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lundi 28 octobre 2013

ERDOGAN PAIE L’ÉCHEC DE SA STRATÉGIE AU MOYEN-ORIENT



ERDOGAN PAIE L’ÉCHEC DE SA STRATÉGIE AU MOYEN-ORIENT

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps
            

          Ce sujet a été traité dans l’émission «Tous est dans la presse» de I24NEWS du dimanche 27 octobre 2013 avec la participation de Dror Even-Sapir et Emmanuelle Elbaz-Phelps (Télévision israélienne 10).


           
          Le premier ministre turc Tayyip Erdogan a du mal à se remettre de ses échecs au Moyen-Orient. L’équipée de la flottille a été un flop diplomatique puisqu’à ce jour il n’a pas réussi à mettre les pieds dans la bande de Gaza alors qu’il croyait être reçu en héros. Les embrassades avec Bachar al-Assad se sont transformées en combats sanglants à la frontière avec pour conséquence le réveil du nationalisme kurde.




Rupture avec les pays arabes


            Il est incontestable que sa vision politique a été entachée d’erreurs dont il paie actuellement le prix. Toutes les actions qu’Erdogan a initiées se sont retournées contre lui et son pays. En prenant la décision grave, et pour certains irréfléchie, d’abandonner brutalement l’alliance avec Israël, il a orienté ses visées vers l’Égypte avec la secrète volonté de remplacer Hosni Moubarak comme leader du monde arabo-musulman. 


          C’est donc naturellement qu’il a misé sur le nouveau pouvoir des Frères musulmans en tentant de leur vendre son modèle turc, alliant démocratie et islamisme. Il pensait exporter son système dans tous les pays de la révolution du Printemps arabe mais personne n'en a voulu. Le coup d’État militaire qui a destitué Mohamed Morsi a réduit à zéro ses ambitions régionales. Sans analyser, dans la stratégie du président Morsi, les raisons de l’échec des Frères musulmans, Recep Tayyip Erdogan a reporté la faute sur Israël, accusé d’être derrière la destitution du président Mohamed Morsi par l’armée. Il a exploité la même ficelle, habituellement utilisée par les pays arabes, consistant à prendre Israël comme exutoire.
Tarik Al-Hashémi

En fait le choix fait par les Turcs de tourner le dos aux Israéliens et de  miser sur la Syrie, l’Irak et l’Égypte s’est révélé être un échec cinglant. Après l’avoir soutenu, Erdogan a abandonné le président syrien Bachar al-Assad pour prendre le parti des rebelles. Il a démontré sa piètre capacité d’analyse politique puisque le camp des opposants à Assad s’est peu à peu effondré. Il a envenimé ses relations avec l’Irak en refusant d’extrader le vice-président irakien Tariq al-Hashémi et a misé sur le mauvais cheval en Égypte. Son paradoxe, en tant que rare pays musulman démocrate, a été d’établir des liens avec des dictateurs sans tenir compte des souhaits des peuples, conduisant à un vide quand ces dictateurs sont écartés du pouvoir.

Erdogan a trop exposé ses ambitions de prendre le leadership du monde arabe et il a donc indisposé les pouvoirs féodaux en place, réticents à le voir au sommet. Ils ne lui ont jamais pardonné de s’être compromis avec les Frères musulmans. D’ailleurs, dès le retrait de Mohamed Morsi, l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats ont annoncé la couleur en débloquant immédiatement vingt milliards de dollars à l’intention des militaires égyptiens alors que Morsi avait eu du mal à obtenir un prêt de 4 milliards auprès du FMI. Le Qatar lui-même, malgré ses accointances idéologiques avec les Frères, a maintenu ses 7 milliards de dollars déposés dans la Banque Centrale égyptienne pour aider le nouveau régime.

Les Saoudiens ont cherché à convaincre Erdogan de ne pas soutenir les Frères musulmans mais il avait fait preuve à leur égard d’une arrogance et d’une suffisance dont il a payé le prix. Il avait en effet  répondu : «comment oserez-vous parler de la défense de l'État islamique et de l'islam et des musulmans alors qu'on vient d'écarter un président musulman et de surcroit élu au terme d'une élection libre et transparente?» Ces divergences de vues ont rendu difficiles les relations de la Turquie avec l’Arabie saoudite. La sanction a été immédiate puisqu’il s’est retrouvé isolé dans un monde arabe qu’il voulait pourtant conquérir politiquement. 


Prudence des dirigeants palestiniens




Le président Mahmoud Abbas n’a pas suivi Tayyip Erdogan dans sa croisade contre Bachar Al-Assad et il vient de décider de rompre avec le front uni des rebelles syriens. Certaines indiscrétions font état de la signature d’un accord secret de coopération avec la Syrie, sous l’égide des Jordaniens, qui engage les combattants palestiniens intégrés à la rébellion syrienne à se retirer, ce qui modifie de manière notable le rapport de force en faveur d’Assad.

