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vendredi 6 juillet 2018

Les menaces iraniennes nous ramènent à 1967



LES MENACES IRANIENNES NOUS RAMÈNENT À 1967
Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps

Soleimani au centre avec ses officiers

Les leçons de l’Histoire ne semblent pas perturber les Iraniens. En effet, comme en 1967 avec les Egyptiens, l’Iran veut les imiter en menaçant de bloquer le détroit d’Ormuz en cas de sanctions américaines sur ses exportations pétrolières. Donald Trump a décidé de s’attaquer aux Mollahs en réduisant les exportations pétrolières iraniennes représentant 2% de la demande mondiale. 
A compter du 4 novembre 2018, tout pays qui commercera avec l’Iran sera soumis à des sanctions américaines. Il ne fait aucun doute que des conséquences sur les prix du brut sont à prévoir car l’Arabie saoudite ne pourra pas compenser à la fois les ventes iraniennes et la baisse de production du Venezuela et de la Libye.



Rohani à Vienne

La Chine ne tiendra pas compte des menaces américaines, d’une part parce qu’elle est en mesure de ne jamais céder aux diktats étrangers et d’autre part parce que la croissance de son économie dépend de ses approvisionnements en pétrole iranien.  Le président iranien, Hassan Rohani, a déjà mis en garde les Occidentaux, le 4 juillet à Vienne, contre les conséquences d’un boycott des produits pétroliers exportés par son pays : «Les Américains disent qu’ils veulent réduire à néant les exportations pétrolières iraniennes. Cela montre qu’ils n’ont pas réfléchi aux conséquences de cette décision». 

Il a fait référence aux déclarations du général Qassem Soleimani, commandant de la force Al-Quds, l’unité d’élite des Gardiens de la révolution, qui menace de bloquer le détroit d’Ormuz, par lequel transitent 30% du trafic pétrolier mondial. Les monarchies sunnites du Golfe arabo-persique seraient ainsi les premières touchées.
Ce n’est pas la première fois que Téhéran menace de bloquer ce détroit. Il en était question en décembre 2011 en raison des sanctions contre son programme nucléaire. Les sanctions ont été adoptées par l’UE en janvier 2012 mais le détroit ne fut pas bloqué, non pas par la bonne volonté iranienne, mais par la pression dissuasive navale occidentale. Cela n’avait pas empêché la marine iranienne de harceler un navire américain avec des embarcations légères ce qui avait entraîné des tirs de semonce. Le commandant Bill Urban, de l’US Centcom, commandement militaire américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, a affirmé être en mesure de se frotter à la marine iranienne : «Les États-Unis et leurs partenaires apportent et défendent la sécurité et la stabilité dans la région. Ensemble, nous nous tenons prêts à assurer la liberté de navigation et la liberté du commerce partout où le droit international les autorisent».
Nasser en 1967

L’Histoire risque de bégayer. En mai 1967, après avoir procédé à d'importants mouvements de troupes dans le désert du Sinaï, l’Égypte de Nasser avait exigé le départ des forces de maintien de l'ordre de l'ONU qui s'y trouvaient depuis 1957. Elle imposa ensuite le blocus du détroit de Tiran qui sépare la mer Rouge du golfe d'Aqaba et qui donne accès au port israélien d'Eilat. Après un mois d'incertitudes et de négociations feutrées, Israël avait décidé de lancer une attaque préventive aérienne et terrestre le 5 juin 1967 contre l'Égypte. Il n’était pas question d’étouffer le deuxième port israélien qui lui donne une ouverture vers l’Asie.
En 1967 les Américains avaient peu réagi aux menaces égyptiennes, laissant Israël seul, ils ne sont pas prêts aujourd'hui à laisser l’Iran attenter au commerce de ses alliés arabes du Golfe sachant que près de 20 millions de barils sont transportés chaque jour dans le détroit d’Ormuz. Le président Rohani a pris en compte la menace de Soleimani de fermer le détroit d’Ormuz. Ismali Kowsari, l’un des commandants du Corps des gardiens de la révolution iranienne, a été plus direct, en déclarant que si les exportations de pétrole iraniennes étaient bloquées «nous ne permettrons pas l'envoi de pétrole à travers le détroit d'Ormuz . Il ne peut ignorer qu’il s’agit d’un casus belli. Les Américains sont conscients des implications d’une fermeture du détroit sur le marché énergétique mondial. Mais ils pensent par expérience que les Gardiens de la révolution lancent des menaces en l’air, sans les mettre en application.
La position du président Rohani est nouvelle car il cautionne les menaces des Gardiens de la Révolution, alliés de ses ennemis conservateurs. Cette attitude nouvelle ne peut s’expliquer que par la frustration et le désespoir du président face au retour imminent des sanctions américaines contre l'Iran. La direction iranienne commence à paniquer.
Marine rapide iranienne

Les Iraniens pourraient ne pas bloquer totalement le détroit d’Ormuz mais perturber les exportations pétrolières. Dans ce cas la situation pourrait faire réagir la Chine et l’Inde. A travers le détroit l’Iran a exporté, en juin 2018, 560.000 barils de pétrole brut et de gaz vers l'Inde et la Chine. Le Qatar serait lui-aussi touché puisqu’il exporte par an 3,7 milliards de pieds cubes de GNL (gaz naturel liquéfié) à travers le détroit.  Les prix subiront certainement un choc. Au 5 juillet 2018, le prix du baril de l'OPEP s'établissait à 74,62 dollars tandis que le prix du GNL était fixé à 11,6 dollars par million d'unités thermiques britanniques.
Les Américains ne plaisantent pas dans ce domaine et ils ne sont pas prêts à permettre un blocage d’Ormuz. Ils ont démontré que leurs menaces ne sont pas vaines. En avril 1988, ils avaient coulé la flotte opérationnelle de l'Iran quelques jours après qu'une frégate américaine ait été gravement touchée par une mine iranienne au large des côtes du Qatar.

