KOL-ISRAËL :
ISRAËL SOUTIENT LE RÉVEIL DU NATIONALISME KURDE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Les Kurdes sont un peuple d'origine
indo-européenne réparti dans la région
du Kurdistan, à cheval sur quatre pays : Turquie (12 millions), Iran (7 millions),
Irak (6 millions) et Syrie (2 millions). En communauté de destin avec les
Arméniens et les Juifs, ils ont toujours été persécutés et massacrés sans
pouvoir créer leur propre foyer national. Ils se battent depuis des décennies
pour obtenir un État indépendant ou au moins, une autonomie et des droits
culturels dans la région où ils vivent.
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KOL-ISRAËL : JOURNAL DU 22 juin 2014
Jacques BENILLOUCHE
au micro de
Annie GABBAÏ
En juin 2010, ils avaient été pris dans
un étau turco-syrien lorsque des troupes syriennes avaient été engagées dans
des combats acharnés. Ils avaient alors subi la destruction de quatre villes du
nord, entraînant la mort de plusieurs centaines d’entre eux. Israël et
l’Occident n’avaient pas réagi ; chaque pays avait à l’époque ses propres
raisons. Les Israéliens s’étaient résolus à geler leur soutien actif aux Kurdes
au profit du développement de relations exclusives avec la Turquie. Mais le
coup de froid dans la diplomatie avec la
Turquie les ont libérés de leur réserve.
Abdullah Öcalan |
Cependant
les Israéliens n’avaient jamais cessé de soutenir matériellement les groupes
d’opposants et d’armer les militants nationalistes qui ont d’ailleurs fait
quelques infidélités à l’État juif. Ainsi, les Israéliens n’avaient pas
apprécié qu’Abdullah Öcalan, leader du PKK (Parti des Travailleurs du
Kurdistan), s’allie avec le Hezbollah et la Syrie dans sa stratégie de lutte
contre son ennemi turc. Le Mossad avait d’ailleurs été accusé d’avoir participé
à son enlèvement à Nairobi en 1998 pour le remettre aux Turcs.
Alliance historique
Les relations avec les Kurdes sont
anciennes puisqu’elles datent de 1958. Dans le cadre d’une alliance avec le
Shah d’Iran, Israël avait armé et entraîné les Kurdes du nord de l’Irak pour
les aider à lutter contre le gouvernement de Bagdad. Le soutien s’est
transformé, en 1963, en une aide matérielle massive acheminée par
l’intermédiaire de l’Iran et en un soutien humain avec l’envoi de conseillers
techniques et de médecins. Les officiers kurdes reçurent directement, dans les
montagnes du Kurdistan, des cours de formation dispensés par des officiers de Tsahal.
Combattantes kurdes |
Les
Kurdes n’ont d’ailleurs pas manqué de renvoyer l'ascenseur en 1967, durant la
Guerre de Six-Jours. Devant la mobilisation générale des armées arabes contre
Israël, ils ont fomenté des troubles dans leur région pour forcer les troupes
irakiennes à se détourner en partie des frontières israéliennes. Cela explique
ainsi la faible participation des Irakiens à la guerre de 1967. En
remerciement, l’État juif avait fourni aux Kurdes le matériel russe récupéré
sur les armées égyptienne et syrienne en déroute. Le leader kurde de
l’époque, Massoud Barzani, avait
confirmé avoir reçu plusieurs millions de dollars d'aide de la part d’Israël
pour financer sa révolte.
Choix stratégique
d’Israël
Mais
Tayyip Erdogan, qui avait brusquement fait le choix de l’alliance avec les
États arabes, a vu, dans le réchauffement du front kurde, la main manifeste des
Israéliens dans une tentative de le déstabiliser à travers des attaques kurdes
contre des bases militaires et contre des cibles navales. Le premier ministre
israélien avait constaté qu’avant la révolution syrienne, le Hezbollah avait
déjà rejoint l’axe turco-syrien pour aider les Syriens à bloquer les Kurdes
pourchassés jusqu’à la frontière libanaise. Le président syrien voulait
empêcher les combattants kurdes d’y trouver refuge.
Estimant que le moment était venu de
peser dans la situation de la région, les deux principales formations kurdes de
Syrie, farouchement opposées au président Bassar el-Assad, avaient décidé de se
regrouper au sein d’une seule entité après des négociations tenues au Kurdistan
irakien. Le Conseil national kurde, qui regroupe une douzaine de partis, et le
Conseil populaire du Kurdistan occidental sont désormais unis sous la bannière
du «Conseil suprême kurde» après des
discussions auxquelles a participé le dirigeant du Kurdistan irakien, Massoud
Barzani.
Kurdistan syrien |
Les Israéliens verraient avec intérêt la
création d’un foyer national kurde autonome. L’entité nouvelle, d’une part
rognerait sur la taille des pays qui lui sont hostiles et d’autre part,
constituerait un contrepoids efficace face à un Iran islamiste, envahissant et
prosélyte. La frontière entre l’Iran et un Kurdistan nouveau,
allié d’Israël, permettrait d’avoir un œil sur les activités occultes de
l’Iran. Par ailleurs, cherchant à exploiter les relations conflictuelles entre
la Turquie et le PKK, le président syrien Assad a décidé d’utiliser les troupes
kurdes contre Tayiip Erdogan. Il a autorisé les Kurdes d’Irak à passer la
frontière en masse pour se positionner à la frontière syrienne et a obtenu en
contrepartie la neutralité des Kurdes dans la révolution. Il les a même
autorisés à opérer le long de la frontière turque.
