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lundi 27 mai 2019

Les Palestiniens et les occasions ratées



Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
       

          On ne remontera pas à l’année 1947 lorsque les Arabes ont refusé le plan de partage israélo-arabe qui aurait permis alors la création d’un État palestinien. L’Histoire est jalonnée de cas répétés où l’intransigeance, voire l’inconscience, a mené à un vide absolu. Ils n’ont pas compris qu’il était stérile de s’opposer frontalement aux États-Unis même s'ils ont un a priori favorable vis-à-vis des Israéliens. La décision de boycotter la conférence économique à Bahreïn, dans le cadre du «deal du siècle»  est un non-sens.


Muhammad al-Sheikh

            Le journaliste saoudien Muhammad al-Sheikh a conseillé à l'Autorité palestinienne de répondre à l’invitation américaine : «Vous avez manqué de nombreuses occasions d'annexion de Jérusalem de 1948, et vous n'avez excellé que dans la haine, les insultes, les malédictions et blâmer les autres pour avoir négligé votre cause. L'atelier de Bahreïn - profitez-en et vous serez un peu satisfait, parce que vous n'avez pas d'autre carte à jouer». En fait le journaliste a soulevé indirectement la question du leadership palestinien.
            Les structures de l’Autorité palestinienne et de l’OLP ont montré leurs limites et la présence au sommet l’un leader de 83 ans fait débat. Chaque semaine on aborde les problèmes de santé de Mahmoud Abbas mais l’on constate qu’il ne s’est jamais aussi bien porté que lors de ses voyages et de ses rencontres. Il refuse d’aborder la question cruciale de sa succession alors que quelques noms circulent sous le manteau avec la volonté de ne pas brusquer les choses, comme si le temps ne pressait pas. 

          Une décision à froid et un débat sérieux sur la réforme du système politique et des méthodes de gouvernement s’imposent pour trancher sur le leadership politique. Les médias palestiniens sont verrouillés et aucun dirigeant n’ose sortir du rang pour dire qu’il est temps que les Palestiniens s’orientent vers la démocratie et l’indépendance.
            La grande anomalie palestinienne réside dans les pouvoirs concentrés par un seul homme, sorte de «guide suprême», principe qui ne peut fonctionner que dans le dictatures autocratiques religieuses. Les Palestiniens n’ont pas réussi à choisir un modèle efficace et durable, passant du père de la nation Arafat, au technocrate Fayyed soutenu par l’Occident puis au partenaire de la paix Abbas alors qu’une gouvernance collective aurait pu faire avancer leur projet.
L’OLP et l’AP sont devenus des structures obsolètes qui ne préparent pas à l’avènement d’un État avec ses attributs symboliques. Le peuple palestinien n’a pas droit au chapitre et il est temps qu’il songe à une gouvernance collégiale, incorporant quelques femmes, pour éviter la concentration des pouvoirs en une seule main. Le gouvernement palestinien est une chambre d’enregistrement sans pouvoir réel puisque Mahmoud Abbas décide des questions intérieures et sociales, des affaires étrangères, des affaires économiques et des affaires de la jeunesse.

            Le Conseil législatif palestinien (CLP) et le Conseil national palestinien (PNC) sont des structures inefficaces et peu légitimes, totalement bloquées en raison de la politique des factions. Il n’existe pas de structure de contrepoids indispensable pour éviter la dictature. L’opposition n’a aucune représentativité tandis que le gouvernement est une structure fantôme.
Le président palestinien a nommé l'un de ses proches, Mohammad Chtayyeh, comme premier ministre afin de renforcer l'emprise de son parti, le Fatah, au détriment du Hamas, lequel ne «reconnaît pas le gouvernement séparatiste car il a été formé sans consensus national. Le nouveau gouvernement reflète l'unilatéralisme d'Abbas et son monopole du pouvoir». Cependant, l'Autorité, au sein de laquelle le président n'a pas de réelle opposition, est largement discréditée auprès des Palestiniens qui lui reprochent corruption et incapacité à mettre fin à l'occupation israélienne.
Mohammad Chtayyeh

Selon la Maison Blanche : «L'administration Trump dévoilera la première phase de son projet tant attendu pour la paix au Moyen-Orient le mois prochain lors d'une conférence régionale qui devrait révéler les avantages économiques qui pourraient être récoltés si le conflit israélo-palestinien est résolu». Ce plan, élaboré au cours des deux dernières années, prévoit des investissements et des travaux d’infrastructure à grande échelle dans les territoires palestiniens. Les dirigeants palestiniens ont déclaré qu'ils n'avaient pas été consultés sur cette conférence économique organisée par les États-Unis. Le gendre du président américain, Jared Kushner, a conçu un projet axé sur quatre composantes principales, les infrastructures, l'industrie, l'autonomisation et l'investissement dans les ressources humaines, ainsi que les réformes de la gouvernance.
Jared Kushner

