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dimanche 19 juillet 2015

ISRAËL DÉCOUVRE L’ASPECT POSITIF DE L’ACCORD IRANIEN



ISRAËL DÉCOUVRE L’ASPECT POSITIF DE L’ACCORD IRANIEN

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps

            

          La classe politique israélienne est unanime pour condamner l’accord nucléaire iranien. Tous les dangers ont été répertoriés. Benjamin Netanyahou garde encore un mince espoir de convaincre une majorité au Congrès américain pour s’opposer à la ratification de l’accord et forcer Barack Obama à user de son droit de veto. Les Iraniens peuvent donc manifester leur joie dans les rues de Téhéran pour saluer le triomphe de leurs diplomates. Mais les militaires iraniens semblent plus perspicaces car ils sentent qu’ils sont les dindons de la farce. Les experts israéliens, qui ont analysé en profondeur le texte soumis à la signature des parties, y trouvent un aspect positif auquel peu de politiques y croyaient. D'ailleurs, l’embargo sur les armes étant toujours maintenu, les Conservateurs iraniens se mobilisent pour rameuter leurs militants attachés à l’indépendance de l’Iran et surtout à sa grandeur.


            
Usine nucléaire de Fordow
          Certes l’accord met fin aux sanctions économiques et financières mais il n’apporte aucun changement en terme militaire. Les lignes rouges du Guide suprême Ali Khamenei ont été largement franchies puisque les sites militaires seront inspectés par l’AIEA, avec un préavis de deux semaines, mais le principe est là. Chaque fois que des informations douteuses parviendront aux oreilles occidentales, des tournées d’inspection seront organisées pour perturber le fonctionnement des usines nucléaires. L’AIEA a déjà fait savoir que sa mission portera aussi sur les activités des trente dernières années pour mesurer l’état d’avancement réel du programme nucléaire. Tous les scientifiques et savants iraniens seront soumis à la question.

            Mais l’aspect qui motive sérieusement Israël est celui touchant aux forces armées iraniennes qui sont les oubliées de l’accord. L’embargo sur les ventes d'armes offensives conventionnelles restera toujours en vigueur pour une période de cinq ans tandis que l'interdiction de toutes les technologies liées aux missiles balistiques restera en place pendant huit ans. Ces dispositions empêcheront ainsi les militaires de se doter d’équipement modernisés et de technologies avancées. La stagnation des armes conventionnelles maintiendra l’équilibre actuel dans la région laissant aux seuls diplomates iraniens la mission de diffuser l’idéologie chiite dans le monde.
            Or l’armée est presque restée au niveau de celle du temps du Shah, c’est-à-dire totalement obsolète. L’Iran dispose d’un budget militaire de 12 milliards de dollars, entièrement consacré aux salaires d’une armée pléthorique chargée d’intervenir dans des théâtres d’opérations extérieurs avec peu de moyens. Ce budget est nettement inférieur à celui de ses voisins et adversaires immédiats. Israël dispose de 70 milliards de shekels (20 milliards de dollars) sans compter les 3 milliards de dollars d’aide militaire américaine. L’Arabie saoudite dépense 50 milliards de dollars pour cette seule année, de quoi placer d’ici peu son budget à la cinquième place dans le monde.
Armée saoudienne

            Les alliés du Conseil de Coopération du Golfe, regroupant six pétromonarchies arabes sunnites du golfe arabique (Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis et  Qatar), disposent individuellement d’un budget supérieur à celui de l’Iran. Les forces armées des seuls Émirats arabes unis, fortes à peine de 65.000 hommes, alignent un budget de 14,3 milliards de dollars en 2015, soit 5,34 % du PNB ce qui en proportion en fait le budget le plus élevé de la planète. Les Émirats ont d’ailleurs acquis la place de troisième importateur de matériel militaire de défense.
CCG

            L’Iran ne s’est pas encore remis de sa guerre avec l’Irak des années 1980 qui ont décimé ses forces conventionnelles. Elle n’a pas eu le temps de moderniser ses équipements, d’une part en raison de l’embargo, d’autre part en raison des relations rompues avec son principal fournisseur américain qui avait équipé les armées du Shah. Il lui était difficile de reconfigurer son armée en utilisant d’autres sources d'approvisionnements.
Général Benny Gantz

