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mardi 2 décembre 2014

LE PRAGMATISME DE LIEBERMAN



LE PRAGMATISME DE LIEBERMAN

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps 


Il ne fait aucun doute qu’Avigdor Lieberman, ministre des affaires étrangères et leader du parti nationaliste Israël Beiteinou, a évolué dans sa conception de résoudre le conflit israélo-palestinien. Il a pris le temps de réfléchir et de raisonner à froid sachant que le dogme du Grand Israël, qu’il avait défendu avec passion, était devenu caduc. Il a assimilé l’idée qu’un État unique binational représentait un danger pour l’identité juive d’Israël car il serait difficile d’intégrer 1,7 million d’Arabes de Cisjordanie sans créer un risque identitaire pour Israël. Le camp de la droite risque d'exploser tandis que les noms d'oiseaux vont fuser.


Conversion centriste



        Il s’est nettement démarqué de son collègue au gouvernement, Naftali Bennett, qui persiste dans son illusion d’annexer purement et simplement des pans entiers de la Cisjordanie, sans réellement expliquer l’avenir des populations arabes qui y vivent. Mais contrairement aux idées établies, la conversion d’Avigdor Lieberman à des idées, qui étaient l’apanage de la gauche, ne date pas d’aujourd’hui. Il y a une dizaine d'années il avait émis la proposition d'inclure, dans l'État palestinien à naître, des villes et des villages peuplés d'Arabes israéliens et situés le long de la fameuse ligne verte marquant virtuellement les frontières du cessez-le-feu de 1967. En contrepartie, les implantations juives de taille importante, situées en Cisjordanie, seraient annexées dans les frontières d'Israël.
           Quand elle n’était pas accusée de racisme, sa proposition était qualifiée par les Palestiniens de tentative de nettoyage ethnique parce qu’ils y voyaient une volonté de transformer Israël en un État purement juif. Son projet représentait une option courageuse  face aux réticences des nationalistes juifs puisqu’il offrait aux Arabes un espace englobant plusieurs villages israéliens, et surtout la grande ville arabe d’Oum El-Fahm, qui a toujours contesté les institutions israéliennes.
Projet de cession de terres israéliennes

            Le temps et les troubles à Jérusalem ont permis aux mentalités d’évoluer puisque même les gauchistes purs et durs trouvent la proposition de Lieberman raisonnable. Les Américains aussi estiment que le ministre des affaires étrangères a rejoint le camp de la paix, ce qui dans leur bouche est un compliment. Il est vrai que Lieberman avait assuré que : «Personne ne sera expulsé de son domicile, personne ne verra ses biens confisqués. Nous ne faisons que déplacer la frontière». 
          Par ailleurs, les Arabes israéliens, qui étaient les plus fermement opposés au projet, par refus de vivre sous juridiction palestinienne, sont ébranlés dans leurs convictions. Ils deviennent plus pragmatiques puisqu’une majorité d’entre eux approuve l’idée d’être rattachée à la Cisjordanie en permettant aux laïcs de réduire l’influence des islamistes.

Élections anticipées
Députés arabes israéliens

            Les Palestiniens ont compris que leur avenir ne dépendait plus que d’eux car les investissements industriels israéliens ne se font que dans les territoires juifs. Cependant, ils pourraient bénéficier de l’apport d’une population rompue aux idées démocratiques et ayant une expérience économique qui pourrait être mise au service la Cisjordanie. Ils ont surtout compris que tout espoir de coexistence avec les Israéliens est vain tant que persiste le risque islamiste.
            À l’approche d’élections anticipées, le ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, revient au-devant de l’actualité en prétendant que la paix est possible et qu’il est temps de renoncer au principe impossible du «Grand Israël». Il vient de se distinguer des autres partis nationalistes par une position pragmatique consistant à publier un projet concret et étayé pour mettre fin au conflit avec les Palestiniens, en prenant pour principe que «un peuple unifié est plus important qu’une terre unifiée». 
          C’est a priori la première fois qu’un document israélien s’impose comme une solution de rechange à la situation actuelle. Venant d’un parti nationaliste, il représente une avancée notable dans une situation bloquée. Le document intitulé «Going Against the Stream - La vision de Israël Beiteinou», donne les clefs d’un projet de paix détaillé avec les Palestiniens, en écartant toute position idéologique stérile. Il propose aux Palestiniens des concessions territoriales et éventuellement des incitations financières pour ceux qui voudraient rejoindre le nouvel État.

Plan de paix pragmatique

            Ce plan de paix, qui n’a pas reçu l’aval du gouvernement et qui fait grincer des dents la droite, sera présenté à l’occasion d’une conférence à Bale et devrait être diffusé au sein de multiples forums politiques à l’étranger. Il est certain que beaucoup de pays étrangers apprécieront certainement cette avancée notable dans le processus de paix. Ce document perfectible a l’avantage d’exister parce qu’il pose les bases d’une discussion même si le contenu ne reçoit pas l'agrément de tous. Les Palestiniens ne pourraient pas le rejeter d'emblée sans être accusés de refuser le dialogue et la paix. Venant d’un représentant de la droite nationale, il revêt encore plus de crédibilité en étant attractif. Lieberman renonce ouvertement au dogme du Grand Israël s’il a une possibilité, même minime, de parvenir à un accord avec les Arabes. Il rejoint ainsi la nouvelle stratégie américaine consistant par ailleurs à recréer un front uni des pays arabes face à Daesh. Le Qatar qui avait été écarté de la CCG, vient de rejoindre à nouveau les monarchies du Golfe dans un combat contre l’ennemi commun représenté par les djihadistes de l’État islamique.
CCG

