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lundi 26 novembre 2018

La marine française au large de la Syrie face à la menace russe



LA MARINE FRANÇAISE AU LARGE DE LA SYRIE FACE À LA MENACE RUSSE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps

Le Dupuy-de-Lôme

Le Dupuy-de-Lôme est un navire collecteur de renseignements de la marine française, travaillant pour la direction du Renseignement militaire (DRM). Il vient de rejoindre dans les eaux syriennes, le porte-avions à propulsion nucléaire, USS Harry S. Truman. Ce navire a été spécialement étudié pour répondre au besoin du recueil de renseignements d'origine électro-magnétique (ROEM) depuis la mer : interception, analyse, goniométrie et écoute des communications radios (COMINT), interception, analyse et goniométrie des signaux radar (ELINT), pour des missions de longue durée.





Navire espion

C'est le premier navire de la Marine française conçu spécialement pour cette mission. Il est servi par deux équipages et a une disponibilité technique de 350 jours par an dont 240 à la mer. Chaque équipage est composé de 66 personnes (33 marins et 33 spécialistes du renseignement affectés) auxquelles peuvent se joindre jusqu'à 38 spécialistes du renseignement en fonction des missions.
Il est adapté pour servir de navire espion, dans un contexte international très troublé, marqué par l’émergence de réseaux terroristes tentaculaires, organisés en petites cellules autonomes et internationales. La protection de la France ne peut pas se limiter à la surveillance du territoire national car il faut intercepter les communications partout dans le monde. L’énorme avantage de ce navire est qu’il peut stationner dans les eaux internationales ; il choisit donc se positionner au meilleur endroit possible pour obtenir des informations très détaillées.
Le navire dispose d’équipements visibles, comme deux radômes entre les mâts, qui cachent des antennes paraboliques permettant de pointer un satellite et de capter ce qu’il envoie, d'un long mât avant en forme de fin cylindre, qui abrite un détecteur de radar ARBR 21, un intercepteur goniomètre de transmissions Elite, une antenne d’écoute et de goniométrie et de systèmes de transmission par satellite. Les données recueillies, courriels et communications, sont traitées et analysées en salles d’opérations par 78 spécialistes civils et militaires, issus de l’Armée de terre, de la Marine nationale et de l’Armée de l’air.
            Une collaboration existe entre Français et Américains car les renseignements recueillis par les avions de reconnaissance sont partagés par le Dupuy-de-Lôme. Les avions de l’US Air Force sont basés sur l’île de Crète et volent au dessus de la Syrie de manière régulière en captant toutes les conversations des centres de commandement russes et syriens. Ils filment les installations militaires pour partager les vidéos avec les alliés occidentaux, dont Israël bien sûr.

S300 russes

La livraison des S-300 russes à la Syrie a amené l’US Air Force à déployer ses chasseurs furtifs F-22 pour neutraliser les défenses anti-aériennes du pays. Mais les Russes prétendent que ces avions ne pourront pas échapper à leur système de défense aérienne. Les Etats-Unis en revanche, considèrent le déploiement des S-300 comme une «capacité symbolique» mais par mesure de précaution le Pentagone envisage d’employer ses F-22 et ses Vipers F-16CJ pour neutraliser, pour aveugler, pour supprimer ou pour détruire les défenses anti-aériennes de la Syrie.
En fait, l’US Air Force veut profiter de cette occasion pour analyser le comportement sur le terrain des S-300 en utilisant le F-22, un avion spécialement conçu pour supprimer et détruire les avions de combat. La technique est déjà éprouvée. Un ou plusieurs F-22 entrent sans être détectés dans la zone de couverture radar de l’ennemi, activent leurs systèmes de suppression électronique et commencent à bloquer les systèmes de détection et de guidage ennemis. En même temps, les avions effectuent des frappes contre les radars, les lanceurs et les postes de commandement. Une deuxième escadrille de chasseurs-bombardiers vient alors en renfort pour frapper les forces ennemies totalement aveuglées. Les attaques furtives neutralisent ainsi les défenses anti-aériennes.
Mais dans l’immédiat, le scénario consiste, non pas à frapper les défenses ennemies, mais à déterminer la zone de fonctionnement approximative des défenses anti-aériennes ennemies bien que les S-300 aient la capacité de se déplacer rapidement. Cependant les observateurs militaires sont convaincus que ni les Israéliens et ni les Américains n’attaqueront les S-300 tant que des spécialistes russes seront en poste. Israël envisage en revanche de les détruire dès qu’ils seront remis à l’armée syrienne. 


