Israël élections avril 2019
GANTZ, LE
COMBATTANT AU RAMEAU D’OLIVIER
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Depuis Yitzhak
Rabin, les Israéliens adoubent les anciens généraux qui portent fièrement le
rameau d’olivier. Mais le rameau n’a aucune signification de faiblesse mais au
contraire de force contenue. Plus un dirigeant est fort, comme ce fut le cas de Menahem Begin, et plus il peut composer avec ses ennemis. Les Israéliens cherchent à être rassurés pour leur
sécurité et celle du pays et en même temps ils sont pleins d’espoir pour une solution
pacifique du conflit avec les Palestiniens. Depuis quelques jours Gantz se
montre plus incisif, et ses colistiers aussi. Il a compris qu’il ne pouvait pas
se comporter en «gentleman» alors qu’il est en permanence la cible du
Likoud.
Alors il a porté quelques coups contre Benjamin Netanyahou en citant rarement, sinon jamais, son nom : «Les dirigeants actuels ont
échangé les principes de base du sens politique israélien contre l'étiquette
d'une dynastie royale française. Au lieu de servir la population, notre
direction la patronne. Il était une fois un roi, pas ici, qui disait «je
suis l'État», mais pas ici. Aucun dirigeant israélien n'est roi».
Ses interventions sur son programme politique sont
rares car les électeurs attendent de lui qu'il soit apte à les diriger. Ils votent pour
une liste certes mais surtout pour un homme. Ils sont déjà convaincus avant
d’avoir écouté les arguments. C’est d’ailleurs valable pour les deux clans.
Aucun militant du Likoud ne peut aligner trois propositions du parti mais ils
aiment Bibi, envers et contre tout.
Gantz compte sur
la lassitude qui envahit la population après dix années de gouvernement sans
partage et plutôt que de soulever les scandales qui touchent Netanyahou, il préfère
enfoncer le clou de la nécessité de changement sachant que le remplaçant est un
chef capable d’assurer le fondement non négociable de la sécurité. Gantz a
modifié le logiciel politique d’Israël en envisageant de nouvelles concessions
territoriales si cela pouvait mettre fin à la violence entre les deux
communautés et débloquer les pourparlers de paix : «Comme Bibi l'a
déclaré dans son discours à Bar Ilan, nous ne cherchons pas à contrôler un
autre peuple. Nous devons trouver un moyen de ne pas contrôler les autres». Quelques
mots plutôt qu’un long discours qui ont entraîné un soulèvement dans les partis
de droite qui ont interprété cela comme une soumission aux Palestiniens.
Les questions politiques et économiques sont survolées dans les deux camps. Gantz
préfère les aborder en restant dans les généralités pour ne pas déflorer les
clefs pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Il est évasif sur la
question de deux États et, par ailleurs, il n’a pas précisé s’il choisissait une
orientation capitaliste ou socialiste à son programme économique. L’imprécision
est telle que la droite n’a aucun mal de l’accuser de vouloir tout brader, les
territoires et Jérusalem. Netanyahou lui-même, qui utilise tous les noms
d’oiseau contre son adversaire a été jusqu’à le traiter de gauchiste, voire de fou, une injure
ultime dans la bouche de la droite.
Je crois qu'il faut l'hospitaliser |
Sur le plan des minorités, Gantz a compris que la communauté druze avait été choquée par la
loi sur l’État-Nation alors que 30% de ses jeunes sont enrôlés dans Tsahal et
que la communauté a participé fidèlement à la création de l’État d’Israël.
Alors, il ne peut pas accepter que l’on dégrade ceux qui ont crapahuté avec lui
sur les champs de bataille et encore moins d’encourager le développement des
implantations au détriment des Palestiniens. Ce langage peut plaire. Les
statistiques d’organismes sérieux, post élections de 2015, ont montré que 35%
de la population arabe votait pour le Likoud. Gantz veut les récupérer au sein
de son parti, sans complexe.
Gantz a réussi à se défaire de l’étiquette de gauche qu’on veut
lui imposer parce que l’on ne lui trouve pas d’autre défaut. Moshé Yaalon,
l’ancien faucon du Likoud, a été mobilisé pour mettre les choses au point. L'ancien
porte-parole de Netanyahou, Yoaz Hendel, et l'ancien secrétaire du gouvernement,
Zvi Hauser, se sont chargés de qualifier la politique de Gantz de version
modérée du Likoud loin de l’idéologie de la gauche traditionnelle.
