PALESTINE : UNE CONTAGION RISQUÉE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Stefan Löfven |
Après la Suède, c’est à présent à la Grande-Bretagne de faire preuve de velléité en votant une motion de reconnaissance de l’État de Palestine. Il s’agit peut-être de deux pétards mouillés mais ces décisions risquent de porter plus de tort aux Palestiniens qu’aux Israéliens.
Nouveau gouvernement
suédois
Le premier ministre
du centre-gauche de la Suède, Stefan Löfven, avait annoncé, sitôt son
gouvernement formé, le 3 octobre, que son pays allait reconnaître «l'État»
de Palestine. Il affiche ainsi la couleur de son nouveau gouvernement plus
favorable à la cause palestinienne que son prédécesseur qui s’alignait sur la
position des grands pays d'Europe de l'ouest.
Parlement suédois |
L'annonce, saluée par les
autorités palestiniennes, a suscité la réticence des États-Unis qui ont jugé la
démarche «prématurée». Cela n’est pas une première politique puisque 112
pays ont déjà reconnu «l'État de Palestine», parmi lesquels sept pays de
l'Union européenne : République tchèque, Hongrie, Pologne, Bulgarie, Roumanie,
Malte et Chypre. Mais
les fervents
partisans d’Israël - les États-Unis, le Canada, l’Australie et la plupart des
pays de l’Union européenne - ne l’ont pas fait.
Des contingences
politiques internes expliquent cette annonce suédoise subite. Le nouveau
gouvernement s’est allié aux Sociaux-démocrates et aux Verts réputés plus favorables
à la cause palestinienne. Cependant, il n’y a aucune innovation en la matière
puisque la Suède a toujours soutenu les Palestiniens tout en critiquant
systématiquement la politique israélienne qui mène, selon elle, le processus de
paix à une impasse. Ainsi donc la Suède a estimé qu’il fallait trouver, par cette motion, un levier
pour raviver le processus moribond et faire pression sur Israël en imposant une
discussion d’égal à égal, d’État à État.
Annonce
contre-productive
Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères au Quai d’Orsay avec son homologue suédois, Carl Bildt. |
Cette annonce pourrait
gêner les Palestiniens et être contre-productive car elle les pousserait à déclarer unilatéralement leur État
sans l’obtenir au terme de négociations bilatérales et internationales. Mais
elle pourrait susciter un effet d’entraînement en poussant d’autres pays
européens à imiter la Suède. La France serait tentée puisque, Laurent Fabius, ministère
des Affaires étrangères a expliqué «qu’il faudrait bien à un moment
reconnaître cet État de Palestine. Il est urgent de faire progresser la
solution des deux États et d’aboutir à l’établissement d’un État de Palestine,
vivant dans la paix et la sécurité, aux côtés d’Israël».
Mais la réaction immédiate
des Américains a incité les Suédois à moduler leur déclaration. Le gouvernement
israélien a violemment réagi par l’intermédiaire de son ministre des affaires
étrangères. Avigdor Lieberman a mis en doute la compétence suédoise en la
matière : «En ce qui concerne le premier ministre de la Suède dans son
discours inaugural sur la situation au Moyen-Orient, il ferait mieux de se
concentrer sur les problèmes les plus urgents de la région, tels que
l’assassinat en masse qui se déroule quotidiennement en Syrie, en Irak et
ailleurs dans le région».
L'ambassadrice de suède, Elisabet Borsiin Bonnier |
Certes Stefan Löfven a modéré ses propos
en faisant dire autour de lui que la Suède «n’allait pas reconnaître un État
palestinien demain matin et qu’il veut d’abord parler avec toutes les parties
concernées, y compris Israël, les Palestiniens, les États-Unis et d’autres pays
de l’UE.» Le nouveau ministre des Affaires étrangères de la Suède, Margot
Wallström, a ajouté à la confusion, générale : «Reconnaître la Palestine :
Une étape importante vers une solution à deux États. Les deux parties doivent
être respectée», sous-entendu Israël et l’Autorité palestinienne. Évidemment
le négociateur palestinien Saeb Erekat a glosé sur la décision suédoise: «nous
saluons l’annonce faite par le Premier ministre suédois».
Drapeau palestinien |
L’inconvénient majeur de
la déclaration suédoise réside dans la reconnaissance d’un État palestinien sur
une fraction seulement de la Palestine, ignorant ainsi la bande de Gaza et
mettant un terme au concept du droit au retour des Palestiniens de l’étranger. Par
ailleurs la nouvelle entité palestinienne ne disposera dans l’immédiat d’aucun
attribut d’un État, hormis le drapeau et l’hymne national, à savoir des
frontières délimitées, une monnaie reconnue et une armée légitime. Israël n’est
pas encore prêt à autoriser les Palestiniens à en disposer.
Cependant la décision suédoise peut être
contagieuse. Ainsi à la surprise générale, la
Chambre des Communes a enfourché le cheval suédois en votant le 13 octobre une
motion proposant de reconnaître la Palestine comme un État. La seule consolation
des Israéliens pourrait se trouver dans le faible taux de participation puisque
seule la moitié des 650 députés britanniques a accepté de débattre. À noter
cependant le résultat écrasant avec une motion adoptée par 274 voix contre 12.
Richard Ottaway |
Le soutien à cette
motion est venu de toutes parts, des travaillistes, des libéraux mais surtout
des conservateurs qui ont toujours été favorables à Israël. Ces derniers se
sont justifiés en critiquant la politique d’Israël visant à étendre les
implantations par de nombreux programmes de construction. Le Conservateur Richard Ottaway, président
de la Commission des affaires étrangères a exprimé sa position : «En
regardant en arrière au cours des 20 dernières années, je me rends compte
maintenant qu’Israël s’est peu à peu éloigné de l'opinion publique mondiale.
L'annexion des 950 hectares de la Cisjordanie, il y a quelques mois, m'a
scandalisé plus que toute autre chose dans ma vie politique. Dans des
circonstances normales, je me serais opposé à la motion, parce que le refus
palestinien de reconnaître Israël était apte à le disqualifier pour l'indépendance».
Si le
vote du Parlement britannique n’est pas contraignant et ne modifiera pas la
politique étrangère de la Grande-Bretagne, les Palestiniens peuvent se
glorifier d’une avancée symbolique bien
que le premier ministre David Cameron ait demandé à ses
ministres de s'abstenir. Il s’agit cependant d’un avertissement au gouvernement
israélien si le blocage du processus de paix persistait. Le prendre à la légère risque
de coûter à Israël de nombreux soutiens occidentaux.
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