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jeudi 25 décembre 2014

TUNISIE : RÉFLEXIONS D’UN ISRAÉLIEN SCEPTIQUE



TUNISIE : RÉFLEXIONS D’UN ISRAÉLIEN SCEPTIQUE

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps 

            
         
          
          Le rêve n’est pas interdit, même en politique. Il permet de surmonter les moments de désespoir et aussi les moments d’euphorie. Il permet de dépasser les limites humaines et d’envisager l’impossible. Or nous vivons un moment d’euphorie en tant que Juifs, d’origine tunisienne, ayant choisi ce que les Arabes tunisiens appellent la désertion de notre pays natal.



Peuple pacifique et modéré

            Nous étions de ceux qui pensaient que les Tunisiens devaient se mettre à la hauteur de leur réputation, usurpée peut-être, de peuple pacifique et modéré ; cela n’a pas toujours été le cas car ils ont subi des influences néfastes depuis l'installation en 1982 de Yasser Arafat en exil à Tunis. Et pourtant le président Habib Bourguiba avait opté pour le modernisme, pour l’émancipation de la femme, pour la réduction de l’influence de la religion dans la vie civile et politique et pour le pragmatisme dans son approche du conflit israélien. 

Etudiante à l'université de Tunis

          Le pays avait investi pour que sa jeunesse soit instruite et diplômée au point de la voir constamment lorgner vers le Continent, là où elle pouvait le mieux exprimer ses compétences et son désir d’émancipation. L’éducation était la base de l’ascension sociale parce qu’aucun autre choix n’était ouvert. En revanche, la réussite des Tunisiens, et celle des Juifs en particulier, n’était pas une réputation surfaite en France.

Immigrés tunisiens en Israël en 1950

            Cependant, les Juifs tunisiens ont quitté leur pays parce qu’ils avaient estimé que la création de l’État d’Israël en 1948 les avaient rendus suspects aux yeux des dirigeants arabes qui les assimilaient tous à des sionistes alors que seule une minorité l’était à l’époque et que la majorité avait résisté aux appels des pionniers. Il a fallu attendre les années 1960 pour que les Juifs quittent en masse leur pays. Mais la Tunisie avait décidé de prendre le parti de ses «frères» arabes pour n’en tirer d’ailleurs aucun profit tangible. Elle a, au contraire, hérité d’une idéologie à forte capacité de nuisance avec ses éléments islamistes les plus néfastes et ses inconditionnels pro-Palestiniens les plus perturbateurs.

Arrivée de l'OLP à Tunis

            Mais à présent, la colère du peuple tunisien devrait s’estomper avec le départ des islamistes de la gouvernance même si certains d’entre eux vont ou doivent collaborer avec le nouveau régime. Pendant quatre dures années, la Tunisie avait été assimilée à une cocotte bouillante dont on avait vissé le couvercle dans l’espoir d’empêcher la fuite des rancœurs, d’étouffer l’aspiration à la démocratie et de briser la volonté de faire partie d’un monde moderne. À l’époque d’Internet et de la télévision la tâche fut difficile et, l’absence de partage des richesses accaparées par une minorité de privilégiés, représentait un suicide politique dont les dirigeants ont d’ailleurs payé le prix. Il est certain à présent que les Tunisiens sont à présent convaincus que l'islamisme n'est plus la solution pour les pays arabes qui désirent évoluer.

Relations avec Satan

La Tunisie n’avait pas compris que les riches pétroliers et les potentats arabes ne s’aidaient qu’entre eux pour que la richesse reste dans leur cadre étroit. Aujourd’hui, elle doit frapper à toutes les portes pour surmonter sa crise économique dramatique. Elle doit ranger ses rancœurs pour être pragmatique comme l’ont été la Jordanie, l’Égypte et le Qatar et peut-être demain l'Arabie qui ont décidé de nouer des relations avec le Satan du Moyen-Orient. Elle n’avait pas choisi, en 1948,  l’opportunité de s’allier au jeune pays juif qui se créait dans le dénuement le plus complet alors qu’ils avaient ensemble une communauté de destin et de misère au sortir de la colonisation. Malgré cela, Israël s’est développé de manière exponentielle tandis que la Tunisie a stagné économiquement.  La Tunisie n'a jamais pardonné à ses Juifs de l'avoir abandonnée au moment où elle avait le plus besoin d'eux et elle semble à présent en faire payer le prix à Israël qui les a accueillis.   

