LES PUISSANTS LOBBIES
PRO-ISRAÉLIENS
Par Jacques BENILLOUCHE
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Contretemps
L’arrivée
de Donald Trump au pouvoir a fait émerger de nouveaux lobbies pro-israéliens en
plus du lobby historique AIPAC : les Évangélistes chrétiens, la droite
alternative, et l’Arabie saoudite. Ces lobbies exercent une puissance et un
pouvoir d’influence sans précédent. Ils ont obtenu le déménagement de
l’ambassade américaine à Jérusalem en étant en phase avec le premier ministre
Benjamin Netanyahou. Mais ils ont cette caractéristique de tenir compte, d’abord
des intérêts israéliens, avant les priorités proprement américaines ;
parfois ces deux intérêts se recoupent.
A
chaque visite d’un premier ministre israélien, il est reçu au Congrès avec une
ferveur exceptionnelle ; c’est un rituel aux Etats-Unis. Mais le
chroniqueur du New York Times, Thomas Friedman, pourtant longtemps ardent
défenseur d’Israël, estime que l’ovation qu’il reçoit «a été achetée et
payée par le lobby israélien». Le
Congrès n’ovationne pas forcément la politique israélienne et encore moins la
personnalité du premier ministre parce que les lobbies pro-israéliens «maîtrisent
parfaitement les techniques d’intimidation politique». Il est un fait
qu’au moment des élections, ces groupes de pression disposent de fonds
illimités pour soutenir ou neutraliser un candidat au Congrès. Chaque prétendant
doit donc composer pour éviter de se retrouver face à un adversaire mieux ou
plus financé que lui.
L’exemple
de Donald Trump est éloquent et significatif de la puissance des lobbies face
aux plus grands. Au début de sa course à l’investiture, les observateurs
politiques ne lui donnaient aucune chance. Il a donc été contraint de financer
lui-même sa campagne mais parallèlement il s’est totalement libéré des
donateurs et a donc usé de toute sa liberté de parole. Il en a usé et abusé. On
se souvient ainsi des propos critiques à l’égard d’Israël. Il avait promis de
rester «neutre» sur le conflit israélo-palestinien. Il se posait même la question sur
l’opportunité de poursuivre l’aide militaire de plusieurs milliards de dollars
versée à Israël. Il avait appuyé la solution à deux États et refusé à l’époque
de s’engager à reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël.
Avec Sheldon Adelson et sa femme |
Il
a dû vite réviser sa position quand il a compris qu’il avait besoin de beaucoup
de financements pour aller au bout de sa candidature. C’est là qu’intervint le
faiseur de roi du parti républicain, Sheldon Adelson, juif milliardaire,
propriétaire de casinos et soutien indéfectible de Netanyahou et des
ultra-nationalistes à travers son quotidien israélien gratuit, Israël Hayom,
qui ne roule que pour la droite israélienne. Il avait offert 35 millions de
dollars à Trump pour sa campagne et pratiquement imposé David Friedman comme
ambassadeur en Israël. Il a été récompensé en obtenant une place de choix parmi
les invités d’honneur, lors de l’inauguration de l’ambassade américaine à
Jérusalem.
Peu
nombreux sont ceux qui acceptent d’affronter le lobby. Ils savent qu’ils
mettent leur avenir politique en jeu. D’ailleurs même Barack Obama a dû rétropédaler
dans sa confrontation avec Netanyahou après lui avoir demandé de limiter les
implantations juives illégales en Cisjordanie. Le premier ministre israélien n’était
fort que derrière le poids du lobby.
Richard Spencer |
Mais
sous Trump d’autres lobbies ont émergé. Celui des Évangélistes chrétiens et de la droite alternative s’est montré le plus actif.
Il est difficile d’expliquer pourquoi les dirigeants de l’extrême-droite
américaine, parfois d’obédience néo-nazie, ont adoubé Israël. Leur leader Richard Spencer se qualifie
lui-même de «sioniste blanc». Il se justifie en
affirmant qu’Israël est devenu une forteresse, une incarnation d’une communauté
exclusivement juive. C’est ainsi que plusieurs personnalités de ce courant ont
été promus dans l’administration de Trump, à savoir Steve Bannon, Stephen
Miller, Michael Flynn, Julia Hahn et Sebastian Gorka. Mais certains n’y sont
pas restés longtemps, eu égard à leurs positions extrémistes.
Trump entouré des Evangélistes |
Les
Évangélistes ont à présent plus de poids, à l’instar du vice-président et
fervent chrétien Mike Pence, depuis qu’ils ont compris qu’ils pouvaient influer
sur la politique de Trump. Par fanatisme, ils soutiennent le dogme du Grand
Israël qui consiste à intégrer la Cisjordanie à Israël mais pas pour des
raisons politiques. Les sionistes chrétiens sont des illuminés qui sont
convaincus qu’ils peuvent aider à accomplir la prophétie divine de la seconde
venue du Messie. C’est pourquoi ils font tout pour renforcer Israël. Ils
ont d’ailleurs été honorés par Donald Trump, et par Israël en même temps,
puisque deux de leurs pasteurs évangéliques, qui avaient proféré des propos
antisémites, John Hagee et Robert Jeffress, ont joint leurs bénédictions à la
cérémonie d’ouverture de la nouvelle ambassade.
MBS et Trump |
Un
nouveau lobby s’est constitué depuis l’alliance, qui n’est plus secrète, entre
Israël et l’Arabie. Jusqu’alors le lobby pétrolier américain faisait contrepoids
au lobby israélien. Mais Trump a développé des liens étroits avec les Saoudiens
pour leur vendre des armes et revitaliser l’économie des États-Unis. Lors d’une
visite du prince héritier MBS (Mohammed ben Salmane) aux États-Unis en mars,
Trump n’avait pas hésité à déclarer : «L’Arabie saoudite, nation très
riche, va, nous l’espérons, faire bénéficier les États-Unis d’une partie de son
abondance, sous la forme d’emplois et en acquérant les meilleurs équipements
militaires au monde». Parallèlement Israël et l’Arabie se sont retrouvés au
sein d’une cause commune, contre l’Iran et ses alliés chiites en Syrie et au
Liban, au point de réussir à convaincre Trump de mettre fin à l’accord
nucléaire de 2015. L’Arabie souhaite plus, qu’il attaque l’Iran pour éradiquer
toute menace chiite.
Mais
rien n’est immuable en politique et tout peut changer pour Israël car les
progressistes gagnent du terrain aux Etats-Unis. Bernie Sanders progresse dans
l’opinion et se lance à nouveau dans la course à l’investiture démocrate pour
la présidentielle. La montée en puissance du mouvement BDS (Boycott,
désinvestissement et sanction) s’effectue dans l’indifférence occidentale. La
désaffection croissante des jeunes juifs américains envers Israël, et les
critiques américaines croissantes à l’égard de la politique israélienne
deviennent une source sérieuse de préoccupation. Les lobbies risquent donc d’être
dépassés.
1 commentaire:
Bon article, mais du fait de son titre (le mot "lobby" est très polémique) je crains qu'il ne soit récupéré et instrumentalisé par les anti-israéliens nombreux sur le web. Vous auriez pu titrer "Les multiples soutiens d'Israël aux USA".
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