NETANYAHOU MISE SUR LA GUERRE DES CLANS EN IRAN
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Israël se montre très méfiant quant aux négociations sur le nucléaire entre les États-Unis et l’Iran. Le ton conciliant de Barack Obama est à la base de l’amertume affichée par les dirigeants israéliens qui font preuve ouvertement de scepticisme sur la réalité du changement de politique envisagé par le nouveau président Hassan Rohani.
Sylvain Shalom, ministre de l’énergie
et du développement régional, constate que «dans le monde, on ne voit dans
le dossier iranien qu’une question de niveau de vie, alors que pour Israël il
s’agit d’une question de survie». Il ne comprend pas que les raisons
économiques priment sur toutes les autres questions, même sur les questions
sécuritaires.
Optimisme non partagé
Laurent Fabius et le ministre iranien Zarif |
Les Américains semblent faire preuve d’un optimisme qui n’est d’ailleurs
pas partagé par le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius,
qui pense qu’en ce qui concerne la reprise des pourparlers à Genève les 7 et 8
novembre, «la prudence est de mise et il est trop tôt pour en tirer des
conclusions». Un proche de Benjamin
Netanyahou a estimé que «les Américains sont aux anges alors que les
Iraniens n’ont rien cédé». Les Israéliens sont persuadés que la volonté de
changement d’Hassan Rohani sera confrontée à la réalité des faits car seul le
Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, détient le pouvoir sur les dossiers
sensibles stratégiques de l’Iran.
Mais les Israéliens s’appuient sur les informations qui leur
parviennent pour justifier leur
réticence. Le combat entre deux clans au pouvoir a atteint le paroxysme.
Jusqu’alors les rivalités étaient camouflées dans le combat commun contre les
sanctions internationales mais la perspective de leur levée engendre ouvertement une rupture entre les clans Khamenei et Rafsandjani. Ce dernier avait
été ouvertement le parrain d’Hassan Rohani à l’élection présidentielle.
Rafsandjani et Khamenei |
Ces deux clans s’opposent sur un plan idéologique. Israël pense
qu’ils finiront par créer une rupture irréversible qui compliquera la tâche de
Rohani en l’obligeant à jeter du lest. Le Guide suprême a en effet peu accepté
les négociations directes avec les États-Unis parce qu’elles constituent un
coup de canif dans l’idéologie islamique et qu’elles l’obligent à plus de
souplesse avec les Américains. Mais de nombreux membres conservateurs proches
d’Ali Khamenei, et non des moindres, qui étaient fondamentalement opposés à ce
dialogue, ont basculé dans le camp de Rafsandjani en créant une situation de
conflit larvé.
Il en est ainsi du parlementaire conservateur Ahmad Tavakkoli,
membre du Majlis, du conseiller du commandant du Corps des Gardiens de la
révolution islamique iranienne (CGRI) et membre de Conseil du discernement
Mohammad-Hossein Saffar-Harandi, et du porte-parole du Parlement, Ali Larijani. Ils ont
basculé dans l’autre camp, celui de Rafsandjani, quelques semaines après avoir manifesté des positions
idéologiques fermes contre tout dialogue avec les États-Unis. Ils défendent à
présent une révision de la position politique iranienne vis-à-vis des
Occidentaux.
Ali Larijani |
En effet Ahmad Tavakkoli a
affirmé que «Obama a capitulé devant d’Iran et a reconnu son droit
nucléaire». Mohammad-Hossein Saffar-Harandi «ne nie pas le fait que
nous devons dialoguer avec les États-Unis». Enfin Ali Larijani a enterré sa
position initiale : «Nous pouvons entretenir des liens avec les États-Unis».
Washington
s’est tourné vers Ali Larijani en nouant le dialogue via une interview avec
Associated Press. Heureux d’être redevenu l’interlocuteur de Washington, il
s’est distingué de Rohani en évoquant la décision du régime de rester sur la
dernière offre des 5+1 et comme preuve de sa sincérité, de remettre à l’AIEA
les stocks d’uranium enrichi dépassant ses besoins civils. Larijani avait
contredit Rohani. Ce dernier n’a rien dit car le clergé, en mauvaise forme,
était resté calme en espérant que cet apaisement plaise à Washington et
entraîne un allègement des sanctions, ou du moins, entraîne la levée des
dernières sanctions comme la restriction de visas.
Tiraillements internes
Les Israéliens sont convaincus que les tiraillements entre les deux
clans vont encore s’amplifier. Ils en
veulent pour preuve la critique affichée du Guide suprême à l’égard de certains
aspects de l'offensive diplomatique du président Hassan Rohani à l'ONU : «Une
partie de ce qui s'est passé lors du voyage à New-York était déplacée, bien que
nous fassions confiance à nos responsables. Nous sommes pessimistes envers les
Américains, et nous ne leur faisons pas confiance. Le gouvernement américain
n'est pas fiable, il est dédaigneux, irraisonnable, et ne tient pas ses
promesses».
Le fait que le commandant des Gardiens de la Révolution, la force d’élite du régime et son épine dorsale, ait abondé dans le même sens donne à penser qu’il n’y a plus de consensus général. Mais les proches de Rohani tentent de tempérer les critiques de l'ayatollah Khamenei. Selon le commentateur Saeed Leylaz : «il ne faut pas oublier que sans sa permission l'initiative diplomatique du président Rohani n'aurait pas été possible».
Commandant des gardiens de la révolution |
Le fait que le commandant des Gardiens de la Révolution, la force d’élite du régime et son épine dorsale, ait abondé dans le même sens donne à penser qu’il n’y a plus de consensus général. Mais les proches de Rohani tentent de tempérer les critiques de l'ayatollah Khamenei. Selon le commentateur Saeed Leylaz : «il ne faut pas oublier que sans sa permission l'initiative diplomatique du président Rohani n'aurait pas été possible».
Les Israéliens voient dans la charge systématique d’Ali
Khamenei contre eux et les Américains un
moyen de dévoiler le vrai visage des Iraniens : «L'administration
américaine est un gouvernement envahi par le réseau sioniste international, et
doit s'aligner sur l'usurpateur Israël». Barack Obama de son côté a convenu
que «Rohani n'était pas le seul décideur, il n'est même pas l'ultime
décideur».
Ces déclarations apportent un certain optimisme à Benjamin Netanyahou qui est certain que le
président américain n’est pas en désaccord avec Israël sur le calendrier
nucléaire de l’Iran. Il compte sur quelques grains de sable apportés par les
partisans de Khamenei dans les rouages de la diplomatie d’Hassan Rohani pour
confirmer la justesse de la position israélienne.
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