht au Maghreb, la discussion ne débouche pas sur grand-chose, la priorité́
pour les Allemands n’étant pas la politique arabe que, de surcroît, les échecs
de l’Axe au Maghreb et au Proche-Orient rendront vite obsolète. Hitler refuse
une déclaration publique pour ne pas mécontenter le régime de Vichy qui a des intérêts
au Levant. Il fait seulement à Husseini la promesse que le moment venu,
l’Allemagne l’aidera à la destruction des Juifs du monde arabe.
Al Husseini en Bosnie |
L’intérêt du Führer pour la
question arabe perdurera jusqu’aux derniers jours du Reich. En 1945, dans son
bunker berlinois, Hitler dicte à son fidèle Martin Bormann un testament
politique dans lequel il ne renie rien et où il fait un bilan de sa carrière.
De nombreux passages sont consacrés aux Arabes. Il y avoue un regret : avoir
trop écouté les Italiens et les diplomates qui conseillaient de ménager les intérêts
français au Levant et au Maghreb. «C’est ce qui nous a empêchés, en Afrique
du Nord, par exemple, de faire une politique révolutionnaire. [...] Seuls, nous
aurions pu émanciper les pays musulmans dominés par la France. Cela aurait eu
un retentissement énorme en Égypte et dans le Proche-Orient asservis par les
Anglais. D’avoir notre sort lié à celui des Italiens, cela rendait une telle
politique impossible. Tout l’islam vibrait à l’annonce de nos victoires. Les Égyptiens,
les Irakiens et le Proche-Orient tout entier étaient prêts à se soulever. Que
pouvions-nous faire pour les aider, pour les pousser même, comme c’eut enté
notre intérêt et notre devoir ? [...] Il y avait une grande politique à faire
à l’égard de l’islam. C’est raté. [...] Cette politique aurait suscité́
l’enthousiasme dans tout l’islam. C’est en effet une particularité́ du monde
musulman que ce qui touche les uns, en bien ou en mal, y est ressenti par tous
les autres, des rives de l’Atlantique à celles du Pacifique». Surtout,
Hitler dit à̀ Bormann, à l’heure où la bataille est perdue : «Les peuples régis
par l’islam seront toujours plus proches de nous que la France, par exemple, en
dépit de la parenté du sang qui coule dans nos veines». Husseini fuit la défaite
allemande et retourne à Jérusalem, où il mène la lutte contre les sionistes.
Il ne reniera jamais ses engagements pronazis.
Or il y a là une ironie : les
soutiens arabes à la politique nazie et à la persécution des Juifs ne voient
pas que ce sont ces mêmes persécutions qui poussent de nombreux Juifs vers la
Palestine et entraîneront bientôt la création de l’État hébreu.
[1] Mein
Kampf, Histoire d'un livre, par Antoine Vitkine Flammarion, 2009
1 commentaire:
Je ne connaissais pas les derniers propos de Hitler à Martin Bormann. Son idée d'une action au Moyen Orient n'apparait nulle part ailleurs. Je crois qu'il ne l'a pas envisagé au début de la guerre. Il réalise son erreur après sa défaite. S'il avait poursuivi l'occupation de la France par un débarquement en Afrique dès 1940 il aurait été accueilli à bras ouverts et avancé comme dans du beurre jusqu'à Téhéran. L'URSS était prise en tenaille, il aurait gagné la guerre et nous ne serions pas là pour en parler. El hond allah, il en fut autrement. Le mufti dans son journal rapporte une rencontre avec Himmler à une réception fin 42, je crois. Himmler lui dit: Nous avons déjà tué 2 millions de juifs. À une époque où le monde ignorait tout.
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