ISRAËL : RÉFORME DU POUVOIR JUDICIAIRE EN MARCHE
Par Jacques
BENILLOUCHE
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Netanyahou et la présidente de la Cour suprême Esther Hayut |
On ne comprend pas très bien la finalité des mesures que
le gouvernement compte prendre pour réformer le pouvoir judiciaire. En fait,
par comparaison avec la France, le Conseil Constitutionnel serait dissous et l’on
mettrait en avant le Conseil économique et social. En Israël, il est ainsi
question de transformer la Cour Suprême en organe purement consultatif à l’instar
du Conseil installé au Palais d’Iéna. Ses décisions ne seraient plus
obligatoirement applicables et n’auraient aucun pouvoir contraignant. Le risque
est énorme de supprimer le seul contre-pouvoir en Israël qui serait soumis à la
seule volonté de la majorité Knesset. On ignore de quoi sera fait demain.
Knesset |
Les politiciens israéliens font un véritable contre-sens sur
les pouvoirs de la Cour suprême. La Knesset décide et vote les lois en toute
indépendance. Le rôle de la Cour suprême est de vérifier que les décisions
prises par les Administrations sont conformes aux lois votées et aux Lois
fondamentales faisant office de Constitution. Si elles veulent prendre des
mesures contraires à ces lois, il leur suffit de demander aux députés de voter
légalement des amendements à la Knesset. La Cour suprême ne prend aucune
initiative politique ; elle dit le droit et rien que le droit.
Pour revenir au cas du Dr. Michaël Ben-Ari qui a déclenché
la colère de la droite parce qu’il a été interdit de candidature, il faut s’appuyer
sur les sources du droit. Otzma Yehudit
est la dernière version du parti fondé sur les enseignements du rabbin Meir
Kahana. Kach, le parti de Kahana, a été interdit à la Knesset en 1988 ainsi que
toute autre émanation de ce parti. Il a été ensuite déclaré hors la loi en 1994
en tant qu’organisation terroriste en Israël et considéré comme tel aux
États-Unis, au Canada et dans l’Union Européenne.
La Cour suprême s'est appuyée sur cette loi pour interdire Ben Ari. Si les amis de Meir Kahana veulent lui permettre d’être dorénavant candidat,
il suffit que la Knesset vote une loi supprimant l’interdiction du parti
kahaniste en Israël. Il savoir que la Cour n’est pas seule à juger ainsi. Aux États-Unis l’Anti
Diffamation Ligue, l’American Jewish Committee et même l’AIPAC, le lobby
américain vigoureusement pro-israélien, ont condamné Otzma Yehudit en tant que «parti
raciste et criminel».
De nombreux rabbins orthodoxes modernes
ont publié une violente dénonciation de Habayit Hayehudi parce qu’«en
rejoignant des personnes méprisables qui violent les principes fondamentaux de
la Torah, il avait trahi les traditions d’éthique, de justice et de leurs
devoirs envers Dieu du sionisme religieux».
En fait, on veut réduire les pouvoirs de la Cour suprême que
pour un cas unique, celui de Benjamin Netanyahou afin de lui permettre d’entraver
la Cour en obtenant l'immunité de poursuites contre des accusations de
corruption. La loi souhaitée donnerait un pouvoir illimité à la Knesset et aux ministres
qui n’auraient pas à tenir compte des décisions de la Cour en matière administrative. Ainsi
il serait possible d'annuler toute décision de retrait de l’immunité de Netanyahou
en cas de poursuites.
Le premier ministre négocie actuellement cette réforme avec
les partis de droite en échange de portefeuilles ministériels. D’ailleurs ce 19
mai, le gouvernement a déjà approuvé le projet de loi qui permettra un nombre
illimité de ministres et de vice-ministres. Il pourra ainsi satisfaire les
diktats de tous les micro-partis.
Le premier ministre veut aussi avoir les mains libres
pour appliquer la souveraineté israélienne sur les implantations illégales de Cisjordanie,
une exigence des nationalistes de droite. Mais il n’est pas certain que les
Américains ferment les yeux sur ce qui risque d’être en opposition au «pacte
du siècle».
Ces changements dans le droit permettraient au Judaïsme
unifié de la Torah de ne plus être bloqué par l’instance suprême. Il exige
de créer un organisme de rabbins, seul habilité à délivrer des permis de travail
le shabbat, à la place du ministère du Travail : «Le seul test pour les
permis de travail devrait être de savoir s'il s'agit d'un travail salvateur ou
non, et il est impossible d'approuver les profanations du Shabbat sur la base
de considérations de commodité et de mouvement».
