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mercredi 27 juin 2018

Israël est-il critiquable ?



ISRAËL EST-IL CRITIQUABLE ?

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright ©  Temps et Contretemps


C’est devenu une habitude chez nombre de lecteurs qui veulent interdire à un journaliste israélien d’émettre une quelconque critique à l’encontre d’Israël, de son gouvernement ou de son premier ministre qui sont sacrés. On considère les journalistes comme des supplétifs du gouvernement ou de l'Agence juive. 


Restaurant à Ramallah

Cela me rappelle à l’opposé la remarque d’un rédacteur en chef d’un grand quotidien français qui avait refusé l’article de son correspondant sur la vie à Ramallah. Le journaliste avait vu et entendu des témoins, s’était installé aux terrasses de café bondées, avait côtoyé plus d’une jeune fille en jeans. Il avait trouvé une grande ressemblance avec Tel-Aviv qui «ne dort jamais». Il avait laissé transpirer dans son article son enthousiasme face à une ville arabe occidentalisée. Le rédacteur en chef avait simplement rabroué son correspondant : «je t’ai envoyé à Ramallah pour dire ce qui ne va pas et non pas ce qui va !» Bref le chef voulait du «sang et des pleurs», c’est ce qui fait vendre ; la réalité l’indiffère.
            En revanche en ce qui concerne Israël, tout ce qu’on écrit doit être positif au risque d’être traité au mieux de gauchiste, au pire de traître à la cause juive. Dire que les prix des denrées alimentaires sont plus élevés de 30% que ceux de Paris et de Milan, c’est être antisioniste. Écrire qu’un immigrant, un olé, qui a vendu son appartement à Paris et qui ne peut pas en racheter un semblable au centre du pays en raison de son coût, c’est dissuader l’alyah. Souligner que la politique économique du gouvernement favorise les riches et pénalise les classes défavorisées et à présent moyennes, c’est faire preuve de pessimisme. Parler de pauvreté c'est aborder un sujet tabou.
Des familles vivent de restes des marchés

          Suggérer de baisser la tva sur les produits alimentaires de 17% à 7% comme en France pour réduire d’un coup les prix de 10% au profit des familles nombreuses, c’est être antinational car cela ferait baisser les recettes de tva de l’État qui en a besoin pour son budget militaire. Soulever la question de l’usage des revenus du gaz israélien, c’est faire preuve de curiosité malsaine. Suggérer que l’État, comme dans les années 1970, offre des terrains domaniaux à des promoteurs d’État pour construire des logements sociaux pour les jeunes couples et les olims, c’est être passéiste. 
            Souhaiter que les orthodoxes passent plus de temps à étudier le Talmud plutôt que de polluer la vie politique, c'est attaquer les fondements du judaïsme. Exiger qu'on cesse de forcer les jeunes à vivre dans l'anachronisme des Juifs du Shtetel, c'est une injure. 
          Soulever la question de l’émigration des jeunes diplômés vers des cieux plus attractifs, plus d’un million aux Etats-Unis et 50.000 à Berlin, c’est démoraliser la population jeune.  Dire que l’an dernier il y a eu plus d’émigration en Israël que d’immigration, c’est être défaitiste. Laisser entendre que les inculpations par le procureur général de l’État contre le premier ministre dans quatre affaires brûlantes, cela fait mauvais genre et cela dénote une volonté de persécuter systématiquement Netanyahou. On ne touche pas aux idoles. 
Bibi et les affaires

            Deux de mes derniers articles ont soulevé la fureur de quelques lecteurs qui me l’ont fait savoir directement par mails ou indirectement parce que le courage n’est pas une denrée habituelle chez eux : «La fuite des cerveauxisraéliens» et «Trois affaires qui ont secoué leMossad». On ne doit pas dire que les jeunes fuient le pays ; cela laisserait supposer que le pays n’est plus attractif. On ne doit pas écrire que trois hauts personnages de l’État, ayant occupé des postes de premier niveau au sein même du gouvernement ou des instances industrielles secrètes, ont trahi ; les uns par idéologie et l’autre pour l’appât du gain.  Annoncer qu’il existe des traîtres en Israël, c’est un blasphème. Pour être heureux, vivons cachés. 

            Ceux qui ne veulent lire que des bonnes nouvelles sur Israël devraient s’abonner au site de la météo car ils ne seront pas déçus. Au moins en Israël, dans ce domaine, c’est souvent régulier dans la platitude. Les touristes y trouvent leur bonheur et le soleil. Par ailleurs, ce ne sont pas les sites francophones dithyrambiques qui manquent en Israël ; nous faisons exception, non pas par principe, mais parce que notre devoir est d’informer et non pas de faire de la propagande ; nous sommes contre les fake news.

6 commentaires:

Avraham NATAF a dit…

Cette misère décrite en Israel est universelle, des gens qui récupèrent après les marches, les soupes populaires assiégées, impossibilité d’accéder au logement, des propriétaires devenus SDF et qui ne recevaient pas les loyers, des logements partages par 4 a 6 personnes. Il faut reculer pour voir l'ensemble plutôt que coller le nez. Ce qui se passe en Israel, qui devient de plus en plus dépendant de la Chine comme l'Etiophie,est la fin du rêve sioniste? c'est effrayant.