Mais le niveau d’entraînement au combat des forces syriennes reste insuffisant pour leur permettre de mettre en place un système de défense anti-aérienne en profondeur efficace dans tout le pays. La Russie risque donc sa réputation en tant qu’exportateur d’armes si Israël met en échec les nouvelles capacités de la Syrie. Mais en revanche l’arme est à double tranchant ; si l’US Air Force perd un F-22 alors les Etats-Unis subiront un préjudice considérable en termes de réputation.
La France doit effacer le fiasco de la flotte française, en avril 2018, suite aux «ratés» des tirs français au large de la Syrie. Des incidents «inexpliqués et graves» se sont produits lors de l’intervention française. La frégate multi-mission, l’Aquitaine, qui devait intervenir, avait été remplacée à la dernière minute parce qu’elle a été incapable de lancer ses missiles. Sa doublure, l’Auvergne, n’avait pas pu non plus faire partir ses ogives. Seule la frégate de réserve, le Languedoc, a réussi à envoyer sa première rafale. Trois missiles sur la douzaine disponibles en mer ont été tirés et des révélations ont fait état des difficultés sérieuses de l’aviation française pour utiliser tous ses missiles air-sol.
Frégate Aquitaine

Par ailleurs, les experts militaires mettent en avant les difficultés d’Israël à mener des opérations militaires au Proche-Orient car il doit prendre en compte la perte d’un avion russe dans le ciel syrien. Israël préfère temporiser avant de lancer un défi aux Russes car il tient tout d’abord à analyser les possibilités de la Russie d’élargir son bouclier de protection sur le territoire libanais, seul moyen de contourner les défenses syriennes. L’ancien ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, avait de toute façon prévenu qu'Israël n’abandonnera pas ses opérations en Syrie, malgré la livraison de systèmes de missiles S-300. Mais il est un fait que depuis le 2 novembre, l'armée de l'air israélienne n'a pas lancé d’attaque aérienne sur le territoire syrien.
La présence française au large de la Syrie est cependant un signe que la France veut être active dans le conflit syrien, au moins pour participer aux actions de ses alliés en collectant des données essentielles aux activités aériennes. En effet, le prochain chef d’État-major interarmées américain, le général Joseph Dunford, avait affirmé que la Russie posait «la plus grave menace, à court terme, pour la stabilité du monde entier». En fait depuis les «menaces croissantes de puissances révisionnistes qui, comme la Russie et la Chine, tentent de créer un monde compatible à leurs modèles autoritaires, la lutte contre les groupes terroristes djihadistes est passée au second plan».
général Mark Carleton-Smith

Le général Mark Carleton-Smith à la tête de la British Army, abonde dans le même sens : «La Russie aujourd’hui représente indiscutablement une menace bien plus grande pour notre sécurité nationale que les menaces extrémistes islamistes que représentent al-Qaïda et le groupe État islamique. Cette menace russe concerne des domaines non traditionnels, comme le cyberespace, l’espace et la guerre sous-marine. Dans le même temps, la menace islamiste s’est estompée avec la destruction de Daesh».
Il semble donc qu’il y ait concertation entre Israël et les alliés occidentaux pour faire face au danger croissant de la Russie au Moyen-Orient. Tsahal se sent ainsi moins seul.



7 commentaires:

David a dit…

Excellente analyse militaire ! Pourquoi donc, Poutine a-t-il pris le risque de défier Israël et les occidentaux en général ? Sont-ce des pressions de son état-major ? Bien malin qui pourra expliquer ce revirement russe ?