Le dernier avatar concerne les derniers coups bas du Likoud.
Sans prévenir, il s’est invité au journal télévisé de la chaîne-12 en acceptant de se soumettre
aux questions des journalistes. Mais il s’est trouvé face à une véritable pro, Keren Marciano, qui
a fait son travail en lui posant les questions difficiles auxquelles il ne
s’attendait pas, pensant pouvoir mener le jeu à sa guise.
Ce fut un échec retentissant dans ce studio où il s’est senti incapable
de se mettre en scène.
Keren Marciano |
Il est étonnant que les traditions françaises ne s’appliquent pas au débat d’idées en Israël car alors, les principaux leaders
politiques se seraient affrontés à la télévision au lieu de se quereller comme
des chiffonniers, à celui qui dira le plus de mal sur son adversaire. Alors
c’est un concours de fake news et de mensonges qui rythme la campagne
électorale. Pour compenser ses inculpations juridiques, Netanyahou s’acharne à
inventer des affaires contre Benny Gantz. Plus c’est gros et plus les fidèles
de Netanyahou y croient, dur comme fer. Alors on fait passer un vice de forme
dans une négociation commerciale comme une malversation financière.
Gantz a pris de la hauteur en s'adressant au monde depuis la tribune de l'AIPAC. Il s’est montré très clair vis-à-vis des
ennemis d’Israël, sans faire preuve de faiblesse pour bien prouver que les
questions sécuritaires sont fondamentales pour lui. Il a pointé du doigt Hassan
Rouhani, Qassem Soleimani, Hassan Nasrallah et Yahya Sinwar pour les
menacer : «Dans le Moyen-Orient dur et violent qui nous
entoure, il n’y a aucune pitié pour les faibles. Seuls les forts survivent!».
En revanche il n’a pas hésité à parler de paix comme l’a fait Rabin : «Sous
ma direction, le gouvernement luttera pour la paix et ne manquera pas une
occasion de provoquer un changement régional. Cependant, s’il s’avère qu’il n’y
a aucun moyen d’instaurer la paix à l’heure actuelle, nous façonnerons une
nouvelle réalité. Israël ne sera pas privé de son statut d’État fort, juif et
démocratique».
Il semble en revanche très nettement opposé à
l’unilatéralisme : «Le désengagement de Gaza était un acte juridique
adopté par le gouvernement israélien et exécuté par Tsahal et les colons de
manière douloureuse mais appropriée. Nous devons apprendre nos leçons et les
mettre en œuvre ailleurs».
Gantz : Je suggère de revenir à notre ancienne tactique de campagne Lapid : Mais encore ? Gantz : Nous ne devons rien dire |
Tous les chefs d’État-major qui l’ont précédé
dans la politique, comme Shaoul Mofaz et Amnon Lipkin-Shahak, avaient fait
beaucoup de promesses sans les tenir. C’est pourquoi il reste très prudent dans
ses discours pour ne pas qu'on l'accuse du même mal. Il explique sa stratégie politique en s'appuyant sur ses références
militaires : «J'ai été élevé chez les parachutistes. Si j’ai appris
quelque chose avec eux, c’est que lorsque le moment sera venu de charger en
avant, vous le ferez à pleine puissance et à courte portée».
Gaza pour lui n’est pas une inconnue puisque,
durant son mandat, il a commandé deux interventions en 2012 (Pilier de défense)
et en 2014 (Bordure protectrice). Il a des idées bien arrêtées sur la
question. Il est contre le statu quo et
prône des changements radicaux. Il souscrit entièrement au plan stratégique proposé
par l’INSS (Institut israélien d'études sur la sécurité nationale) peu favorable pour les Palestiniens car Gantz est prêt, si nécessaire
à prendre des mesures unilatérales sur la Cisjordanie pour se séparer des
Palestiniens. Il veut utiliser un langage de vérité et détonner sur les
habituels politiciens aguerris qui se sont relayés à gauche pour décevoir la
population qui n’a plus cru en eux. Pour lui chaque mot est pesé. Il veut que les Israéliens lui fassent confiance.
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