Lieberman joue donc la carte de ces pays arabes modérés, inquiets à la fois par l’expansion de Daesh et par les velléités nucléaires de l’Iran qu’ils ont toujours considéré comme leur ennemi. Il a par ailleurs senti une fracture dramatique au sein de la société israélienne : «Sans abandonner le rêve ou le principe du Grand Israël, il est clair pour moi que nous devons unifier le peuple».
            Lieberman aborde sa nouvelle doctrine pour parvenir à un accord de paix en insistant sur le fait que le conflit n’est pas uniquement territorial. Il affiche ouvertement la couleur dans son document : «Contrairement aux positions dogmatiques d'autres partis, Israël Beiteinou comprend que le conflit n’est pas uniquement un conflit territorial avec les voisins palestiniens, mais un conflit en trois dimensions avec les pays arabes, les Palestiniens et les Arabes israéliens. Ainsi, tout accord doit porter sur la paix avec les pays arabes, les échanges territoriaux et la question des Arabes israéliens».

Pas de citoyenneté sans loyauté
Députés arabes à la Knesset

C’est la première fois qu’un dirigeant israélien relie le problème palestinien aux citoyens arabes israéliens. Il rejoint les préoccupations américaines puisqu’il considère que «contrairement à la croyance populaire, la question palestinienne n’est pas le plus grand problème dans le monde arabe ou au cœur de l'instabilité régionale en raison des groupes radicaux comme l'État islamique». Dans une attitude iconoclaste, il propose en outre, sur la base du volontariat, que les Arabes des villes mixtes en Israël puissent se déplacer là où ils s’estiment le plus en phase avec leurs convictions : «Les Arabes israéliens qui décident que leur identité est palestinienne seraient en mesure de renoncer à leur citoyenneté israélienne et de devenir des citoyens du futur État palestinien. Israël devrait même les encourager à le faire avec un système d'incitations économiques, dès lors que tout accord doit inclure des échanges territoriaux et de population». Il rejoint en cela son slogan qu’il avait martelé à longueur de campagne électorale : «Pas de citoyenneté sans loyauté»
Lieberman avec Herzog du parti travailliste

            Nul ne peut prédire par avance l’accueil que pourrait recevoir cette nouvelle proposition auprès de la population israélienne. Elle a déjà reçu un avis favorable de la part des centristes, de certains transfuges du Likoud et même d’une tranche importante des travaillistes qui se verraient bien revenir aux affaires dans le cadre d’une recomposition de la classe politique israélienne couplée avec une recomposition des États arabes déjà entamée.

5 commentaires:

Arie AVIDOR a dit…

Il a surtout assimilé l'idée que ses concurrents occupent l'espace à l'extrême droite en lui marchant sur les pieds et qu'il valait mieux faire un petit pas vers le centre en évoquant l'éventualité d'un compromis territorial ...

דוב קרבי dov kravi a dit…

Les Arabes israéliens ont déjà fait savoir qu'ils n'accepteraient jamais ce plan. Et l'AP non plus, qui refuse toute solution (Oslo, Barak, Olmert)de façon systématique.

Haïm KOHEN a dit…

L' important c'est de sortir du statuco qu'on nous reproche. Ce que Liberman propose prêts matière à discuter tout en restant démocratique. C'est un libre choix rien de plus. Il faut mettre la barre haute pour trouver un compromis. C'est exactement ce qui fait Mahoud quand il dit qu'il reconnaîtra jamais l'état d Israël »

Motti COHEN a dit…

dans le actuel il ne suffit d avoir raison il faut etre inteligent.nous voulons et nous devons avoir des bonnes relations avec l occident et les etats unis. savoir que les arabo-musulmans refusent de faire une paix acceptable nous n avos rien a perdre en discutantavec nos ennemis.comme d habitude ils feront toutes les erreures possibles

Hamdellah ABRAZ a dit…

L'on peut aller vers la paix dans la dignité pour tout le monde? Il suffit que l'Occident notamment les USA le veuille. Mettre en face de leur responsabilité les pouvoirs des pays islamo-arabophones afin qu'ils cessent de jouer avec le feu auquel cas, la foudre (économique,financière, ... y compris militaire) s'abattrait sur eux. Et ceux qui disent que leurs populations sont judéophobes, oui c'est en parti vrai ; mais ces populations sont prisonnières de leurs dirigeants (despotes, dictateurs, fascistes...) lesquels font feu de tout bois pour se maintenir au pouvoir notamment en jouant sur la fibre religieuse en inculquant leur version fasciste de la religion. Avec la démocratie, les libertés, le droit des femmes, les droits de l'homme etc...ces population finiront par comprendre qu'il y a de la place dans cette Terre pour tout le monde et les Juifs sont chez eux en ISRAEL. Le mal provient donc de ces tireurs de ficelles qui maintiennent ces populations dans l'ignorance, l'inculture.... Plutôt l'Humanité se débarrasse de ces plaies, plutôt cette région du monde retrouvera la paix.