Jean CORCOS a dit…

Merci Jacques. Un article extrêmement bien documenté, à présenter aux propagandistes de bas niveau, qui "vendent" aux plus crédules dans notre communauté, le discours : "La France est en guerre contre Israël".

bliahphilippe a dit…

La France n'est pas en guerre contre Israel certes. Elle n'a pas envoyé de militaires en confrontation directe sur le terrain. Mais la france ou disons pour faire plaisir à certains ses elites au Quai d'Orsay agissent comme des ennemis d'Israel. La france est le seul pays européen dont ses représentants ont exprimé la théorie de la parenthése non entendue ailleurs dans le monde occidental et meme chez les russes. Les agissements constants de la france a l'ONU tendant a déligitimer Israel en s'alignant sur les positions les plus extremistes de nos ennemis le démontrent. La liste des récriminations pourrait etre tres longue. Pour rappel- trés, trop succinc- les déclarations fanfaronnesques de Mme Alliot-Marie mistre des des AE de Sarkozy menacant d'abbattre des avions israeliens survolant des zones au Liban entre les mains du Hezbollah.Et précédemment les esclandres volontaires de Chirac à Jerusalem ,les agissements et les petites phrases haineuses des principaux ministres des Couve de Murville a Cheysson en passant par Roland Dumas conseiller émérite d'Arafat.Les détails rempliraient un livre !! Une politque qui se refléte jusque dans son Consulat à Jérusalem si l'on évoquait le gangstérisme de certains de ses sous employés mélés à des affaires de traffic et de terrorisme pro palestiniens fait unique jamais répertoriés chez des pays amis Ceci dit l'armée francaise ,avec la police et des pompiers (si,si, les pompiers!) restent les rares derniers corps non hostiles a l'Etat hebreu. Par ailleurs la remarque de monsieur Corcos n'est pertinente dans le cadre de la politique anti russe de la france, cette politque n'ayant aucun lien avec Israel ce bateau aurait aussi bien sillonné la mer Baltique.

Jean CORCOS a dit…

Philippe Bliah, tous les faits que vous mentionnez sont exacts ... mais tout est mis sur le même plan : on a l'impression que vous condensez cinq décennies, des dizaines de gouvernements et autant d'évènements, où ce qui relève d'une vraie responsabilité gouvernementale est mis sur le même plan que des propos haineux de personnalités précises. Pour plus de nuances, je renvoie chacun à la lecture de l'excellent "Histoires secrètes France Israël 1948-2018" de Vincent Nouzille.

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Je ne vous cacherai pas que cet article m'a fait froid dans le dos !
En effet, de glissement en glissement, vous introduisez et à plusieurs reprises, dans la description d'outils de guerre performants qui font peser la menace d'une guerre dans cette région du monde, le mot "ennemi" qui sous-entendrait que nous sommes déjà en état de guerre sans qu'aucune guerre n'ai été, à ce jour, formellement déclarée .
Il ne nous reste donc plus qu'à espérer que votre discours ne sera pas performatif.

Très cordialement.

Jean TARANTO a dit…

Le Chef des armées maintient un haut niveau de défense face à l'hégémonie russe en Méditerranée et même au)delà puisque Poutine a relancé l'offensive en Ukraine et tente d'imposer aux pays baltes l'ordre ancien pour briser l'OTAN. Si Macron quittait le pouvoir, quelle qu'en soit la raison, la Russie et l'Iran se jetteraient sur les élections et le Parlement. via les réseaux, la presse et l'opinion qui est déjà à deux doigts de céder aux extrêmes qui font leur jeu et ne demandent qu'à pactiser avec les diables rouges et verts.
Non, la Russie n'est pas amie de la France et encore moins de l'Europe qui li a "volé" ses anciennes possessions slaves.

Patrick a dit…

Mais savons-nous si ce navire espion fonctionne aussi bien que les frégates qui devaient lancer des missiles sur la Syrie?