NETANYAHOU À MOSCOU POUR S’EXPLIQUER FACE
AU TANDEM TRUMP-POUTINE
Par Jacques BENILLOUCHE
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Benjamin Netanyahou rencontrera Vladimir Poutine à
Moscou le 11 juillet, pour la deuxième fois en un mois. Les services officiels des
deux dirigeants n’ont pas communiqué sur l’objet de cette réunion. Il est
certain cependant que la Syrie sera l’un des thèmes abordés, mais pas
uniquement. Le premier ministre israélien ne cesse d’exiger le départ des troupes
iraniennes et du Hezbollah de Syrie. Il souhaite ne plus avoir à bombarder les
convois d’armement iraniens à destination des islamistes. L’avenir de la Syrie
est en jeu alors que Bachar El-Assad a lancé une dernière offensive pour
écraser les bastions rebelles de la province de Deraa, proche de la frontière
israélienne.
Sergey Lavrov |
Le ministre russe des Affaires étrangères
Sergey Lavrov a rassuré, en partie Israël. Bien qu’il ait déclaré «absolument
irréaliste» le retrait complet de l’Iran de la Syrie, il a négocié
avec la Jordanie et les Etats-Unis le retrait des forces non-syriennes et le
redéploiement de l’armée régulière le long de la frontière israélienne. Les
Russes n’ignorent pas que les Iraniens constituent un facteur de nuisance dans
la région et un risque de guerre. Ce sont des alliés auxquels ils ne font pas
trop confiance car ils sont trop envahissants. Ils craignent de les voir s’infiltrer
parmi les populations musulmanes des républiques russes. Alors, ils tolèrent les
frappes aériennes de Tsahal contre des cibles iraniennes et ferment les yeux
sur la destruction d’une partie des systèmes de défense aérienne syriens qui avaient
visé des avions de combat israéliens.
Donald Trump et Vladimir Poutine ont prévu un
sommet le 16 juillet à Helsinki pour discuter de cette situation,
sachant que Trump exigera le retrait complet de l’Iran du territoire syrien.
Netanyahou reste méfiant à l’égard de Trump, craignant des décisions autoritaires
à l’encontre d’Israël. Il est convaincu
que les Etats-Unis et la Russie sont en mesure de résoudre les problèmes de la
région mais que rien ne se fera sans la coopération de l’autre. La
Russie est prête à mettre tous ses efforts pour résoudre le conflit
palestinien.
La réunion abordera un autre sujet sensible, le
plan de paix de Trump présenté par Jared Kushner lors de son déplacement au
Moyen-Orient. Netanyahou craint d’être mis à l’écart des discussions des Grands.
Il est cependant plein d’espoir car la décision de transférer l’ambassade
américaine à Jérusalem a braqué les Palestiniens qui refusent dorénavant la
médiation des États-Unis. Mais ils peuvent difficilement se passer de l’aide
financière américaine et s’opposer aux quatre principaux pays arabes, l’Égypte,
l’Arabie, les Émirats et la Jordanie, qui soutiennent le projet.
Sergey Vershinin |
Les gesticulations politiques internationales
ont donc commencé. Le vice-ministre des Affaires étrangères, Sergey Vershinin,
a participé à une réunion du Comité des Nations Unies sur les contributions à l’Unrwa
(l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de
Palestine dans le Proche-Orient) et a insisté pour maintenir le financement
malgré la réduction de la contribution américaine : «Le
financement de l'agence, qui remplit une fonction humanitaire importante pour
les réfugiés palestiniens, est favorable au règlement du Moyen-Orient».
Mikhail Bogdanov |
L’autre vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhail
Bogdanov, représentant spécial du président de la Fédération de Russie pour le
Proche Orient, a reçu le 25 juin une délégation du Hamas dirigée par Moussa Abu
Marzouk, membre du bureau politique du Hamas. Il a abordé les moyens d’alléger
le blocus de Gaza et de réduire les sanctions. Le lendemain il a rencontré
l'ambassadeur d'Israël Gary Koren pour discuter «des perspectives du
processus de règlement israélo-palestinien et des questions importantes liées
au développement cohérent des relations bilatérales entre la Russie et Israël».
Une rencontre entre Sergueï Lavrov, et le secrétaire
d'État américain Michael Pompeo, est prévu pour préparer le sommet présidentiel
qui devrait inscrire le processus de paix au Moyen-Orient à l'ordre du jour. Netanyahou
est conscient que la Russie a réussi à devenir le seul État accepté par les
deux protagonistes du conflit. Un partenariat entre les États-Unis et la Russie
pourrait permettre de sortir de l'impasse.
Le plan américain pour la paix au Moyen-Orient
inquiète les Israéliens. Les responsables égyptiens, saoudiens, émiratis et
jordaniens ont confirmé à Jared Kushner et à Jason Greenblatt, envoyé américain
dans la région, leur soutien à «l'affaire du siècle». Ils ont par
ailleurs déploré l'insistance d'Abbas à refuser de les rencontrer ce qui pousse
les quatre pays arabes à ne plus s’opposer à toute tentative de Washington de passer
outre les intérêts d'Abbas.