Les relations avec le Hamas ont été à l’avenant. Erdogan avait pourtant reçu le chef du Hamas à Ankara à l’occasion du congrès de l’AKP. Selon Al-Ahram la Turquie avait  conseillé au Hamas de ne pas se réconcilier avec le Fatah et de ne pas reconnaitre le nouveau régime militaire égyptien car une «telle reconnaissance porterait atteinte à la légitimité des Frères musulmans à travers le monde arabe et islamique». 
Mais cette stratégie a entrainé un isolement du Hamas qui se bat pour exister, qui souffre de la destruction des tunnels avec Gaza et qui a reçu une fin de non-recevoir de la part de l’Iran qui refuse la réactualisation de leurs relations bilatérales. Alors, Erdogan s’est engagé auprès de Khaled Mechaal, leader du Hamas, à lui fournir une aide financière pour assurer les salaires des fonctionnaires de Gaza et lui a même proposé de transférer son siège actuel du Qatar pour l’installer en Turquie. 
Erdogan et Mechaal

Les deux dirigeants sont en fait dans la même situation d’isolement depuis que le Qatar a réorienté son aide de 150 millions de dollars vers l’Autorité palestinienne. La volonté de la Turquie de s’opposer aux efforts de relance des pourparlers de paix donne l’impression qu’il ne s’agit plus d’option diplomatique mais d’un acharnement systématique contre Israël. Cela élimine tout espoir de retrouvailles entre les deux pays dans un proche avenir et discrédite la Turquie pour jouer un rôle actif dans le processus de paix israélo-palestinien.



Mauvaise humeur de la population turque



 De nombreuses voix s’élèvent actuellement en Turquie pour souhaiter le remplacement d’Erdogan à l’occasion des nouvelles élections. Les Turcs commencent à sentir leur économie fléchir avec le danger du réveil du nationalisme kurde. Leur comportement vis-à-vis des agents du Mossad qui se réunissait régulièrement à Istanbul n’a pas été apprécié par les Américains. La dénonciation auprès de l’Iran de ces espions d’origine kurde a causé des conséquences graves pour l’Occident. Les Américains sont convaincus que la perte d’un grand réseau d’espionnage en Iran a été volontaire de la part d’Erdogan qui cherchait en fait à frapper les Israéliens.
Drone predator

La réaction américaine a été immédiate puisque les États-Unis ont annulé l’accord de fourniture de 10 drones Predator à la Turquie qui se fournissait auparavant auprès des Israéliens. Les Américains sont respectueux de la sécurité d’Israël et l’épisode du Mossad a été fatal pour les Turcs. L’armée turque se trouve ainsi démunie face aux combattants kurdes qui veulent profiter de sa faiblesse pour réchauffer le front turc. Erdogan n’a jamais été si isolé et, à la veille de la reprise des négociations pour l’entrée de la Turquie au sein de l’Europe, de nombreux dirigeants turcs songent à changer la gouvernance dans l’intérêt du pays et des relations avec l’Occident. 

Cet article a été relayé par le site de l'Ambassade d'Israël en France :

http://nosnondits.wordpress.com/2013/10/28/erdogan-paie-lechec-de-sa-strategie-au-moyen-orient/

2 commentaires:

Pat Quartier a dit…

Il est rare que l'immoralité ne paie paie pas en politique ,du moins dans ses effets immédiats.
Erdogan a "fait tout faux".Il semble faire exception à la régle et c'est tant mieux.
Reste à se mefier d'un ennemi blessé.
Le mieux serait de le voir remplacé.
Mais cela n'est pas évident dans un pays islamisé surtout lorsque la population,majoritaire, la plus arriérée dans les campagnes est dans le giron d'un islam obscurantiste.

MARCO KOSKAS a dit…

Excellente analyse d'une politique dont on ne se rend pas bien compte à quel point elle compose un piteux échec. Mais il faut toujours en revenir à Obama, pour comprendre comment les dirigeants arabo-musulmans se fourvoient systématiquement. Le président américain a cru, de bonne ou de mauvaise foi, que les Etats-Unis devaient regagner l'amitié du monde arabo-musulman, et pour cela, il a choisi les pires moyens. En laissant tomber des alliés fiables comme Moubarak pour s'appuyer sur de fourbes imbéciles comme cet Erdogan. Si Obama ne lui avait pas accordé cette importance, en en faisant son interlocuteur privilégié au Moyen-Orient, il n'y aurait pas de problème turc aujourd'hui dans cette région. L'échec d'Erdogan, c'est l'échec cuisant d'Obama au Moyen Orient.