FATAH ET HAMAS VEULENT RENOUER AVEC LA SYRIE
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Contretemps
Haniyeh et Assad |
Le 24 février 2012, les dirigeants du Hamas avaient décidé de se retourner publiquement contre leur allié de longue date, le président syrien Bachar al Assad, en prenant position en faveur des rebelles qui voulaient renverser son régime dynastique. Ce revirement politique avait privé Assad d’un rare partisan sunnite du monde arabe et avait accru son isolement international. La publicité pour cet événement de rupture n’avait pas été ménagée. L’annonce avait été faite par des discours publics lors des prières du vendredi au Caire et lors d'un rassemblement à Gaza. Le Hamas se justifiait alors car l'armée d'Assad, largement dirigée par des membres de la secte alaouite du président, avait écrasé des manifestants et des rebelles sunnites.
Alors que
le Moyen-Orient était divisé entre l'islam chiite et l'islam sunnite, la
rupture posait la question des futurs liens du Hamas avec son principal soutien
iranien, allié de son allié Assad, ainsi qu'avec le Hezbollah au Liban. Ismail
Haniyeh, en visite en Égypte à la mosquée al Azhar, le plus haut lieu
du monde sunnite, avait fait une déclaration jugée imprudente
aujourd’hui : «Je salue toutes les nations du Printemps arabe et
je salue le peuple héroïque de Syrie qui lutte pour la liberté, la démocratie
et la réforme. Nous marchons vers la Syrie, avec des millions de martyrs».
Haniyeh, Mechaal et le président égyptien Morsi |
La scission
sunnite-chiite s’étant aggravée, le Hamas avait fait le choix des puissants
islamistes sunnites Frères musulmans, basés en Égypte, en pleine ascension
depuis les révoltes du Printemps arabe. Le Hezbollah chiite, qui soutient la
famille Assad, s’était alors trouvé le dos au mur. L’embarras du Hamas fut
profond. Un de ses dirigeants, Salah al-Bardawil, avait enfoncé le clou en s’adressant
aux milliers de sympathisants lors d'un rassemblement dans le camp de réfugiés
de Khan Younes : «Le cœur du peuple palestinien saigne avec
chaque goutte de sang en Syrie. Aucune considération politique ne nous fera
fermer les yeux sur ce qui se passe sur le sol syrien». C’était il
est vrai l’époque ou le régime syrien était chancelant et où l’on n'imaginait pas la survie d’Assad.
Le divorce entre le
Hamas et Damas durait depuis que le groupe palestinien avait refusé de tenir
des rassemblements publics dans les camps de réfugiés palestiniens en Syrie pour
soutenir le régime d’Assad. D’ailleurs le chef politique du Hamas de l’époque, Khaled
Mechaal et ses collaborateurs, avaient quitté discrètement leur quartier
général à Damas pour s’éloigner de la Syrie, dans une forme de condamnation du
régime.
Les relations entre le
Hamas et le Hezbollah ont été bonnes jusqu’à ce que le Hamas refuse d’attaquer Israël
qui combattait la milice libanaise en 2006 ; dans une sorte de réplique
politique, le Hezbollah n’avait pas appuyé le Hamas quand Israël avait lancé une
offensive majeure contre Gaza durant l'hiver 2008-2009. A cela s'ajoutaient les nombreuses
autres péripéties qui attestaient des divergences entre rivaux Hamas et Fatah qui se
sont accrues.
Camp de Yarmouk |
La situation a
tellement évolué que le Fatah et le Hamas tentent de renouer à présent leurs
liens avec la Syrie qui reste très rancunière et qui semble
favoriser le Fatah de Mahmoud Abbas, moins mouillé par la révolution syrienne.
Une délégation du comité exécutif de l’OLP,
dirigée par Azzam Al Ahmad, et comprenant 14 factions palestiniennes, s’est
rendue le 9 juillet à Damas pour discuter de la situation politique et du camp
de réfugiés de Yarmouk où vivaient 160.000 Palestiniens avant le déclenchement du conflit. Les Palestiniens
ont tous fui le camp lorsqu’Assad s’était vengé de la position du Hamas prise contre lui et avait tenté d’éradiquer le camp palestinien qui n’abrite plus
aujourd’hui que 6.000 Palestiniens.
Faisal al-Miqdad |
Le 10
juillet la délégation a été reçue par le vice-ministre syrien des Affaires
étrangères, Faisal al-Miqdad, qui a confirmé le soutien de la Syrie à la cause
palestinienne. Le 11 juillet, la délégation a rencontré le Premier
ministre syrien Imad Khamis à Damas pour discuter des événements régionaux
et de la guerre contre le terrorisme.
