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lundi 23 juin 2014

KOL-ISRAËL : ISRAËL SOUTIENT LE RÉVEIL DU NATIONALISME KURDE



KOL-ISRAËL : ISRAËL SOUTIENT LE RÉVEIL DU NATIONALISME KURDE

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps



Les Kurdes sont un peuple d'origine indo-européenne réparti dans la  région du Kurdistan, à cheval sur quatre pays : Turquie (12 millions), Iran (7 millions), Irak (6 millions) et Syrie (2 millions). En communauté de destin avec les Arméniens et les Juifs, ils ont toujours été persécutés et massacrés sans pouvoir créer leur propre foyer national. Ils se battent depuis des décennies pour obtenir un État indépendant ou au moins, une autonomie et des droits culturels dans la région où ils vivent.


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KOL-ISRAËL : JOURNAL DU 22 juin 2014


Jacques BENILLOUCHE
au micro de 
Annie GABBAÏ




En juin 2010, ils avaient été pris dans un étau turco-syrien lorsque des troupes syriennes avaient été engagées dans des combats acharnés. Ils avaient alors subi la destruction de quatre villes du nord, entraînant la mort de plusieurs centaines d’entre eux. Israël et l’Occident n’avaient pas réagi ; chaque pays avait à l’époque ses propres raisons. Les Israéliens s’étaient résolus à geler leur soutien actif aux Kurdes au profit du développement de relations exclusives avec la Turquie. Mais le coup de froid dans la diplomatie avec  la Turquie les ont libérés de leur réserve.
Abdullah Öcalan

Cependant les Israéliens n’avaient jamais cessé de soutenir matériellement les groupes d’opposants et d’armer les militants nationalistes qui ont d’ailleurs fait quelques infidélités à l’État juif. Ainsi, les Israéliens n’avaient pas apprécié qu’Abdullah Öcalan, leader du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan), s’allie avec le Hezbollah et la Syrie dans sa stratégie de lutte contre son ennemi turc. Le Mossad avait d’ailleurs été accusé d’avoir participé à son enlèvement à Nairobi en 1998 pour le remettre aux Turcs.

Alliance historique

Les relations avec les Kurdes sont anciennes puisqu’elles datent de 1958. Dans le cadre d’une alliance avec le Shah d’Iran, Israël avait armé et entraîné les Kurdes du nord de l’Irak pour les aider à lutter contre le gouvernement de Bagdad. Le soutien s’est transformé, en 1963, en une aide matérielle massive acheminée par l’intermédiaire de l’Iran et en un soutien humain avec l’envoi de conseillers techniques et de médecins. Les officiers kurdes reçurent directement, dans les montagnes du Kurdistan, des cours de formation dispensés par des officiers de Tsahal.
Combattantes kurdes

Les Kurdes n’ont d’ailleurs pas manqué de renvoyer l'ascenseur en 1967, durant la Guerre de Six-Jours. Devant la mobilisation générale des armées arabes contre Israël, ils ont fomenté des troubles dans leur région pour forcer les troupes irakiennes à se détourner en partie des frontières israéliennes. Cela explique ainsi la faible participation des Irakiens à la guerre de 1967. En remerciement, l’État juif avait fourni aux Kurdes le matériel russe récupéré sur les armées égyptienne et syrienne en déroute. Le leader kurde de l’époque,  Massoud Barzani, avait confirmé avoir reçu plusieurs millions de dollars d'aide de la part d’Israël pour financer sa révolte.

Choix stratégique d’Israël  

Mais Tayyip Erdogan, qui avait brusquement fait le choix de l’alliance avec les États arabes, a vu, dans le réchauffement du front kurde, la main manifeste des Israéliens dans une tentative de le déstabiliser à travers des attaques kurdes contre des bases militaires et contre des cibles navales. Le premier ministre israélien avait constaté qu’avant la révolution syrienne, le Hezbollah avait déjà rejoint l’axe turco-syrien pour aider les Syriens à bloquer les Kurdes pourchassés jusqu’à la frontière libanaise. Le président syrien voulait empêcher les combattants kurdes d’y trouver refuge. 
Estimant que le moment était venu de peser dans la situation de la région, les deux principales formations kurdes de Syrie, farouchement opposées au président Bassar el-Assad, avaient décidé de se regrouper au sein d’une seule entité après des négociations tenues au Kurdistan irakien. Le Conseil national kurde, qui regroupe une douzaine de partis, et le Conseil populaire du Kurdistan occidental sont désormais unis sous la bannière du «Conseil suprême kurde» après des discussions auxquelles a participé le dirigeant du Kurdistan irakien, Massoud Barzani.
Kurdistan syrien

Les Israéliens verraient avec intérêt la création d’un foyer national kurde autonome. L’entité nouvelle, d’une part rognerait sur la taille des pays qui lui sont hostiles et d’autre part, constituerait un contrepoids efficace face à un Iran islamiste, envahissant et prosélyte. La frontière entre l’Iran et un Kurdistan nouveau, allié d’Israël, permettrait d’avoir un œil sur les activités occultes de l’Iran. Par ailleurs, cherchant à exploiter les relations conflictuelles entre la Turquie et le PKK, le président syrien Assad a décidé d’utiliser les troupes kurdes contre Tayiip Erdogan. Il a autorisé les Kurdes d’Irak à passer la frontière en masse pour se positionner à la frontière syrienne et a obtenu en contrepartie la neutralité des Kurdes dans la révolution. Il les a même autorisés à opérer le long de la frontière turque.

