AVERTISSEMENT SANS FRAIS À LA RUSSIE ET À L’IRAN
Par Jacques BENILLOUCHE
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Michael Bogdanov |
Le vice-ministre russe des affaires étrangères, Michael Bogdanov, multiplie les visites au
Liban pour prouver que la Russie reste une superpuissance dans la région. Mais
il ne s’agit pas de discuter des problèmes internes du pays mais bien de la
Syrie, de l’Iran et peu du conflit palestinien. En fait, les Russes courtisent le Hezbollah
et ils tiennent à rendre compte à leurs interlocuteurs des difficultés dans les
négociations sur le programme nucléaire iranien. L’accord a buté sur le souhait des Occidentaux de laisser un temps s’écouler entre la signature de l’accord et
la levée des sanctions alors que les Iraniens exigeaient la simultanéité. Les
autres détails litigieux, comme les proportions d’enrichissement, les quantités
d’uranium autorisées et le nombre toléré de centrifugeuses, ont été totalement escamotés.
Dossier syrien
Bogdanov semble réservé sur la
question palestinienne puisqu’il ne l’a pas abordée et il est clair qu’elle n’entre
pas dans les considérations politiques de la Russie. La seule vraie question
qui enflamme les Russes est bien le dossier syrien. Selon Bogdanov : «Notre
but est d’aider les Syriens à réformer leur régime, alors que les autres
voudraient renverser des gens pour les remplacer par d’autres qui sont leurs
partisans, quand bien même le pouvoir qui le remplacerait serait pire que
l’actuel». Il a fait allusion à la volonté de l’Arabie de renverser
Assad : «Les Saoudiens sont venus nous voir pour demander de renverser
le président Bachar al-Assad et rien d’autre. Ils ont dit franchement et clairement
qu’ils n’ont aucun problème à ce qu’il soit remplacé par un autre alaouite,
l’essentiel est qu’il parte. Nous avons rejeté cette logique».
Le diplomate russe ne s’est pas trop
attardé sur le Liban et s’est contenté de messages de soutien devant ses hôtes
officiels, dont le chef du parlement Nabih Berri, et le premier ministre Tamam
Salam, le chef de l’armée le général Jean Kahwaji, le ministre des affaires
étrangères Gebrane Bassil. Mais ce qui a marqué les esprits est le fait que curieusement
sa rencontre avec la délégation du Hezbollah s’est faite en premier. Il s’est déplacé
dans la banlieue sud pour rencontrer les dirigeants du Hezbollah, le
responsables des relations internationale Ammar Moussaoui, en présence de deux
députés Hassan Fadlallah et Nawwar Sahili et du chef du bloc parlementaire du
Hezbollah Mohammad Raad.
L’ordre des visites permet de décrypter les messages que sous-entendait
cette rencontre. Dans un arabe parfait, il s’est justifié : «Nous sommes
toujours intéressés à écouter l’analyse de nos amis du Hezbollah sur ce qui se
passe au Liban et dans la région, sachant que la situation est dangereuse, et
très compliquée». Il est étonnant que la milice soit plus compétente à ses yeux que le
gouvernement libanais pour juger de la situation au Liban.
Alliances locales
En fait la relation de la Russie
avec le Hezbollah est fondamentale dans le cadre des alliances dans la région
sachant que la milice libanaise soutient politiquement et militairement la
Syrie. Signe supplémentaire de l’intérêt exclusif accordé au Hezbollah, ce
n’est que le lendemain que Bogdanov a rencontré les autres chefs de files des
autres partis libanais : l’ancien président et chef des Kataëb Amine Gemayel,
le chef du Courant patriotique libre Michel Aoun, le chef des Maradas Sleiman
Frangieh ainsi qu’une délégation du Parti syrien national social.
On ignore les raisons pour
lesquelles le leader druze Walid Joumblatt ne figure pas parmi les chefs de
partis qui ont rencontré Bogdanov. En revanche les observateurs ont noté que
deux visites ont été consacrées au Hezbollah. Il l’a d’abord rencontré avec
certains représentants parlementaires puis ensuite le secrétaire général du
Hezbollah Hassan Nasrallah était seul avec l’ambassadeur de la Russie au Liban,
Alexandre Zaspikyne et le responsable du Bureau des relations internationales
au Hezbollah Ammar Moussaoui.
La réponse d’Israël à la Russie
ne s’est pas fait attendre puisqu’un raid israélien a frappé en Syrie des
livraisons d’armes en route pour le Hezbollah. Les avions israéliens ont
attaqué trois cibles à la périphérie de Damas, dont deux près de l'aéroport
international et dans la ville de Dimas. L'armée syrienne a confirmé que des
installations ont été endommagées. Les frappes aériennes d'Israël près de Damas, ont complètement détruit du matériel russe nouvellement arrivé, y compris des missiles qui ont été
expédiés en toute hâte pour aider la Syrie et le Hezbollah à contrecarrer un projet américain de créer une zone d'exclusion pour l'aviation au nord de la Syrie.
Israël a toujours tenu à une certaine
neutralité dans le conflit syrien mais avait prévenu qu’il ne resterait pas les
bras croisés face au réarmement du Hezbollah. Il ne s’est pas dispensé de viser
en Syrie les systèmes d'armes sophistiqués, y compris des missiles anti-aériens
de fabrication russe et des missiles de fabrication iranienne. La frappe du 7
décembre, qui a occasionné dix explosions, a touché des entrepôts dont leur
contenu n’a pas été précisé par les autorités syriennes. Déjà en mai 2013, des
missiles Fateh-110 à destination du Hezbollah ont été détruits par Tsahal.