            Cet état des forces armées iraniennes avait déjà poussé les dirigeants sécuritaires en 2009 à refuser une frappe contre l’Iran souhaitée par le premier ministre Netanyahou. À l’époque les Israéliens avaient fait l'inventaire des moyens militaires dont disposait Téhéran. Les conditions matérielles de l'ennemi avaient été décortiquées dans les sous-sols de la Kyria, le Pentagone israélien. L'impression générale qui s’était dégagée de cette analyse prouvait que, malgré les rodomontades des dirigeants iraniens, l'armée iranienne n'avait pas encore acquis les moyens de sa politique offensive.
Aujourd’hui, elle reste toujours une armée de fantassins prête à défendre ses frontières ou à envahir ses voisins plutôt qu'une armée dotée d'une technologie de pointe. L'embargo, qui a rendu sceptique plus d'un israélien, a cependant contribué à freiner la modernisation des troupes qui ont perdu 40% de leur arsenal durant la guerre avec l'Irak et qui restent dotées, encore aujourd'hui, d'un matériel qui a subi l'usure du temps.
Les forces d'active comprennent 570.000 militaires mais les éléments les plus entraînés, les plus inconditionnels, les plus dogmatiques, les plus nationalistes et les plus loyaux envers le régime sont les Gardiens de la Révolution au nombre de 125.000 hommes répartis en quatre corps comprenant quatre divisions blindées et six divisions d'infanterie. Ils représentent une entité complétement  indépendante de l'armée régulière avec leur propre budget, leur marine, leur armée de l'air et leurs forces terrestres. Les hautes autorités de l'État s'appuient sur cette colonne vertébrale du régime. D'ailleurs les Américains ont compris qu'ils devaient traquer les comptes bancaires occidentaux de ces Gardiens pour les empêcher de s'approvisionner en nouveaux moyens militaires.
Zulficar

L'infanterie aligne 1.600 tanks incluant 100 tanks Zulfiquar, dérivés du T72-S,  fabriqués sous licence russe par les usines locales iraniennes. La majorité des chars est composée de Chieftains anglais ou de M-60 américains qui datent du temps du Shah. Des tanks russes T54 à T72 ont été intégrés après avoir été confisqués aux Irakiens lors de la guerre et ont été complétés par des achats auprès de la Chine et de la Corée du nord. 
Mais l'origine occidentale de la majorité du matériel de base entraîne une forte dépendance vis-à-vis de l'étranger. Les pièces détachées, indispensables à la remise en état de ce matériel lourd, font l'objet d'un embargo partiellement détourné par certains pays d'Afrique qui trouvent une source de revenus exceptionnels dans la revente à l'Iran de matériel de récupération au rebut. Cette difficulté d'approvisionnement permet d'avoir un doute sur la qualité de la maintenance du matériel et a fortiori sur la fiabilité des tanks.
Après sa guerre contre l'Irak, l'Iran s'était lancé dans une politique de réarmement auprès de nouveaux fournisseurs et plus particulièrement la Russie, la Chine, la Corée du nord, la Tchécoslovaquie et la Pologne. Les pays de l'Est lui fournirent alors les chars MBT que certains voient comme une réplique du Merkava israélien sans que l'on puisse déterminer par quel canal la copie a pu s'effectuer.
Mig29 iraniens

Les forces aériennes comprennent 30.000 personnes et 319 avions de combat. Mais à peine 60% du matériel américain reste en état de fonctionnement et 80% de l'aviation est en fait d'origine russe. L'intégration des F-14 avec les Mig-29 crée une hétérogénéité qui ne favorise pas l'efficacité de l'aviation. L'Iran détient par ailleurs, en provenance d'Irak, quelques Sukhoï Su24-S âgés de plus de 25 ans. Les avions de transport et les hélicoptères sont en nombre limité. Les forces aériennes sont organisées en trois zones avec un commandement indépendant. Cette organisation montre cependant ses faiblesses et ses lacunes en particulier dans la couverture radar du territoire iranien qui s'étend sur plus de 2.000 kilomètres. Les analystes militaires ont détecté un manque de communication et d'organisation interarmées qui réduit l'efficacité des pilotes iraniens soumis par ailleurs à une suspicion généralisée. Parce que les avions leur ouvrent des tentations de fuite, ils ne se déplacent qu'accompagnés d'officiers de sécurité chargés de prévenir les défections et de les éloigner de tout contact suspect.
Sous-marin Kilo