Les ministres des Finances de différents gouvernements ont été invités à ce séminaire, notamment des représentants américains, israéliens et arabes mais Mahmoud Abbas estime qu’il n’a pas été «consulté sur cette réunion, ni en ce qui concerne les tenants et les aboutissants, le calendrier, la forme ou le contenu» et donc ne participera pas au séminaire de Bahreïn. Il creuse la tombe d’un État palestinien.
Les Palestiniens ratent encore une occasion comme s’ils avaient peur de faire un pas vers la paix. Mais tous les clans parlent à l’unisson. Ils estiment que la solution politique doit précéder les questions économiques. Ahmed Al-Modallal, dirigeant du Djihad islamique saute à pieds joints sur l’occasion : «Le peuple palestinien refuse les solutions économiques et les initiatives visant à normaliser les relations israélo-arabes au détriment de nos droits politiques et juridiques. Les nations arabes et musulmanes doivent prendre notre parti face à cette injustice». En écho, Kaied al-Ghoul, membre du comité central du mouvement du Front populaire palestinien confirme que : «Le séminaire de Bahreïn est un piège empoisonné, destiné à prouver que les Palestiniens sont le bouc émissaire de la non-normalisation israélo-arabe. Les Palestiniens sont unis face à des tentations aussi minables de compromettre notre cause en échange de légères améliorations de nos conditions de vie».
Kaied al-Ghoul


De son côté et sans surprise, le Hamas refuse l’accord du siècle. Mais il est inadmissible que des hommes d'Eglise, censés favoriser tout ce qui peut conduire au dialogue et à la paix, prennent une position négative pour éloigner toute solution pacifique du conflit israélo-palestinien. En effet, Theodosios Hanna, archevêque de Sebastia, du Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem, a qualifié « l'atelier de Bahreïn d’enchère douteuse sur les droits des Palestiniens qui refusent d'être soumis au chantage et de subir des pressions en utilisant leurs besoins financiers pour compromettre leurs droits». 
Theodosios Hanna

Il va plus loin puisqu’il adjure le Bahreïn de refuser d’accueillir cet événement et revient à la sémantique arabe périmée : «La cause palestinienne n'est pas seulement une question d'amélioration des conditions de vie, mais aussi une lutte contre l'occupation. Il n'y a pas d'autre solution que de mettre fin à cette occupation et de donner à notre peuple palestinien tous ses droits».
Mais il est aussi étonnant que des hommes d'affaires palestiniens sans affiliation politique aient refusé l’invitation de Donald Trump.  Plus incompréhensible est l’attitude de Bachar Masri, fondateur de la nouvelle ville de Rawabi, qui a collaboré étroitement avec les Etats-Unis et Israël ces dernières années, et qui a rejeté l'invitation américaine qui, selon lui, «va à l'encontre du consensus national palestinien. Nous, Palestiniens, sommes capables de faire évoluer notre économie sans interventions extérieures». On se pose la question de l’évolution de l’économie palestinienne qui croule sous les aides.
Bachar Masri

C’est à désespérer de la bonne volonté du monde occidental qui cherche à faciliter le dialogue et qui veut appliquer le principe de la paix par l’économie. Ce n’est pas la première fois que Mahmoud Abbas, dont le mandat est pourtant terminé depuis 2009, rate une occasion parce qu’il est certainement satisfait du statu quo qui garantit son pouvoir et ses revenus personnels et ceux de sa famille. Il offre de l’eau au moulin de ses adversaires nationalistes juifs qui voient dans l’intransigeance palestinienne la confirmation qu’ils n’ont pas de partenaires et qui, de ce fait, n'auront aucune réticence à prendre des décisions unilatérales d’annexion.    

1 commentaire:

bliahphilippe a dit…

Il serait quand meme bon de rappeler aux lecteurs que le but poursuivi par les directions palestiniennes quelque soient l'appellation qu'elles se donnent sous le non de Fatah, Hamas, OLP...) n'est autre que l'élimination d'Israel que ce soit par un processus dit de "paix" -par étapes- ou par la guerre en version Hamas. Que l'on n'a pas entendu un leader ou meme un protestataire palestinien désavouer ce but dans la droite ligne d'Arafat et ses successeurs idolatres du Grand Mufti de Jérusalem ,l'allié des Nazis.. Ce pourquoi contrairement au titre de l'article ,les Palestiniens ne manquent pas une occasion mais ne VEULENT PAS faire une paix exhaustive. Ce qui ne les empeche pas de signer des accords partiaux tant que le but en question n'est pas remis en cause. Comme on dit "le diable se cache dans les détails".Ces détails sont entre autres le droit au retour de millions de palestiniens, l'occupation sous leur houlette de Jerusalem -avec la benediction et l'encouragement du Vatican pour des raisons théologiques qui sont celles véritables du Mgr catholique orthodoxe qui ne supporte pas que des juifs opérent un retour national sur cette terre au risque de menace theologique pour l'ideologie du christianisme alors que ce dernier sait pertinemment que les églises disparaissent par aggression musulmanes dans les territoires palestiniens. Il n'est pas evoqué non plus l'enseignement de la haine promue dans les manuels scolaires palestiniens tant à Gaza que dans les territoires dits "occuppés". La solution de partage "rationnel" n'existe que dans la tete des Occidentaux et de la Gauche laquelle à force de s'obstiner ne fait que perdre des élections.