De toute façon, pour des raisons
sécuritaires et quel soit le destinataire, Israël ne peut se permettre de
laisser un armement aussi sophistiqué tomber entre les mains du Hezbollah et a
fortiori des djihadistes qui prennent progressivement le contrôle de certaines
bases syriennes.
Objectifs d’Israël
Comme il se doit à l’occasion de
frappes militaires, le ministre des Affaires stratégiques Youval Steinitz,
s’est refusé de confirmer la participation d’Israël à ces raids aériens. Il a
toutefois confié qu’Israël «était déterminé à empêcher tout transfert
d’armes sensibles de la Syrie vers le Liban et les organisations terroristes». Israël
poursuivaient deux objectifs. Il voulait d’une part rappeler à la Russie que le
Hezbollah restait un ennemi privilégié des Israéliens et d’autre part mettre en
garde l’Iran qui semble vouloir jouer avec le feu en réarmant le Hezbollah avec
des missiles de longue portée capables d’atteindre Israël.
Yaalon au Golan |
L’Iran continue en effet à transférer dans des entrepôts de Syrie,
proches de la frontière libanaise, des missiles et autres matériels sensibles
destinés au Hezbollah. Les Israéliens détenaient des renseignements précis sur
ces mouvements de matériels. Le ministre de la Défense Moshe Yaalon avait déjà pointé
les trois lignes rouges à ne pas dépasser au front nord : le transfert d’armes
au Hezbollah, l’utilisation d’armes chimiques et toute provocation contre la
souveraineté israélienne.
Missiles Fateh-110 |
De nombreux responsables du
Hezbollah et des hauts officiers de la Garde révolutionnaire iranienne ont été
peu discrets en se vantant de l’acquisition de missiles sol-sol de pointe fournis
par l’Iran. Ils faisaient allusion aux missiles Fateh-110. Il semble d’ores et
déjà que certains missiles soient parvenus à la milice libanaise mais qu’il
fallait tarir la source iranienne. Israël ne craint pas de réaction de la part
de Bachar Al-Assad car, d’une part le Syrien tient à des relations pacifiques
avec Israël dans la situation critique où il se trouve et d’autre part, parce
qu’il sait qu’Israël ne le vise pas personnellement. Il n’a donc aucun intérêt
à ouvrir un autre front. Le Hezbollah de son côté ne trouve aucune raison à réagir
dès lors que l’attaque de Tsahal a eu lieu en territoire syrien, loin de ses
bases.
Cependant un risque de
représailles existe mais Tsahal a déjà pris des mesures sécuritaires au nord du
pays et se prépare à un réchauffement du Golan à l’instigation des milices
palestiniennes dévouées à l’Iran. Israël a hypothéqué ses relations avec la
Russie mais les frappes aériennes représentent un avertissement. Il s’agit de faire
comprendre à la Russie, qui a expédié par de gros avions de transport des
systèmes de missiles sol-air SA-25 à la Syrie, que ce matériel ne doit en aucun
cas parvenir à la milice libanaise et qu’Israël le détruirait avant qu’il ne
parvienne à destination.
Un porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que son gouvernement exige des explications d’Israël concernant l’attaque sur le territoire syrien. On voit mal comment Israël peut donner des explications à une attaque qu’il ne revendique pas : «Moscou est très préoccupé par cette évolution dangereuse et exige des explications».
Mais la Russie ne semble pas vouloir envenimer la situation. Elle a d’ailleurs demandé l’aide des Américains et des Israéliens à la suite de l’invasion par les rebelles syriens de son plus grand centre de renseignements à Tel A-Hara. Cette base, située à la jonction des frontières de la Syrie, de Jordanie et d’Israël, était truffée de matériel très sophistiqué. Il semblerait que des systèmes de haute technologie soit tombés entre les mains des rebelles et aussitôt envoyés de Syrie vers Israël et les États-Unis pour analyse. Elle veut s’assurer que ce matériel n’est pas tombé entre les mains des Djihadistes.
Mais la Russie ne semble pas vouloir envenimer la situation. Elle a d’ailleurs demandé l’aide des Américains et des Israéliens à la suite de l’invasion par les rebelles syriens de son plus grand centre de renseignements à Tel A-Hara. Cette base, située à la jonction des frontières de la Syrie, de Jordanie et d’Israël, était truffée de matériel très sophistiqué. Il semblerait que des systèmes de haute technologie soit tombés entre les mains des rebelles et aussitôt envoyés de Syrie vers Israël et les États-Unis pour analyse. Elle veut s’assurer que ce matériel n’est pas tombé entre les mains des Djihadistes.
2 commentaires:
Il est amusant - si on peut dire - de constater que la politique d'Israël vis-à-vis de la Russie et de l'Iran, est l'exact pendant de celle de Moscou vis-à-vis des Occidentaux que Poutine a fustigé la semaine dernière, les qualifiant d'"ennemis" et les assurant que la Russie possède une "armée moderne, redoutable, prête au combat", leur enlevant tout espoir d'acquérir une "suprématie militaire".
L'Iran, ou son premier ministre joue le jeu pour faire sauter l’insupportable blocus économique. Cela n'a pas fonctionné et la prochaine date limite dira si l'Iran cherche la vrai négociation.
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