Les Égyptiens ont ainsi déclaré : «En dépit des erreurs stratégiques commises par Abu Mazen, Kushner et Greenblatt ont été informés, sans ambiguïté, que les Palestiniens méritent un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale. Kushner a accepté la demande des pays arabes et a clairement indiqué, lors de ses rencontres avec le roi Abdallah et le président Al-Sissi que les intérêts des Palestiniens ne seront pas bradés. Le refus persistant d'Abbas de travailler avec les Américains conduira à un plan de paix régional lancé sans lui».
Kushner et al-Sissi |
Les Égyptiens ont ainsi déclaré : «En dépit des erreurs stratégiques commises par Abu Mazen, Kushner et Greenblatt ont été informés, sans ambiguïté, que les Palestiniens méritent un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale. Kushner a accepté la demande des pays arabes et a clairement indiqué, lors de ses rencontres avec le roi Abdallah et le président Al-Sissi que les intérêts des Palestiniens ne seront pas bradés. Le refus persistant d'Abbas de travailler avec les Américains conduira à un plan de paix régional lancé sans lui».
Kushner et le roi de Jordanie |
Le plan de paix de la Maison Blanche, présenté
comme «l'affaire du siècle», n’a pas été dévoilé mais Netanyahou a été
en permanence tenu au courant de son contenu par l’administration de Trump. Par
ailleurs, de nombreux détails ont été divulgués par la presse. Le premier ministre sent qu’il
sera contraint à des concessions mais il se rassure parce que les Palestiniens n’approuveront pas le plan. Il part donc à Moscou pour avoir un soutien ferme de
Poutine qui a intérêt à de bonnes relations avec Israël. Le plan Trump sera
certainement rejeté d’autant plus que la situation médicale de Mahmoud Abbas le
laisse en retrait. Les Américains misent d’ailleurs sur son inactivité politique,
voir son départ, pour faire avancer les choses.
Le plan de Trump prévoit la cession de 11% de
la Cisjordanie aux Palestiniens alors que les Israéliens n'avaient proposé dans les négociations précédentes que
6,5%. Les zones palestiniennes seraient démilitarisées et Israël contrôlerait
les frontières et l'espace aérien. Israël et les Palestiniens auront alors à
négocier le statut des implantations illégales en Cisjordanie. Les Américains
ont rejeté tout principe de droit au retour des réfugiés palestiniens, que ce
soit en Israël ou dans les territoires palestiniens. Le plan
Trump est censé attribuer la majeure partie de la zone C à Israël.
L'annonce du plan de paix pourrait être programmée
pour coïncider avec de nouvelles mesures pour Gaza et les hauteurs du Golan. Des
rumeurs persistantes font état de pressions sur le Caire pour que les
Palestiniens de Gaza s'installent au Sinaï, au moins pour travailler et contrer
les djihadistes, avec pour objectif de transférer progressivement la responsabilité
de la bande de Gaza à l'Égypte. Cette option est inacceptable pour les Palestiniens
car la création d'un État dans la Palestine historique serait alors compromise.
Enfin, l'administration Trump pourrait être prête à reconnaître la souveraineté
israélienne sur le Golan.
La Maison Blanche ne semble plus favorable à la
«solution à deux États» ou du moins elle ne la répète plus. La question du statut final de Jérusalem est
la plus sensible. Pour les uns le projet de loi sur le Grand Jérusalem
vise à annexer plusieurs implantations à la municipalité de Jérusalem pour
inclure les 150.000 habitants juifs transformés en résidents de Jérusalem. Pour
d’autres les 100.000 Palestiniens qui sont du «mauvais côté du mur» seront pratiquement exclus de Jérusalem. Dans ce cas Jérusalem deviendrait capitale
exclusive d'Israël tandis que la ville d'Abu Dis, à 4 km à l'est de Jérusalem,
deviendra la capitale palestinienne. Cette décision serait contrebalancée par
l’annexion de Maale Adoumim et de ses 40.000 habitants juifs. Mais, bien que Abu Dis soit
un village peuplé de 13.000 Palestiniens, on peut difficilement imaginer qu’il
puisse fonctionner en tant que capitale d'un État palestinien.
L'administration Trump a des moyens
de pressions financiers. Elle a déjà réduit le financement de l'Unrwa, qui
s'occupe de plus de deux millions de réfugiés palestiniens. Elle envisage même de
retirer plus de 200 millions de dollars de financement à l'Autorité
palestinienne. Elle compte sur ses amis arabes pour convaincre les Palestiniens. Le
président de l’autorité s'est vu remettre un document de 35 pages émanant des
Américains lors de sa visite en Arabie saoudite en novembre dernier, avec l'ordre
de l'accepter ou de démissionner.
Netanyahou est cependant intéressé par le
troc qui est proposé. En échange de l'adhésion des États arabes au plan de
Trump, Washington lancera une politique draconienne envers l'Iran pour limiter
son influence dans la région. Les États arabes comprennent qu'ils doivent
d'abord désamorcer la question palestinienne avant de pouvoir être perçus comme
travaillant en étroite collaboration avec Israël et les États-Unis dans leurs
relations avec Téhéran. Netanyahou a donc besoin de contrebalancer cet axe arabe
en se rapprochant de Vladimir Poutine.
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