Le même
jour, le chef de la délégation de l’OLP, Ahmad, a rencontré d’autres factions
palestiniennes, le FPLP (Front populaire de libération de la Palestine) et le FDPLP
(Front démocratique pour la libération de la Palestine), à l'ambassade de la
Palestine à Damas pour discuter de l'état de la cause palestinienne.
Tombes de Yarmouk |
Déjà en
juin 2018, une autre délégation conduite par Samir Rifai avait visité les
tombes des victimes palestiniennes dans le camp de Yarmouk à Damas. Tous les
leaders des factions palestiniennes étaient présents, à l'exception du Hamas.
Il s’agissait d’envisager la reconstruction du camp de Yarmouk, en grande
partie détruit par les combats avec l’armée syrienne.
De son
côté le Hamas ne veut pas laisser le champ libre au Fatah, son concurrent,
sinon son adversaire. Il veut reprendre les liens avec Assad. Le 11 juin,
Ismail Haniyeh, chef du bureau politique, a falsifié l’Histoire de son
parti : «Le Hamas n’a pas rompu les relations avec la Syrie, mais les
circonstances ont conduit à la situation actuelle. Nous considérons qu'il
s'agit d'un État frère, dont le peuple et le régime ont défendu les droits des
Palestiniens. Nous espérons que la paix civile reviendra en Syrie». Khaled Mechaal a oublié lui aussi sa fuite
de Damas : «notre mouvement s'était rangé du côté du peuple
syrien mais n'a jamais oublié ce que le régime syrien avait fait pour lui et a
préféré rester neutre».
Le 21 mai,
Yahia Sinwar n’a pas voulu être en reste : «le Hamas rejette
toute agression israélienne contre la Syrie». Enfin un autre
dirigeant du Hamas Mahmoud Mardawi, a déclaré : «Le Hamas regarde
la Syrie d'un point de vue géostratégique. La Syrie est importante pour le
mouvement pour développer son soutien militaire. Nous ne pouvons pas nier ce
que la Syrie a fait pour nous et cela mérite nos remerciements pour le soutien
qu'elle a apporté à la cause palestinienne. L'Iran et le Hezbollah pensent
que la reconstruction de nos liens avec la Syrie est d'une grande importance
opérationnelle. Pourtant, une visite en Syrie doit encore faire partie de
l'agenda du leadership du Hamas».
Que d'éloges pour un pays qu'ils avaient rejeté sans ménagement ! Ils ont
ainsi tous fait marche arrière et brûlé leur mémoire. Mais Bachar al Assad n’est pas dupe et sa
mémoire n’a pas flanché ; il a déclaré le 13 juin en faisant
référence au Hamas : «des groupes de la résistance palestinienne
exploitaient la résistance pour atteindre des objectifs politiques au nom de la
religion».
En fait, la Syrie a toujours été irritée par l’attitude du Hamas parce qu’il n’a jamais pris une position franche et claire. En revanche, le Fatah a toujours soutenu Bachar Al Assad qui se sent d'ailleurs très proche de ce parti laïc. Le Hamas a eu le tort d’être imprévoyant et de ne pas ménager l’avenir. Il en paie aujourd’hui les conséquences, même s’il va pouvoir se rabattre sur l'amitié avec l’Iran. D'ailleurs le réchauffement de la frontière avec Gaza est un gage offert aux Iraniens pour prouver la bonne volonté du Hamas et surtout un avertissement à Mahmoud Abbas que rien ne se fera sans l'approbation des islamistes de Gaza même s'il renoue avec la Syrie.
Israël se satisfait des rivalités entre les deux clans car cela repousse aux calendes grecques la création un Etat palestinien englobant la Cisjordanie et Gaza.
En fait, la Syrie a toujours été irritée par l’attitude du Hamas parce qu’il n’a jamais pris une position franche et claire. En revanche, le Fatah a toujours soutenu Bachar Al Assad qui se sent d'ailleurs très proche de ce parti laïc. Le Hamas a eu le tort d’être imprévoyant et de ne pas ménager l’avenir. Il en paie aujourd’hui les conséquences, même s’il va pouvoir se rabattre sur l'amitié avec l’Iran. D'ailleurs le réchauffement de la frontière avec Gaza est un gage offert aux Iraniens pour prouver la bonne volonté du Hamas et surtout un avertissement à Mahmoud Abbas que rien ne se fera sans l'approbation des islamistes de Gaza même s'il renoue avec la Syrie.
Israël se satisfait des rivalités entre les deux clans car cela repousse aux calendes grecques la création un Etat palestinien englobant la Cisjordanie et Gaza.
1 commentaire:
Chalom, c'est un très bon article qui nous dévoile une foi encore, toute l'hypocrisie habituelle de ces gens là ! Quel travail d'écoute de la part des services du Mossad et des annexes de la C.I.A..heureusement qu'ils sont là pour la sécurité d'ISRAEL, car cette région est un véritable sac de noeuds...
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