Selon les experts militaires, l'état de la marine est à l'avenant, certains le juge lamentable. Environ 18.000 personnes composent une marine basée à Bandar Abbas équipée de trois sous-marins russes Kilo, trois frégates et deux corvettes, datant de plus de 40 ans, donc périmés. On ne connaît pas de navires modernes et la maintenance des anciens bâtiments laisse à désirer. L'Iran a bien annoncé en 2007 la sortie d'un nouveau navire de ses propres arsenaux, le Jamaran, mais il s'agit d'une amélioration de la frégate lance-missiles Kaman, d'origine française, acquise dans les années 1970 avec une technologie dépassée.
L'embargo a imposé la restructuration des industries militaires qui ont pris de l'essor après la fusion des complexes industriels de l'armée avec les moyens illimités des Gardiens de la Révolution. Les pays de l'Est et la Corée ont fourni la technologie balistique et le savoir-faire pour la fabrication d'armes de destruction massive devant permettre à l'Iran de s'opposer à ses deux principaux ennemis de la région: l'Arabie saoudite et Israël. Sa volonté de contrôler le trafic maritime du Golfe persique et autour du détroit d'Ormuz a été à l'origine du développement de systèmes balistiques de moyenne portée.
Le ministère de la Défense contrôle plus de 300 usines de production militaire chargées de fournir l'armée en munitions, en armements terrestres et en missiles. La Corée du nord a construit le plus grand complexe à Ispahan pour la fabrication de chars, de munitions et de carburant propergol pour missiles. La Chine s'est chargée de développer à Semnam des usines de conception de missiles devant atteindre une production annuelle de plus de mille unités. Ces unités industrielles donnent l'illusion d'une autonomie dans le domaine des munitions et dans la réalisation d'avions et de véhicules blindés mais ces projets n'ont pas encore atteint une capacité de production conséquente.
Les budgets militaires ont subi une forte croissance durant ces dernières années car l'Iran voulait faire sortir ses forces armées aériennes de leur sous-développement. Des progrès tangibles ont été relevés dans l'aéronautique en particulier grâce à la fabrication de l'hélicoptère Shabaviz 2-75 dont seul le moteur est importé. Il est associé au Zafar 300 et à l'hélicoptère léger Sanjaquak (libellule). L'Iran a annoncé en septembre 2007 la fabrication locale de deux nouveaux chasseurs à réaction, le Saegheh censé remplacer l'Azarakhsh (l'éclair), mais la construction à «échelle industrielle» n'est pas encore confirmée. Deux autres avions ont été conçus, Dorna (Alouette) et Partsu (Hirondelle), pour l'entraînement de ses pilotes.
Malgré les progrès enregistrés par les industries iraniennes, les experts militaires sont unanimes à affirmer qu'en raison des délais nécessaires à la conception et à l'industrialisation des prototypes, les matériels de fabrication locale sont déjà périmés dès leur sortie des chaînes industrielles. Ces systèmes, développés sur la base d'une technologie des années 1990, sont obsolètes par rapport au matériel dont disposent les voisins de l'Iran avec les F-15 d'Israël et de l'Arabie saoudite, les F-16 de la Jordanie et du Bahreïn et les Mirage, et peut-être les Rafale, des Émirats. Ces avions sont aveugles s'ils ne disposent pas de radars perfectionnées et inoffensifs sans bombes guidées au laser et au GPS qui font pour l'instant défaut. Si les matériels de fabrication iranienne offrent une victoire psychologique certaine en raison de l'autonomie qu'ils confèrent à Téhéran, ils représentent une valeur opérationnelle négligeable. Ils sont incapables de se mesurer aux produits innovants de la haute technologie israélienne et américaine. Les analystes militaires sont convaincus que les Occidentaux, et Israël en particulier, ont surévalué la capacité offensive de l'Iran.
Une autre grande lacune subsiste qui pourrait être exploitée par les Israéliens. L'Iran n'a pas de système défensif élaboré et il compte sur ses missiles, insuffisants selon les experts, pour assurer une sécurité totale. Les nombreux projets qui ont permis la mise au point des missiles Nazeat, Oghab et Shahin ainsi que le Fadjir, qui a reçu le baptême du feu entre les mains des combattants du Hezbollah, ont une efficacité limitée en cas d'offensive massive d'envergure.

Mais les projets qui éveillent le plus l'attention des Israéliens concernent la fabrication de nouveaux missiles dont les techniciens étrangers connaissent parfaitement les spécifications puisque la technologie provient de la Chine, de la Corée du nord et de la Russie. Le Shahab-3 est inspiré du missile coréen No Dong et dispose d'une portée de 1.500 km. Le Shahab-4, dérivé du SS-4 à carburant liquide de l'ex-URSS, dispose d'une version lanceur de satellite et d'une version militaire avec une portée de 2.000 kms. S'agissant des missiles, le doute subsiste sur les réelles capacités des Iraniens à disposer d'engins à combustible solide, plus difficilement détectables. L'Iran a annoncé en 2008 les tests réussis du missile Sejjil dont la portée est de 2.000 kms mais les expérimentations ne donnent pas pour l'instant une crédibilité assurée à cette force de dissuasion iranienne.
Les Israéliens ont mesuré l'indigence d'une défense aérienne iranienne basée uniquement sur des missiles périmés, mais ils n'excluent pas le risque de pertes sensibles qu'ils sont obligés d'intégrer dans leur scénario. Ils s'inquiètent en particulier de frappes désordonnées contre les villes et les civils malgré leurs nouveaux engins d'interception. Ils envisagent donc tous les scénarios pour éviter les risques de bombardements du type de ceux qu'ils ont subis avec les Scud irakiens, à lanceurs mobiles. De récents progrès ont été réalisés pour protéger les villes grâce au système «Iron Dome» rendant les frappes de missiles plus inopérantes et aux missiles anti-missiles Hetz développés en coordination avec les Américains.

