LE DÉFI RISQUÉ DE MAHMOUD ABBAS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Mahmoud Abbas et son premier ministre |
Israël ne peut rien
contre la constitution d’un gouvernement d’unité nationale entre le Fatah et le
Hamas. D’ailleurs Benjamin Netanyahou n’a
pas utilisé la sanction suprême du blocage des fonds à l’Autorité et s'est contenté de réduire les relations aux seuls besoins sécuritaires. Certains estiment qu’il
serait peut-être judicieux de ne pas faire de procès d’intention et de juger la
nouvelle équipe uniquement sur les faits.
Il est clair que le gouvernement palestinien,
qui comporte huit anciens ministres et le même premier ministre, reste à l’image
de Mahmoud Abbas qui a réussi à minimiser, pour l’instant, l’influence du Hamas
dans le choix des ministres. Les quelques personnalités de Gaza ont obtenu des
postes de seconde catégorie ne leur permettant pas de peser sur le cours des
événements.
Occidentaux unanimes
Il est évident que
Benjamin Netanyahou n’a pas été suivi par les Occidentaux dans sa volonté d’isoler
les Palestiniens. En effet l'Union européenne et les Nations Unies ont soutenu officiellement le
gouvernement palestinien d'union nationale qui a prêté serment à Ramallah. Il a peut-être manqué une occasion de réclamer les conditions imposées par le Quartet, composé des Etats-Unis, de la Russie, de l'Union européenne et des Nations Unies pour des négociations avec le Hamas : la reconnaissance d'Israël, le rejet de la terreur et de la violence, et le respect des accords antérieurs.
Robert H. Serry |
Robert H. Serry, le représentant
spécial des Nations Unis pour le processus de paix au Moyen-Orient, a confirmé
auprès du premier ministre Hamdallah le soutien de l’ONU après l’engagement ferme
du nouveau gouvernement de respecter tous les accords précédents signés par l’OLP.
Le représentant a ajouté : «Nous nous félicitons de la nomination d'un
gouvernement de personnalités indépendantes et de la déclaration par le
président Abbas que ce nouveau gouvernement est attaché au principe de la
solution à deux États basée sur les frontières de 1967, à la reconnaissance du
droit légitime d'Israël à exister, à la non-violence et au respect des accords
antérieurs».
Willian Hague, ministre
britannique des Affaires étrangères a abondé dans le même sens : «Le
soutien de l'UE au nouveau gouvernement dépendra de l’adhésion à ces principes.
La réunification de Gaza et de la Cisjordanie, sous un gouvernement attaché à
la paix, est une condition nécessaire pour résoudre le conflit israélo-palestinien
conflit ».
Jen Psaki |
Le porte-parole américain du département d’État, Jen Psaki,
a publiquement appuyé le soutien de son pays au nouveau gouvernement en
justifiant que : «À ce stade, il semble que le président Abbas a formé
un gouvernement provisoire de technocrates ne comprenant pas de ministres
affiliés au Hamas». Il semble en fait que, par cette décision américaine rapide et non
attendue, John Kerry ait voulu marquer sa désapprobation quant au refus des
Israéliens de libérer le dernier groupe de prisonniers palestiniens.
Israël isolé
Le premier ministre
israélien semble donc dans une position difficile et il ne peut pas ignorer la
prise de position claire des Occidentaux. Mais Mahmoud Abbas est face à un défi
plus grand puisqu’il a pris le risque d’intégrer le Hamas parmi le concert des
pays démocratiques. S’il parvient à étouffer ses concurrents dans un baiser de
la mort, il aura réussi.
Il avait déclaré en privé à des journalistes et hommes
d’affaires israéliens en visite à la Mouqata que sa collaboration avec les
forces israéliennes était «sacrée» : « La relation de sécurité, et je
le dis devant tous, la coordination de la sécurité est sacrée. Et nous allons
continuer, que nous soyons en désaccord ou en accord sur la politique». Effectivement les services de renseignement et
la police de l’Autorité continueront à travailler en étroite collaboration avec
l’armée et le Shin Bet, service de sécurité intérieure.
Ismaïl Haniyeh signant l'accord |
Cet engagement de
Mahmoud Abbas met en relief les contradictions profondes existant entre le
Hamas et le Fatah. D’ailleurs le leader Ismaïl Haniyeh a rappelé lors d’un rassemblement dans la
ville de Rafah que le fait de s’associer avec Abbas ne signifiait pas l’abandon
de la résistance : «La réconciliation palestinienne vise à unir le
peuple palestinien contre l’ennemi principal, l’ennemi sioniste. Elle a pour
but de suivre le choix de la résistance et de la fermeté». En revanche il a
confirmé qu’il se pliera à l’accord et remettra l’administration de Gaza au
nouveau gouvernement.
Le Hamas à la déroute
Mais il n’avait pas le
choix. Le nouveau gouvernement peut en effet sauver le Hamas d’une crise
financière dramatique et du lourd fardeau de la gestion de Gaza. Mahmoud Abbas
pourrait alors en profiter pour affaiblir le mouvement islamique et provoquer
des crises internes qui le feront éclater. Le Hamas paie ainsi
les conséquences de la fermeture quasi-permanente du passage de Rafah avec l’Égypte des généraux
et de la destruction de plus de mille tunnels de contrebande qui assuraient sa trésorerie.
Al-Maliki ministre des affaires étrangères |
Le président de
l’AP peut se targuer d’avoir fait reculer le Hamas sur trois grands
portefeuilles ministériels : le ministère des Affaires étrangères, le
ministère des affaires religieuses qui n’a pas été confié au candidat présenté
par le Hamas, et enfin le ministère des affaires des prisonniers liquidé sous
la pression américaine.
Mahmoud Abbas sera jugé sur sa capacité à organiser
des élections présidentielles et législatives à la fin des six prochains mois
et à neutraliser les islamistes dans leur fief de Gaza. Et s'il arrivait à obtenir à Gaza ce que deux guerres n'ont pas réussi à modifier ? Vaste programme qui
nécessite cependant la neutralité totale d’Israël sous réserve que les
djihadistes n’échauffent pas le front du sud. S'il échoue, il sera balayé par tous ceux qui rêvent de prendre sa place, Mohamed Dahlan en particulier. Wait and see.
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