  
            La question totalement ouverte reste l’attitude des nouvelles autorités vis-à-vis d’Israël. On se souvient que le précédent gouvernement voulait inscrire dans la Constitution l’interdiction de relations diplomatiques avec Israël. Et pourtant en période de crise aiguë, comme celle que connaît la Tunisie, tous les concours doivent mis en place au bénéfice de la population en s'éloignant de la politique politicienne. Les diplômés tunisiens, qui sortent en surnombre des universités créées par Habib Bourguiba peuvent, en remisant les haines dans les poubelles de l’Histoire,  collaborer avec l’industrie israélienne pour créer, d'égal à égal, en Tunisie une mini «silicon Valley» à l’odeur de jasmin.


Il faut noter que de nombreuses pointures d’origine tunisienne hantent les conseils d’administration des fleurons industriels israéliens et français. Nous ne citerons que le cas du  président en Israël de la multinationale CheckPoint Software Technologies Ltd, spécialisée dans la sécurité d’Internet. Les cadres diplômés tunisiens pourraient alors trouver un environnement professionnel en adéquation avec leurs compétences et leurs espérances dans le cadre de joint-venture. La collaboration avec Israël, dans une situation d’égal à égal, ouvrira certainement les portes des États-Unis aux nouvelles startups  tunisiennes.
Mais la politique a pris le dessus sur l’intérêt économique et le pragmatisme politique. Aucun ambassadeur tunisien n’est digne de rejoindre l’État d’Israël qui n’existe toujours pas dans les tablettes du palais de Carthage. Il est temps de repositionner la politique étrangère tunisienne pour qu’elle cadre avec ses propres intérêts et non avec les intérêts de certains pays du Proche-Orient. Nul ne s’était réjoui des moments difficiles que passait la Tunisie et, même si les Juifs l’ont quitté depuis de longues années, ils souffraient en silence tout en étant discrets dans leur soutien. Aujourd'hui, ils respirent. Pour eux, la Tunisie était restée ancrée dans les mémoires figées, dans le ciment des fêtes, dans les traditions répercutées de génération en génération, dans les plats culinaires et dans l’accent dont les jeunes ont paradoxalement hérité avec une certaine fierté.
Islamistes tunisiens


Les islamistes avaient récupéré à leur profit une situation politique bloquée parce qu’ils voulaient faire table rase de la présence juive en Tunisie, un passé jugé honteux par eux, du temps où les Juifs occupaient une place prépondérante qui a été progressivement effacée des mémoires tunisiennes. La Tunisie, que nous avons connue et aimée, n’existait plus que dans notre seul souvenir. Il appartient aux nouveaux dirigeants de faire le geste libérateur qui permettra à un ambassadeur israélien de fouler officiellement le sol tunisien. Cela n’est que le rêve d’un Israélien encore sceptique.

2 commentaires:

André NAHUM a dit…

Mon cher Jacques,
Ton article est formidable. Il dit exactement ce que pensent la plupart d'entre nous, exprimé avec une authenticité, une sensibilité et une pugnacité dont je te félicite. Tu sais que cela a toujours éaté mon rêve de voir la Tunisie se lier à Israél...Je l'ai dit à plusieurs reprises a u cours de ma longue carrière. Hélas !...Hélas... Mais il n'est pas interdit de rêver à nouveau. Nous, Juifs Tunisiens sommes d'éternels rêveurs.
Bien cordialement
A.N.

andre a dit…

Rêveries d'un promeneur solitaire !
La Tunisie sera le dernier ou l'avant dernier pays arabe à reconnaître l' Etat d' Israël. Beaucoup de tunisiens, bourgeois, professions libérales , commerçants et industriels enrichis par plus de cinquante ans de profits sans payer d'impôts constituent une classe sociale qui a tout intérêt à dissimuler ses privilèges en emboîtant le pas aux islamistes . Ils appelleront toujours à l'éradication de l' Etat d'Israël pour qu'on ne s'occupe pas des questions sociales et ..fiscales.