Le danger principal dû au programme nucléaire semble aujourd'hui retardé. La surmédiatisation des tests de missiles iraniens sol-sol, entrant clairement dans la stratégie de dissuasion iranienne, est surtout destinée à la propagande interne du régime. L'Iran est conscient de l'écart technologique auquel il doit faire face, mais laisse planer le doute sur ses réelles capacités techniques. L’accord qui vient d’être signé avec les P5+1 retarde certainement la modernisation d’une armée iranienne qui est loin de pouvoir se mesurer avec ses ennemis suréquipés. C’était le message que voulait transmettre Barack Obama aux Israéliens lorsqu'il négociait avec les Iraniens;  mais la méthode utilisée a été la plus grande lacune de la diplomatie américaine. 

6 commentaires:

Elizabeth GARREAULT a dit…

Bravo pour l'article plein de renseignements passionnants mais pas certaine que ce soit la diplomatie américaine qui ait été si lacunaire. Bibi a été lamentable - pas question de l'exonérer même en agitant le chiffon rouge de la patrie en danger.

Robert DUPRAT a dit…

La politique israélienne est si lamentable comme dit Elizabeth Garreault que même nous goy prêt à tout pour Israel sommes écœuré et de la politique et de l'israélien en général

andre a dit…

Lamentable !
2 commentaires qui permettent à leurs auteurs de jeter le masque : leur hostilité à Netanyahu et à " l'israélien en général" !
On ne peut être plus clair : l'Iran veut détruire l' État d' Israël , extirper" le cancer sioniste" et il aurait fallu se montrer "arrangeant" !
Tous les bourreaux rêvent de victimes qui ne se débattent pas et celui qui refuse et continue de signaler le danger serait " lamentable".
Il s'agit d'une lâcheté qui va rendre le monde encore plus dangereux.
Mais c'est vrai, pour le moment , partout c'est le soulagement !
En 1936, Leon Blum parlait de "lâche soulagement"

Unknown a dit…

Soulagement pour 5ans??c est rien 5ans en politique ns ne comprenons pas les critiques sur netanyaou et les israeliens par Duprat ??
Qu auriez vous fait M Duprat??et que faites vous en France et en Europe sur la main mise du Quatar et pays petroliers et leur ingérence sur la politique française et européenne ???

André NAHUM a dit…

L'Ayatollah Khomeini avait pris le pouvoir en Iran grace à l'aveuglement stupide du président américain Jimmy Carter. Pour le remercier Khomeiny avait organisé la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téheran
Aujourd'hui Barak Obama dont on aimerait comprendre les motivations secrètes remet les clés du Moyen-Orient à l'Ayatollah Khameini et pour le remercier ce dernier organise une impressionnante manifestation de masse pour conspuer l'Amérique et évidemment Israël.
Question : Que va faire encore le président américain pendant les 18 mois qui lui restent à la tete du pays ?

Michael Dar a dit…

Meme si l'armee Iranienne serait en complete deconfiture, ce qui reste encore a prouver,l'Iran est malgre tout le plus grand promoteur et financier du terrorisme international. Meme sans s'engager dans des guerres soi-meme l'Iran peut compter sur un tas d'autres elements islamiques pour les mener a sa place tel que Hamas, Hizbollah etc. L'Iran peut facilement proceder a son ambition d'hegemonie sur la region par des alliances et sans se mouiller. La levee de l'embargo, des sanctions, le retour de centaines de milliards, la reprise de la vente du petrole et reprise du commerce international leur permettra d'atteindre leurs objectifs..meme sans le nucleaire qu'il n'ont vraisemblablement besoin qu'a un stade ulterieur pour d'une part definitivement assoir leur controle sur la region et d'autre part pour proceder a leur reve encore plus fou d'Islamiser le monde entier!C'est dans leur cartes croyez-moi..ce sont des dingues!