Kurdistan syrien
Le président syrien a fait preuve de
génie politique puisqu’il a offert aux Kurdes la possibilité de s’implanter au
Kurdistan syrien. Il a ainsi évité à cette minorité du nord de la Syrie de
rejoindre les rebelles syriens et a récupéré ses troupes du nord pacifié pour consolider le front sud. Enfin il a créé un
nouveau point de fixation contre la Turquie qui se trouve obligée de faire face
à une nouvelle menace à sa frontière méridionale.
Parade kurde |
Le peuple kurde parait être revigoré
après des années de répression et il envisage à présent d’exploiter la
révolution syrienne et la déferlante djihadiste à son profit. Il semble être le
seul gagnant du chaos syrien et irakien. Les troubles de la région ont
fait renaître les appétits des Kurdes
qui n’hésitent plus à engager le fer avec ceux qui constituent un obstacle.
Leurs ennemis déclarés à présent sont les djihadistes qui veulent s’installer
dans leur fief. Des centaines de combattants islamistes ont été tués entraînant
l’expulsion des fondamentalistes de Qamishli, une ville frontalière avec la
Turquie.
Les Kurdes
estiment que le moment est venu d’instaurer une autonomie territoriale et
économique sur une région constituée des neuf localités kurdes, volontairement
évacuées par l’armée syrienne, où ils sont majoritaires. Les djihadistes
représentent le seul obstacle à leur projet et les Kurdes veulent exploiter
l’hostilité croissante de la part de l’Armée syrienne libre (ASL) et de la
population ainsi que des grandes puissances.
Approvisionnement
énergétique
Les Turcs ont mis en garde les Kurdes
contre toute velléité autonomiste car elle «aura
pour effet d’envenimer les combats, et d’aggraver la situation intenable en
Syrie». La prise de certaines villes syriennes a exacerbé les tensions car
elle met en danger l’approvisionnement en énergie en provenance du Kurdistan
irakien à travers l’oléoduc reliant Kirkouk et Ceyhan en Turquie. Les Turcs craignent
aussi que l’autonomie kurde en Syrie soit contagieuse jusqu’à encourager le
séparatisme kurde en Turquie.
En fait les combats avec les islamistes cachent
le véritable combat pour le contrôle des champs de pétrole de la région. Les
Kurdes ont repris possession de leurs puits de pétrole dans leur région d’Irak
après les avoir mis à l’abri des troupes djihadistes. Ils anticipent bien sûr une
éventuelle indépendance qui nécessite une autonomie économique. Les champs pétrolifères kurdes produisent
actuellement 120.000 barils par jour. Mais les États-Unis, dans une position de
jésuites, refusent aux Kurdes le droit d’exporter leur pétrole car, selon eux,
cela pourrait porter atteinte à l'unité de l'Irak alors que ce pays est déjà en
pleine décomposition, entre les mains des Iraniens et des djihadistes.
Alors à l’instar des boat-people
vietnamiens, les pétroliers kurdes naviguent de port en port en Méditerranée
pour tenter de vendre leur cargaison mais la plupart des pays redoutent les
sanctions américaines, comme le Maroc qui tient à éviter tout conflit avec les
Occidentaux. Mais il est difficile pour les Américains de s’opposer à la vente
de ce pétrole à Israël. C’est pourquoi le pétrolier Libéria, chargé de plus
d’un million de barils de pétrole, extraits des puits du nord-ouest de l’Irak,
a accosté à Ashkelon après avoir tenté de vendre sa cargaison en Méditerranée.
Les Israéliens se montrent aussi
jésuites que les Américains puisqu’ils imposent de décharger le pétrole kurde
sur un pétrolier intermédiaire pour éviter une vente directe. D’ailleurs Israël ne le vend pas mais le
stocke dans ses installations stratégiques. Le pétrolier Altaï au port
d'Ashkelon, au sud du pays, a commencé à décharger le pétrole kurde. L'autorité
portuaire d’Ashkelon s’est refusée à tout commentaire. De son côté le porte-parole du ministère de
l'énergie israélienne a déclaré : «Nous
ne commentons pas sur l'origine du pétrole brut importé par les raffineries
privées en Israël». Les Kurdes tentent ainsi de contourner le pipeline
irakien en choisissant une nouvelle route vers le port de Ceyhan en Turquie.
Les dirigeants israéliens s’estiment à l’aise
sur ce problème dès lors ou ils veulent ainsi contrer le rapprochement entre Washington et Téhéran. Par ailleurs ils ne sont pas
mécontents de faire des pieds de nez aux Turcs qui tardent à signer la reprise
des relations diplomatiques. Israël de
son côté cherche à briser son isolement politique en misant sur de bonnes
relations avec les Kurdes tout en diversifiant ses propres sources d'approvisionnement
en énergie.
Il
ne s’agit pas des premières livraisons de pétrole kurde à Israël mais, depuis
2013, cela se faisait par petite quantités expédiées par camion aux ports
turcs. Israël est à l’aise car il ne risque aucune sanction de la part des
Irakiens dans la mesure où il est boycotté par tous les pays arabes, Irak
compris. En revanche Israël s’affiche ainsi ouvertement du côté des Kurdes car
ils sont les seuls à pouvoir freiner l’expansion djihadiste en Irak avec le
risque de débordement à moyen terme sur la Syrie et par conséquent sur le
Golan.
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