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samedi 18 juillet 2015

L’ACCORD NUCLÉAIRE BOULEVERSE L’ORDRE ÉTABLI AU MOYEN-ORIENT



L’ACCORD NUCLÉAIRE BOULEVERSE L’ORDRE ÉTABLI AU MOYEN-ORIENT

Par Jacques BENILLOUCHE

copyright © Temps et Contretemps

            

          Le scénario qui s’est joué à Vienne ne concernait pas fondamentalement le seul problème du nucléaire iranien. Les États-Unis avaient pour objectif de rééquilibrer les alliances de la région, voire de recomposer le paysage politique du Moyen-Orient. Bien sûr, à la base, il fallait empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire en contre partie de la levée des sanctions. Mais, le nucléaire iranien n’était pas la seule préoccupation du groupe P5+1 comprenant les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine et l’Allemagne. 


          Chacun de ces pays y puisaient ses propres intérêts, économiques et politiques. Certes la diminution du nombre de centrifugeuses en fonctionnement et le contrôle des sites iraniens par l’AIEA (Agence Internationale de l'énergie atomique) constituaient pour les Occidentaux des gages de bonne volonté. Mais en réalité, ils entérinaient le retour de l’Iran dans le concert des Nations non terroristes.

            Face au déferlement du Daesh, les Américains avaient besoin d’un nouveau partenaire stratégique, celui qu’ils avaient perdu avec la révolution islamique de 1979. Cette volonté se profilait depuis plusieurs mois déjà, depuis la mainmise de l’État islamique sur plusieurs pays arabes. Les gouvernements tombaient les uns après les autres et il fallait trouver une parade à la gangrène djihadiste qui se répandait. 

          Par ailleurs après les déconvenues qu’ils ont subies, les États-Unis ne faisaient pas mystère de leur volonté de se désengager du Moyen-Orient trop coûteux en hommes et en budget. Enfin, leur situation énergétique s’était éclaircie puisqu’ils dépendaient moins du Moyen-Orient pour leur approvisionnement en pétrole. Alors, les Américains n’attendaient que l’occasion. Le président Hassan Rohani avait compris de son côté que le danger djihadiste, à sa porte, labourait ses propres terres. L’avenir de son pays passait donc par un rapprochement avec la première puissance mondiale.
Cela dit, la méthode brutale et cavalière utilisée par les États-Unis à l’encontre de ses trois alliés naturels et historiques, l’Arabie saoudite, l’Égypte et Israël avait choqué les chancelleries. Ces trois pays ont donc estimé qu’ils devaient constituer un front commun contre un Iran nucléaire dominateur. De nouvelles alliances se sont nouées aux antipodes des stratégies arabes antérieures. Israël n’était plus le petit Satan.

A priori, si l’on fait confiance aux négociateurs européens, le danger d’une bombe nucléaire semble pour l’instant, sinon écarté, au moins reporté. Mais Israël craint que la levée des sanctions et la liberté retrouvée d’exporter son pétrole donnent à l’Iran une puissance financière avec des implications certaines sur les conflits de Gaza, d’Irak, de Syrie, du Yémen et du Liban. Certes Israël ne craint pas un retournement d’alliance de la part des Américains car il fait partie intégrante du noyau dur sécuritaire au Proche-Orient.

Mais l’accord engendrera une course aux armements et, par conséquent, une volonté de certains pays de s’équiper en nucléaire à l’instar de l’Arabie saoudite qui craint le plus l’Iran. L’accord aura pour conséquence de générer de nouvelles peurs au sein des pays arabes. Un autre aspect de cet accord n’est pas négligeable. Les Occidentaux attendent avec impatience de lancer leurs entreprises à l’assaut d’un pays qui a été boudé durant de nombreuses années et dont les équipements sont obsolètes. En particulier, la France et les États-Unis retrouvent un client sérieux avec un fort potentiel. Au-delà de la nécessité de neutralisation du nucléaire iranien, la participation au développement de l’Iran est devenue une option non négligeable.