Israël observe pour l’instant la situation et laisse les Américains prendre les mesures adéquates mais il a consolidé son dispositif militaire face à l’Iran qui peut aligner une flotte de sous-marins de fabrication iranienne ou russe, une flotte d’aéroglisseurs, de ROV (véhicules actionnés à distance), de navires de surface de différentes tailles, d’unités aéroportées comprenant plusieurs escadrons d’hélicoptères, des dragueurs de mines et un important arsenal de missiles antinavires. La flotte marine iranienne comprend également des sous-marins de poche de fabrication iranienne. L’Iran pourrait pratiquer la guérilla navale à coup d’opérations commandos, à l’instar du dernier coup de main contre une unité britannique au printemps 2007, durant lequel Téhéran avait réussi à capturer quinze marins anglais.
Joshan iranien

L’Iran a considérablement renforcé sa flotte militaire au cours de la dernière décennie, présentant ses nouvelles réalisations au cours de grandes manœuvres navales. L’Iran a présenté les derniers-nés de sa flotte, notamment le dernier torpilleur de patrouille, petit bâtiment efficace dans l’attaque de grands navires de guerre. Doté d’une technologie de pointe, pouvant atteindre une vitesse de pointe de 45 nœuds, le Joshan de même que son frère jumeau, le Peykan, disposent d’une redoutable puissance de feu. Patrouilleur lance-missiles, armé en supplément d’un canon sous-marin de 76 mm, à usage variable, appelé Fajr, il peut atteindre des cibles sous-marines et aériennes distantes de 19 km.
L’Iran a également développé sa coopération avec l’Érythrée et disposerait depuis décembre 2008 de facilités navales au port d‘Assab, sur la côte orientale de l’Afrique. Il y aurait déployé des bâtiments de guerre, y compris des sous-marins, et se place en mesure de neutraliser la navigation dans le Golfe et le détroit d’Ormuz. Djibouti, en guerre larvée contre l’Érythrée, abrite une base militaire permanente française, ainsi qu’une base des forces spéciales américaines et de l’État-major américain pour l’Afrique (Africom), le camp Lemonnier, visant à sécuriser le détroit de Bâb el Mandeb, à la jonction du Golfe et de la mer Rouge.
Dolphin

Par mesure de précaution, Israël a déployé des sous-marins Dolphin au large des côtes iraniennes à des fins de dissuasion. Dotés de missiles portant à 1.500 kms, trois submersibles se trouveraient déjà dans le Golfe persique et l’un d’entre eux devrait rester en permanence dans la région. Devant la menace non voilée, Israël veut maintenir une présence militaire permanente dans cette région. Les réservoirs de carburant des Dolphin permettent de couvrir des distances de plus de 10.000 kms, de passer plus de 50 jours à proximité des côtes iraniennes et d’être maintenu sous l’eau pendant une semaine. En effet, les nouveaux U 212 Dolphin possèdent une cellule de carburant avec un système indépendant de propulsion de l’air, qui leur permet de rester sous l’eau plus d’une semaine sans faire surface. Ils sont aussi à l’abri, difficiles à détecter pour les chasseurs iraniens des mers.
La question ouverte reste de savoir si l’Iran, dans une attitude suicidaire, accepte de s’engager dans un bras de fer avec les Etats-Unis, ou contre Israël, avec les mêmes conséquences que la Guerre des Six-Jours déclenchée par la fermeture du détroit.

4 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Quoi qu'on puisse penser du régime iranien, là où vous voyez des "menaces iraniennes" d'aucuns voient la menace des État-Unis qui, après dix-sept ans de guerres au Moyen-Orient ayant semé le chaos à peu près partout, s'apprêtent à s'en prendre à l'Iran, seul état musulman encore stable dans cette région.

Très cordialement.

Hamdellah ABRAZ a dit…

Le Monde a connu en Europe, un régime totalitaire, belliqueux , raciste, anti-sémite …… ce fut la 2ème guerre mondiale, à travers le nazisme allemand ; au même moment c’était son alter-égo, l’expansion japonaise en Asie, hégémonique et raciste à l’égard des autres peuples de la région… qui entraîna l’embrasement militaire en Extrême Orient. Actuellement, Il semble se dessiner, car les mêmes causes produisent les mêmes effets, que nous allons vers une déflagration militaire au Proche Orient, du fait que les causes sont réunies par l’Iran des mollah, autant totalitaire, belliqueux, anti-sémite et avide à vouloir faire main basse sur toute la région..

Avraham NATAF a dit…

L'Iran, aujourd’hui, est comme une bete blessée et imprédictible. Des échecs militaires, diplomatiques, economiques, une jeunesse qui en marre et une population appauvrie rendent ce gouvernement dangereux. Pas grand chose fonctionne normalement de l’Amérique du nord a l'Europe en passant par l'Asie et nous sommes a la veille de Ticha be av.

Gaston a dit…

A l'inverse de Me Arnaud, je considère l'Iran comme un êtes musulman non arabe, chiite, cherchant à dominer le moyen orient sunnite et de ce fait, provoquant le chaos en Irak, en Syrie et au Liban.
Cerise sur le gâteau, il veut rayer Israël de la carte.

Par ailleurs, c'est une dictature dès mollah qui réprime son peuple.

Et Me Arnaud évoque "un pays musulman stable"???