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dimanche 8 juin 2014

AL-SISSI : L’INCERTITUDE MALGRÉ UNE ÉLECTION DE MARÉCHAL



AL-SISSI : L’INCERTITUDE MALGRÉ UNE ÉLECTION DE MARÉCHAL

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps



Abdel Fattah al-Sissi a été élu dans l’indifférence totale de son pays et surtout de celle de l’Occident qui semble très gêné de devoir composer avec un militaire arrivé au pouvoir par un coup d’État. Il a été élu avec un score de maréchal : 96,9 % des voix. Aucune surprise n’était à attendre d’un scrutin dont l’issue était toute tracée. Ce chiffre ne peut masquer cependant le faible taux de participation 47.45%, tellement faible qu’une troisième journée de vote avait été organisée par les autorités égyptiennes.



Les jeunes et les femmes

Bureau de vote pour les hommes désert

Les jeunes ont été les plus nombreux à s’abstenir parce qu’ils estiment qu’ils sont mal représentés. Selon Mohamad Al-Mahdi, professeur de psychologie : «Beaucoup de jeunes vivent aujourd’hui dans ce qu’on appelle une aliénation politique, puisqu’ils sentent que ce qui se passe ne les représente pas et que la génération des plus âgés domine la scène. Une frustration frappe également les jeunes révolutionnaires à cause des tentatives des médias pour déformer la révolution du 25 janvier. Ils craignent aussi un retour du régime de Moubarak et les restrictions des libertés». L’absence des bulletins de vote des jeunes dans les urnes peut être, à moyen terme, une menace pour la stabilité du pays. Moubarak les avait ignorés avec comme conséquence les grandes manifestations du 25 janvier 2011.
La queue des femmes pour voter

En revanche les femmes, qui représentent 44% du corps électoral avec 24 millions de voix, ont voté massivement car elles s'inquiètent de l’instabilité qui règne dans le pays. Elles donnent l’impression d’être plus politisées, ce qui n’est pas le cas. Les bureaux de vote réservés aux hommes étaient presque déserts alors que ceux réservés aux femmes ne désemplissaient pas.  Depuis la révolution de 2011, les femmes ont participé massivement à toutes les échéances électorales et pourtant rien n’a depuis été fait pour améliorer leur condition. Mais, si elles n’ont aucune motivation politique, elles ne recherchent que la sécurité car elles sont conscientes de leur responsabilité envers leurs familles. Elles ont donc voté en masse pour Al-Sissi sans que son programme ne comporte aucune avancée sur les droits de la femme.  

Grande déception

Révolution de 2011

La déception d’Al-Sissi doit être grande pour un nouvel homme politique qui recherchait sa légitimité dans les urnes. Sa personnalité a été difficile à cerner pour des Égyptiens ballotés au gré des évènements et qui n’ont rien gagné du printemps arabe de 2011. Ils sont passés d’une dictature à une autre en étant à chaque fois les dindons de la farce. Ils ne se sentent pas en état d’émettre un avis ou une critique dès lors où la répression est terrible. Si les Frères musulmans ont placé  leurs militants dans tous les rouages de l’administration, il faut mettre à leur crédit qu’ils n’ont pas coupé de têtes comme c’est souvent le cas après un changement brutal de régime dans les pays arabes et comme semble vouloir le faire le nouveau régime.
Responsable du parti Nour

Même les jeunes libéraux laïcs, qui ont été les premiers à la tête de la révolte contre Hosni Moubarak, ont été inquiétés car le nouveau régime craint qu’ils ne rééditent leurs exploits de 2011. Les médias ont été muselés sauf s’ils vantaient les qualités du nouveau régime. Le Parti Nour, un groupe salafiste puritain qui a gagné un quart des voix lors de l'élection générale il y a deux ans, a organisé des rassemblements et même sorti une chanson, dépouillé de l'accompagnement musical «anti-islamique», à la louange de Al-Sissi.

Al-Sissi est seul maître à bord puisque le Parlement a été dissous. En dehors de son cercle militaire, on ne connait pas les conseillers qui l’entourent. Mais si le président veut durer, il doit rapidement procéder à des élections législatives pour donner un semblant de démocratie en s’ouvrant d'abord à des libéraux et ensuite à des islamistes non violents. Dans le cas contraire, il les trouvera sur son chemin pavé de terrorisme, avec le risque de les voir se joindre aux Frères musulmans, armés jusqu’aux dents et habitués à la clandestinité.

Al-Sissi a d’autre part des lacunes en économie. L'Egypte souffre d’une grande intervention de l’État avec des subventions pour les carburants et les produits alimentaires qui absorbent le quart du budget. Il a souligné que la dette nationale de l'Egypte a atteint le montant de 240 milliards de dollars avec un déficit budgétaire de près de 14% du PIB. En outre, 12 millions des 85 millions de la population sont au chômage.  

Il sait par ailleurs qu’il doit s’atteler aux problèmes sécuritaires s’il veut que le tourisme reparte et que les caisses se remplissent de devises. L’Égypte a aussi besoin de capitaux étrangers et de nouvelle technologie pour reconstituer ses tissus industriel et pas uniquement  des milliards de dollars stériles en provenance des monarchies du Golfe. Al-Sissi doit donc revoir l’idéologie du pouvoir pour insuffler des méthodes modernes de gestion et non pas créer une nouvelle dictature où l’armée détiendra encore les rouages de l’économie. Le défi est à la mesure des problèmes du pays. 

2 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Vous écrivez que Al-Sissi a été élu dans l'indifférence totale, surtout de l'Occident. Ce n'est pas tout à fait exact dans la mesure où je crois savoir qu'il a reçu un télégramme de félicitations du Quai d'Orsay.
Quai d'Orsay qui regrette peut-être de ne pouvoir envoyer le même télégramme à Bachar el-Assad qui jadis présidait à notre défilé du 14 juillet mais que nous considérons aujourd'hui comme notre ennemi sans nous préoccuper d'ailleurs de savoir si sans lui, ce ne seraient pas les islamistes qui seraient au pouvoir en Syrie.

Très cordialement.

Emile TUBIANA a dit…

Nous avons tous laissé Morci des Freres Musulmana gagner, le résultat était qu'il commençait à devenir un allié aux Hamas et avait préparé des troupes dans le Sinai sans demander a qui que ce soit pour atteindre une force comparable a l'armée Egyptienne sous le commandement du General El Sisi. et puis combattre El Sisi et son armée. Je ne vois aucune incertitude El Sisi est un home intelligentvil réussira malgré tout