LE BEST-OF DES ARTICLES LES PLUS LUS DU SITE, cliquer sur l'image pour lire l'article


 

lundi 18 juin 2018

Les Iraniens résisteront-ils aux sanctions américaines ?



LES IRANIENS RÉSISTERONT-ILS AUX SANCTIONS AMÉRICAINES ?

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright ©  Temps et Contretemps

    

          Les sanctions américaines prendront du temps avant d’être appliquées car de nombreuses dispositions doivent être prises au préalable. La bureaucratie et les techniques d’investigation nucléaire ralentissent le processus. Les Américains doivent par ailleurs faire le point des usines nucléaires volontairement mises en veilleuse. Selon l’AIEA, les Iraniens ont respecté les injonctions imposées.




Iran usine d'Arak

         En particulier, la construction du réacteur à eau lourde d’Arak avait été arrêté par les Iraniens tandis que les centrifugeuses IR-40 n’ont pas été réactivées dans le site. Le combustible nucléaire d’Arak avait été conservé en lieu sûr, sous le contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique. La production d’eau lourde à Khondab avait cependant été poursuivie avec 16 tonnes par an avec l’accord de l’AIEA qui, le 11 février 2018, avait contrôlé le stock total d’eau lourde s'élevant à 118 tonnes. L'Agence a précisé que l’Iran n'a exercé aucune activité suspecte au-delà des limites imposées par le PAGC. Reste en suspens bien sûr la  question des installations nucléaires secrètes.




            À Natanz, 5.060 centrifugeuses IR-1 sont toujours installées et fonctionnent pour extraire 3,5% de l'uranium naturel faiblement enrichi selon de vieilles méthodes périmées. Une grande partie avait été détruite par le virus Stuxnet, conçu par Israël. Le reste du matériel en état de fonctionnement produit 300 kilos d’uranium faiblement enrichi. A Fordo, six cascades de centrifugeuses totalisant 1.044 unités sont encore en activité, sous contrôle permanent de l’AIEA. Pour l’Agence, l’Iran s’est plié aux exigences du JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action). 
            De nouvelles sanctions vont être appliquées par le président Trump. L’achat et l’utilisation de dollars américains par l’Iran et ses citoyens seront interdits. Le commerce de l'or et des minéraux précieux par l'Iran sera prohibé tandis que les entreprises américains n’auront plus le droit de vendre à l’Iran de l’'aluminium, de l’acier et du charbon ainsi que des logiciels. Le secteur automobile sera touché alors que l’Iran a fabriqué 1,5 million de voitures en 2017. Les sanctions frapperont l’exportation des tapis iraniens et des pistaches.
            La production de pétrole de 3,8 millions de barils/jour sera réduite de 20% ce qui en termes financiers se traduira par une perte de plus de 1,5 milliard de dollars chaque mois. Mais les sanctions risquent d’avoir moins d’impact qu’en 2012 car il y a un désaccord entre les Etats-Unis et l’UE. Par ailleurs, la demande de pétrole augmente face aux restrictions de  l’OPEP, à la crise au Venezuela et à la forte demande russe.
Khalid Al-Falih

            Les entreprises étrangères seront plus touchées que les iraniennes : Boeing, Airbus, General Electric, Total, Volkswagen, et Psa. Seul Renault a décidé de passer outre aux sanctions et de rester en Iran. Le pays gagnant sera certainement l’Arabie saoudite qui va appuyer ces sanctions en compensant le pétrole iranien et en s’engageant à maintenir la stabilité du marché pétrolier. Le ministre saoudien de l’énergie, Khalid al-Falih, l’a confirmé.  En revanche, les producteurs de pétrole et de gaz de schiste américains trouveront leur compte avec un niveau d'extraction de 11,9 millions de barils/jour.
L’économie iranienne venait à peine de se relever des précédentes sanctions mais elle est aujourd’hui à nouveau vulnérable avec le risque d’une grogne de la population. Du 28 décembre 2017 au 1er janvier 2018, l’Iran a déjà été en proie à des manifestations massives pour des raisons purement socio-économiques plutôt que politiques. Les nouvelles sanctions vont favoriser la corruption, le chômage et l’inflation. L’économie iranienne se portait mieux puisque qu’avec une croissance moyenne de 0,8% entre 2010 et 2015, la croissance du PIB était passée à 3,3% en 2017.  Le potentiel économique du pays sera à nouveau mis à mal. 

Mais cette croissance avait été portée par le secteur pétrolier. La levée des sanctions a permis à la production d’atteindre son plus haut niveau des sept dernières années avec 3,8 millions de barils/jour. Avec les sanctions le plafond tomberait à 1 million. Or les finances publiques dépendent du secteur pétrolier. La baisse des recettes et la hausse des dépenses publiques porteraient un coup fatal à l’économie. L’application du système américain d’extra-territorialité, consistant à interdire à une entreprise étrangère de commercer avec l’Iran, aura pour effet de brider l’économie dépendant des exportations de matières premières. La monnaie iranienne, le Rial, a dégringolé de 26% en six mois face au dollar et cela risque d'être plus grave encore.
Manifestation en Iran décembre 2017



La levée des sanctions en 2016 avait fait passer le taux de croissance de -1,6% à +13,4%. Les sanctions auraient immédiatement l’effet inverse. L’Iran comptait sur la stabilisation de la croissance pour soutenir son économie, pour stimuler l’emploi et la productivité. L’inflation risque à nouveau de croitre alors qu’elle était passée de 40% à 10%. La population ne pourrait pas rester passive face à la dégradation de ses conditions de vie. Déjà le taux de chômage atteint 11,4%, largement sous-évalué selon les experts. Déjà, en décembre 2017, la présentation du budget par le président Rohani avait suscité un vent de révolte dans les classes populaires qui subissaient la hausse du prix des carburants et la suppression de certaines subventions. 
Les nouvelles sanctions imposées par Donald Trump créeront certainement un choc interne qui pourrait être catastrophique pour le pays. C’est d’ailleurs l’objectif du président américain de faire plier le régime iranien en asséchant son économie pour limiter ses capacités de nuisance à l’étranger et pour susciter une révolution interne de la faim. Mais ce scénario risque d’être perturbé par certains pays, la Chine en particulier qui a besoin des ressources pétrolières iraniennes pour sa croissance économique.


1 commentaire:

Vaea SYLVAIN a dit…

La révolte du peuple gronde, à moins qu'elle ne gronde une de fois de plus contre les US. Les mollahs ont du pain béni là pour endiguer la révolte contre eux et la diriger contre les Américains.