Anonyme a dit…

Mon Cher Jacques,
Le journalisme que tu essaies d'appliquer avec un minimum d’intégrité (très appréciée par ailleurs) et de professionnalisme se perd. Le journaliste se veut critique avant d’être informatif, parce qu'il a envie/besoin de passer au "grade" supérieur. Le problème est qu'aujourd'hui on ne critique pas un objet/un fait, mais on critique dans un but precis, pour une fin définie d'avance. Pour ne parler que d'Israel, il suffit de lire les journaux, regarder la télé ou suivre les médias informatiques pour comprendre que la raison d’être de tout un chacun est d'avoir une "étiquette", une casquette. On est obligatoirement ou de droite ou de gauche, ou Hiloni (Laique) ou Dati (religieux), ou jaune (Beitar) ou Rouge(Hapoel), ou "Haredi" ou "Ethiopien". Ce sectarisme, dont nous sommes tous victimes est la veritable maladie de la société.
Le juif, dans sa prière, remercie Dieu de ne pas l'avoir fait femme, et dans sa globalité appelle les autres "GoYms". Et les Américains n'ont ils pas créé le ROW (Rest Of the World): il y a nous et les autres. Dans ces conditions aucune critique n'est acceptable même si elle est bien fondée.
Amitiés.

Georges KABI a dit…

Cette position politique que tu decris si bien, Jacques, est la consequence directe de l'ignorance profonde de la tres grande majorite de la population israelienne des rouages de la democratie.
Pour eux, la democratie se resume aux elections. Certains vont meme beaucoup plus loin en demandant la suppression de la democratie sous le pretexte que c'est un concept grec qui renforcerait l'assimilation a des valeurs non-juives!!!
Cette ignorance est due principalement au contenu de l'instruction civique quand elle est donnee, et quand on sait qu'elle n'existe pas dans toutes les ecoles religieuses sionistes ou pas.
Or, l'immense majorite des Israeliens (Juifs et Arabes) n'ont jamais connu veritablement ce qu'est une vie democratique veritable.
On nous bassine les oreilles a chaque fois qu'on defini Israel comme un Etat juif et democratique. On pourrait y ajouter que cela ne concerne que les tycoons! Si Israel est un Etat juif, pourquoi y a-t-il une popluation non-juive de pres de 21%? Et elle est democratique, pourquoi y a-t-il des discriminations contre les citoyens arabes et les citoyens non-pratiquants, car le prochain projet de loi qui dispenserait les Juifs ultra-orthodoxes de la conscription militaire sera en fait une charge de plus pour tous ceux qui font l'armee

V. Jabeau a dit…

Les faits que vous énumérez sont une source de joie : Israël est un vrai pays, avec ses voleurs et ses prostitués comme l'avait dit Ben Gourion. Et tous les travers et les maux que vous pouvez librement pointer portent avec eux et avec leur dénonciation l'espoir d'amélioration.
Israël est un vrai pays et tous, en Israël et en diaspora, nous devons trouver les moyens pour l'améliorer en usant de notre liberté d'expression.

Enfin, vous avez le loisir d'user de cette liberté de dénoncer, continuez ! et souffrez que vos contradicteurs usent aussi de cette liberté.

邓大平 עמנואל דובשק Emmanuel Doubchak a dit…

Les liberticides ont toujours des arguments pour faire taire les critiques, c'est à dire ce qui est le fondement même du bon fonctionnement des institutions d'un pays : la capacité de se regarder et de juger ses actes pour faire mieux, vu que nous sommes tous faillibles et que comme nous avons tendance à avoir honte, il vaut mieux que d'autres nous aident à comprendre nos erreurs et nous donnent des pistes pour nous améliorer. C'est la base d'une vraie gouvernance, qu'elle soit ou non démocratique. Bien entendu, cela implique une vision démocratique, mais cela va bien au-delà. En fait, nous sommes en face d'une attaque en règle de la famille patriarcale bancale d'autrefois, où les père et mère ont toujours raison et savent mieux que leurs enfants qui n'ont aucun droit, si ce n'est de les admirer et de les respecter, voire de les adorer à l'image de Dieux immuables, contre la famille moderne où le respect doit être mutuel, où chacun a des droits et des devoirs. Cette conception anticritique permet d'envoyer la voiture et le char de l'Etat directement dans le mur pour s'écraser joyeusement contre le mur de la dur réalité qui elle ne fait pas de politique.
S'il faut relativiser la situation d'Israël, encore faut-il avoir le courage de la présenter aux Israéliens et aux amis d'Israël, car à force de béni-oui oui, on finira tous enfoncés dans le mur et il ne nous restera plus que les Lamentations....

Patrick a dit…

Jacques, ta rigueur, ton objectivité et donc ton éthique de journaliste te font honneur. Surtout ne change rien et continue comme cela.