La capacité de nuisance de l’Iran sera réactualisée et par conséquent les fournisseurs d’armes reprendront du service. L’Arabie saoudite s’est déjà empressée de signer avec la France un contrat de 446 millions d’euros pour l’achat de 23 hélicoptères militaires H145. Elle envisage aussi d’acquérir une trentaine de vedettes garde-côtes pour la surveillance de ses frontières. Enfin, la France est bien placée pour remporter un contrat pour doter le Royaume de deux réacteurs nucléaires EPR. Mais l’Arabie saoudite, prudente, n’a pas abandonné pour autant son fournisseur officiel américain.
Encore un petit effort

Les États-Unis s’étaient appuyés sur l’Arabie saoudite pour s’opposer à l’extrémisme sunnite mais à présent ils confient à l’Iran le rôle de défenseur de l’islam chiite. Cette montée en puissance de l’Iran inquiète l’Arabie saoudite qui est consciente qu’elle ne dispose pas d’une puissance militaire et démographique comparables. L’Arabie interprète cet accord sur le nucléaire comme le déclin hégémonique du monde arabe au profit des Perses. 

Les Américains et les Iraniens ne retrouveront pas pour autant les liens étroits d’amitié du temps du Shah car le régime des mollahs n'a pas la même conception de la démocratie; il applique encore une politique répressive et expansionniste. La confiance n’est pas rétablie et elle mettra du temps à se mettre en place. A priori rien ne changera dans la région mais de nombreux conflits seront impactés par la nouvelle donne politique. Téhéran entend profiter de l'accord signé pour reprendre toute sa place dans son environnement régional et, voire, pour bousculer certains voisins sunnites.
Le pari américain est risqué car la politique étrangère iranienne ne subira de changement que si des réformes internes sont mises en œuvre. L’Iran, réintégré au concert des Nations, ne donne cependant aucune garantie sur le respect des règles régissant la communauté internationale. Les Américains misent cependant sur l’aile modérée et réformatrice de l’Iran représentée par le président Hassan Rohani et le ministre des affaires étrangères Mohammad Zarif qui semblent prendre de l’ascendant sur les conservateurs symbolisés par le général Qassem Soleimani. Ils comptent aussi sur le peuple iranien en espérant qu’il ne restera pas inactif après cet accord.
Général Qassem Soleimani

Les Iraniens, qui ont trop souffert des sanctions, pourraient se montrer réticents à dilapider la nouvelle manne financière au profit d’un financement des conflits étrangers alors qu’ils souhaitent l’amélioration de leurs conditions matérielles. Cela suppose que l’Iran mette fin à sa stratégie d’expansion idéologique en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban. Tout dépendra du rôle que jouera à l’avenir le général Qassem Soleimani, commandant d'al-Qods, l'unité des Gardiens de la révolution chargée des opérations militaires et du renseignement à l'extérieur de l'Iran depuis 1998, devenu le principal représentant du soutien aux gouvernements irakien et syrien. Habituellement homme de l'ombre, Qassem Soleimani est récemment apparu à Tikrit aux côtés de milices chiites, ce qui fait de lui une des principales figures de la lutte contre l'État islamique.
Le paysage politique au Moyen-Orient sera en complète recomposition après l’accord nucléaire iranien. Il pourrait avoir des conséquences plus tranchées que les révolutions du «printemps arabe».

3 commentaires:

Pascale CHATELUS a dit…

Je comprends les Américains qui veulent se débarrasser de leurs encombrants alliés saoudiens ou égyptiens... Une date, 11 septembre 2001. Ce n était pas des Iraniens qui se se sont faits exploser.

Rivka NIVAL a dit…

Les Américains ne peuvent pas se débarrasser (pour autant qu'ils en auraient l'envie... ) de leur encombrant allié égyptien car seuls les millions de dollars déversés sur l'Egypte permettent à ce pays ,aujourd'hui surpeuplé ,de survivre ,en important massivement nourriture et biens de consommation

Rivka NIVAL a dit…

L'Iran veut être reconnue comme une Puissance qui compte dans le monde et je suis convaincu que les menaces contre Israël sont pure rhétorique .Je trouve affligeant que beaucoup continuent de les prendre pour des imbéciles irresponsables