Enfin, il s’agit d’autoriser la saisie de terres palestiniennes
pour la construction de route en Cisjordanie en direction d’implantations
isolées ; l’une pour contourner Hawara et l’autre pour Al-Aroub.
Cependant il n’y a pas unanimité au Likoud pour procéder à
cette réforme. Benny Begin déplore que le Premier ministre ait «l'intention
de faire mauvais usage de son autorité pour des gains personnels. Les membres
de la Knesset qui soutiennent cette tentative du Premier ministre d’échapper à
la justice contreviendront à leur mandat en tendant clairement la main à un
acte de corruption». D’autres fissures sont constatées.
Par ailleurs, Saar a reçu le soutien de l'ancienne ministre du Likoud, Limor Livnat, qui a exprimé son soutien à sa position dans un article publié dans Yedioth Ahronot.
Par ailleurs, Saar a reçu le soutien de l'ancienne ministre du Likoud, Limor Livnat, qui a exprimé son soutien à sa position dans un article publié dans Yedioth Ahronot.
Michal Shir |
La députée et
ancienne conseillère de Gideon Saar, Michal Shir, a critiqué publiquement le
projet parlementaire sur l'immunité et l'adoption d'une loi pour raisons
personnelles. D’autres militants du Nouveau Likoud sont pour l’instant en
retrait et préfèrent faire profil bas en attendant la décision définitive
de Lieberman de faire ou non partie de la coalition. Sans lui, sans Gideon Saar
et Michal Shir la majorité se réduit à 58 sièges qui risquent d’être insuffisants
pour faire adopter la nouvelle loi.
Séance de la Cour suprême |
Par ailleurs une action de
juristes se prépare. Près de 200 d’entre eux ont décidé de se mobiliser face
aux attaques contre la Haute cour pour éviter «un processus d'Erdoganisation
contre la justice». Il s’agit pour eux de sensibiliser les citoyens dont
une grande partie ne mesure pas les dangers d’une réforme portant atteinte à la démocratie. Ils
ont menacé de lancer une grève pour bloquer tout le système judiciaire. A
suivre…
1 commentaire:
Merci de vos informations. Il semble que l'Etat se dirige effectivement vers une reforme tendant a reduire les pouvoirs de la Cour Supreme et d'aucuns s'interrogent sur l'impact des reformes a venir sur la democratie. Aussi peut -on se poser la question 1) Compte tenu de l'importance prise par la Cour Supreme ces dernieres une reorganisation de forme et de fond peut-elle se justifier? A mon humble avis ce remaniement est plus que necessaire, il est indispensable car a contrario de ce que laisse penser votre article pour le lecteur ordinaire -et je pense que je vais vous faire sursauter!-la CS est devenue un danger pour la democratie. Je m'explique :Tout d'abord il est bon d'informer les lecteurs sur le fait que la Cour Supreme en Israel est plus qu'un contre pouvoir . L'ensemble de ses attributions face au pouvoir exécutif est unique au monde.Rien de comparable avec la France! En effet La CS concentre entre ses mains les attributions de la Cour de Cassation, du Conseil d'Etat, du Conseil Constitutionnel et celui d'une Haute Cour de Justice. Cet organisme fonctionne sur le modéle d'une caste. Traditionnellement la commission qui nomme les juges à la CS était entre les mains de la CS et de son Président.
Ainsi lorsque Tsipi Livni ex Ministre de la Justice a voulu faire nommer le Pr Ruth Gabizon , le President Barak s'y est opposé.En France le pouvoir executif peut avoir son mot à dire et ne s'en prive d'ailleurs pas pour "placer" ses amis.Concernant Israel on sait le mal qu'a eu l'ancien ministre de la Justice Ayelet Shaked a tenter d' imposer des juges au sein de cette caste jalouse de son pouvoir et de ses prérogatives. Concentrer autant de pouvoirs entre les mains d'une seule institution à caractére non démocratique - sur le plan de la nomination des Juges s'entend- est une aberration qui peut s'avérer dangereuse ...et sur le plan démocratique lorsque sa vision du droit à caractére politique se révéle en opposition avec l'expression des représentants du peuple-eux -élus democratiquement. Des exemples? Ayant été trop long on en reparlera lors de prochains commentaires s'ils appellent des répliques.:
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