LE HEZBOLLAH RECENTRE SES
ACTIVITÉS CONTRE ISRAËL
Par Jacques BENILLOUCHE
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À présent que les Occidentaux ont réglé, à leur manière, le
problème syrien qui n’a jamais constitué pour les Israéliens un danger
immédiat, Israël va pouvoir concentrer son attention sur le Hezbollah, le bras
armé de l’Iran au Liban. Le risque aux frontières nord d’Israël reste entier
bien que cette milice ait subi de lourdes pertes en Syrie, en combattant auprès
des forces régulières.
Les partisans d’Hassan Nasrallah ont dû affronter les
troupes aguerries d’Al-Qaeda, lourdement armées et renforcées par des mercenaires
islamistes expérimentés venus de Tchétchénie, d’Irak et d’Afghanistan. Le Hezbollah a tout
fait pour camoufler à la population ses échecs mais les funérailles de nuit des militants morts
au combat ont été éventées. Cela n’a pas évité de mettre en évidence l’étendue du désastre subi par les miliciens vaincus.
Rapatrier les troupes
Le parti chiite a
donc pris la décision de «rapatrier» au Liban plus de 1.200 combattants
qui étaient basés dans la périphérie de Damas, pour cesser l’hémorragie, pour
calmer la critique au sein même du mouvement et pour réorienter son combat vers
son objectif initial : Israël et la défense des Palestiniens. Les
positions militaires abandonnées par les troupes en déroute auraient été
remises à des éléments des Gardiens de la révolution iranienne, consolidant
ainsi une infiltration plus grande de l’Iran dans les rouages syriens.
Il n'est pas impossible que l'ordre lui soit venu de Téhéran de ne pas épuiser ses forces et de les réserver pour une éventuelle confrontation avec Israël, si ce dernier persistait dans sa volonté d'attaquer les usines nucléaires iraniennes.
Signe des difficultés du Hezbollah, son chef a prononcé le 23 septembre un
discours totalement ignoré des médias occidentaux. Contre toute attente, Hassan
Nasrallah a exhorté les pays du Golfe et la Turquie à revoir leur stratégie en
Syrie pour trouver une solution politique à la crise syrienne : «Mettez
vos rancœurs de côté et privilégiez la raison et les intérêts des populations
de la région pour mettre en avant le dialogue et donner une chance aux
initiatives politiques, que certains d’entre vous continuent de bloquer».
Mais il n’a pas manqué d’attaquer frontalement l’Arabie saoudite pour son
soutien à «des dizaines de milliers
de combattants étrangers venus du monde entier». Il a ainsi donné l’impression
de vouloir mettre ses pas sur ceux du président Rohani en prônant la modération;
mais il n’a pas été écouté car sa crédibilité est fortement atteinte.
Certes le choc de la
défaite calme pour l’instant les ardeurs des combattants mais il faut faire
confiance aux leaders chiites pour ranimer la flamme du combat. La décision du redéploiement
des troupes a été engagée avant la reprise des relations irano-américaines ce
qui ne permet pas de faire un lien avec l’arrivée au pouvoir de Rohani.
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Clash à Baalbek entre Hezbollah et résidents |
Elle a été justifiée
par la perte de contrôle du Hezbollah dans les zones qu’ils occupaient,
soumises à des attentats à la voiture piégée comme à Baalbek. Par ailleurs trois personnes y ont été tuées au
cours d'une fusillade à un poste de contrôle tenu par des combattants du
Hezbollah. Des forces
salafistes ont en effet profité du départ du Hezbollah de la banlieue sud de
Beyrouth, pour se déployer au camp palestinien de Bourj Brajneh. Le contrôle de ce
camp a été rendu difficile depuis la
rupture entre le Hezbollah et le Hamas tandis que les relations avec les
palestiniens du FPLP-CG sont rompues parce qu’ils sont accusés d’aider et d’armer
l’opposition syrienne.
Germes de la guerre au Liban
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L'armée libanaise se déploie dans la banlieue sud de Beyrouth, le 23 septembre 2013 |
Le Hezbollah est
accusé par les Libanais d’avoir importé les germes de la guerre dans un
territoire qui a déjà souffert du conflit de 2006, lui occasionnant un coût
humain et une perte matérielle exorbitante. Cette guerre a, en revanche, apporté
la paix aux frontières d’Israël mais a répandu les prémices d’un nouveau
conflit interne pouvant, à nouveau, conduire à une guerre civile.
Les Libanais
constatent que les armes aux mains de troupes théocratiques et islamiques n’ont
fait qu’apporter le malheur chez eux. Ils reposent le problème de l’existence chez
eux d’une milice armée incontrôlable par les autorités légales. Les dirigeants
libanais devront tôt ou tard prendre l’ultime décision s’ils veulent que les
règles démocratiques et la Constitution soient respectées et s’ils veulent
redonner son lustre à l’armée légale.
L’arrivée au pouvoir
du «modéré» Hassan Rohani ne changera pas la donne pour Israël car le
Hezbollah est directement contrôlé par le Guide suprême Ali Khamenei et soutenu
par les Gardiens de la révolution iranienne. Le président n’a aucune influence hiérarchique
sur les relations de l’Iran avec les miliciens libanais. D’ailleurs le financement du
Hezbollah ne provient pas de l’État iranien mais des fonds Khums, une
tradition musulmane qui impose aux riches d’offrir un cinquième de leurs
revenus aux autorités religieuses. Il s’agit d’un brassage de plusieurs
millions de dollars distribués tous les ans sous l’autorité du Guide suprême et
de l’armée des Gardiens de la Révolution islamique dont le Hezbollah est l’une
des branches officielles.
Le règne des gardiens de la révolution
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Qasem Soleimani |
L’arrivée de Rohani
au pouvoir, avec une volonté de dialogue, n’influencera en rien la doctrine du
Hezbollah qui campera sur ses positions radicales et guerrières. Les miliciens islamistes sont sous la responsabilité directe des Gardiens iraniens qui ont désigné
leur représentant en Irak, Syrie, Gaza et Liban en la personne du général Qasem
Soleimani qui règne sur 200.000 hommes. Issu des Gardiens de la Révolution, il ne
cesse de restructurer le Sud-Liban en y construisant, à la barbe de la FINUL,
de nombreux blockhaus et de longs tunnels qui débouchent directement sur la
frontière israélienne.
Mais les partisans du nouveau président iranien ne restent pas inertes. Ils sont à la base de
frictions entre les partisans modérés de Rohani et ceux qui veillent, par la
force, au maintien de révolution islamique et qui ont tendance à opter pour un
extrémisme radical. Il est probable que cela aura malgré tout un impact sur la
politique de négociations américano-iraniennes.
Le Hezbollah est
persuadé qu’il ne sera pas affecté par le changement de gouvernance puisque Rohani
fait partie du sérail à Téhéran. Selon lui, il a seulement utilisé une approche trompeuse différente
pour soutenir le régime et le rendre plus pérenne, sous le flou de réformes
dans sa politique. Par ailleurs, Hassan Nasrallah est convaincu que l’Iran a beaucoup
investi sur lui au-delà de ses frontières en le chargeant de défendre
la sécurité de l’Iran à travers le conflit israélo-palestinien, tout en étant une
tête de pont chiite sur les rives de la Méditerranée.
Si danger il y a pour
Israël, il viendra en priorité du nord.
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