Kurdistan syrien

Le président syrien a fait preuve de génie politique puisqu’il a offert aux Kurdes la possibilité de s’implanter au Kurdistan syrien. Il a ainsi évité à cette minorité du nord de la Syrie de rejoindre les rebelles syriens et a récupéré ses troupes du nord pacifié pour consolider le front sud. Enfin il a créé un nouveau point de fixation contre la Turquie qui se trouve obligée de faire face à une nouvelle menace à sa frontière méridionale.
Parade kurde

Le peuple kurde parait être revigoré après des années de répression et il envisage à présent d’exploiter la révolution syrienne et la déferlante djihadiste à son profit. Il semble être le seul gagnant du chaos syrien et irakien. Les troubles de la région ont fait renaître les appétits des Kurdes qui n’hésitent plus à engager le fer avec ceux qui constituent un obstacle. Leurs ennemis déclarés à présent sont les djihadistes qui veulent s’installer dans leur fief. Des centaines de combattants islamistes ont été tués entraînant l’expulsion des fondamentalistes de Qamishli, une ville frontalière avec la Turquie.
Les Kurdes estiment que le moment est venu d’instaurer une autonomie territoriale et économique sur une région constituée des neuf localités kurdes, volontairement évacuées par l’armée syrienne, où ils sont majoritaires. Les djihadistes représentent le seul obstacle à leur projet et les Kurdes veulent exploiter l’hostilité croissante de la part de l’Armée syrienne libre (ASL) et de la population ainsi que des grandes puissances.

Approvisionnement énergétique


Les Turcs ont mis en garde les Kurdes contre toute velléité autonomiste car elle «aura pour effet d’envenimer les combats, et d’aggraver la situation intenable en Syrie». La prise de certaines villes syriennes a exacerbé les tensions car elle met en danger l’approvisionnement en énergie en provenance du Kurdistan irakien à travers l’oléoduc reliant Kirkouk et Ceyhan en Turquie. Les Turcs craignent aussi que l’autonomie kurde en Syrie soit contagieuse jusqu’à encourager le séparatisme kurde en Turquie.
En fait les combats avec les islamistes cachent le véritable combat pour le contrôle des champs de pétrole de la région. Les Kurdes ont repris possession de leurs puits de pétrole dans leur région d’Irak après les avoir mis à l’abri des troupes djihadistes. Ils anticipent bien sûr une éventuelle indépendance qui nécessite une autonomie économique.  Les champs pétrolifères kurdes produisent actuellement 120.000 barils par jour. Mais les États-Unis, dans une position de jésuites, refusent aux Kurdes le droit d’exporter leur pétrole car, selon eux, cela pourrait porter atteinte à l'unité de l'Irak alors que ce pays est déjà en pleine décomposition, entre les mains des Iraniens et des djihadistes.

Alors à l’instar des boat-people vietnamiens, les pétroliers kurdes naviguent de port en port en Méditerranée pour tenter de vendre leur cargaison mais la plupart des pays redoutent les sanctions américaines, comme le Maroc qui tient à éviter tout conflit avec les Occidentaux. Mais il est difficile pour les Américains de s’opposer à la vente de ce pétrole à Israël. C’est pourquoi le pétrolier Libéria, chargé de plus d’un million de barils de pétrole, extraits des puits du nord-ouest de l’Irak, a accosté à Ashkelon après avoir tenté de vendre sa cargaison en Méditerranée.
Les Israéliens se montrent aussi jésuites que les Américains puisqu’ils imposent de décharger le pétrole kurde sur un pétrolier intermédiaire pour éviter une vente directe.  D’ailleurs Israël ne le vend pas mais le stocke dans ses installations stratégiques. Le pétrolier Altaï au port d'Ashkelon, au sud du pays, a commencé à décharger le pétrole kurde. L'autorité portuaire d’Ashkelon s’est refusée à tout commentaire.  De son côté le porte-parole du ministère de l'énergie israélienne a déclaré : «Nous ne commentons pas sur l'origine du pétrole brut importé par les raffineries privées en Israël». Les Kurdes tentent ainsi de contourner le pipeline irakien en choisissant une nouvelle route vers le port de Ceyhan en Turquie.
Les dirigeants israéliens s’estiment à l’aise sur ce problème dès lors ou ils veulent ainsi contrer le rapprochement entre Washington et Téhéran. Par ailleurs ils ne sont pas mécontents de faire des pieds de nez aux Turcs qui tardent à signer la reprise des relations diplomatiques.  Israël de son côté cherche à briser son isolement politique en misant sur de bonnes relations avec les Kurdes tout en diversifiant ses propres sources d'approvisionnement en énergie.
Il ne s’agit pas des premières livraisons de pétrole kurde à Israël mais, depuis 2013, cela se faisait par petite quantités expédiées par camion aux ports turcs. Israël est à l’aise car il ne risque aucune sanction de la part des Irakiens dans la mesure où il est boycotté par tous les pays arabes, Irak compris. En revanche Israël s’affiche ainsi ouvertement du côté des Kurdes car ils sont les seuls à pouvoir freiner l’expansion djihadiste en Irak avec le risque de débordement à moyen terme sur la Syrie et par conséquent sur le Golan.