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jeudi 16 mai 2019

Gideon Saar est le seul opposant à Netanyahou



GIDEON SAAR EST LE SEUL OPPOSANT À NETANYAHOU

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps



Gideon Saar ne s’en cache plus. Il a annoncé à Benjamin Netanyahou qu’il briguait non seulement la direction du Likoud mais aussi le poste de premier ministre. Il ne compte pas être plus longtemps une potiche au Likoud et c’est pourquoi il se comporte comme un vrai opposant au sein même de son parti. Ses critiques violentes et publiques, le 5 mai, sur le cessez-le-feu conclu avec le Hamas et le Djihad islamique ont été le signe qui ne trompe pas : «Le cessez-le-feu, dans les circonstances où il a été conclu, n’a apporté aucun résultat à Israël. Le délai entre les attaques violentes contre Israël et ses citoyens se raccourcit et les organisations terroristes à Gaza se renforcent entre elles. La guerre n'a pas été empêchée mais remise à plus tard».


Cabinet sécurité

Netanyahou est directement visé car il dirige la politique étrangère et sécuritaire du pays et impose ses vues au Cabinet de sécurité, totalement à ses ordres. Gideon Saar a pris cette liberté quand il a compris qu’il n’obtiendrait aucun portefeuille ministériel dans le nouveau gouvernement. Il est étonnant que Benjamin Netanyahou fasse une erreur stratégique de ce genre car il a plutôt intérêt à museler un opposant aussi déterminé, quitte à lui offrir un ministère difficile où il pourrait se casser les dents. Il avait d’ailleurs bien agi à l’époque en plaçant Yaïr Lapid au ministère des finances où il n’avait aucune compétence au point d'être totalement neutralisé. 
Gideon Saar organise en fait la dissidence de l’intérieur depuis son retour au Likoud après quelques années sabbatiques. Et ce n’est pas nouveau. Le Likoud l’avait déjà accusé avant les dernières élections : «d’avoir rejoint la gauche» : «Depuis 2015, lorsqu'il a attaqué le Likoud et le Premier ministre sans relâche, Gideon Saar avait un objectif : éliminer Benjamin Netanyahou, Premier ministre et président du Likoud. Les excuses changent, mais l'objectif ne change pas. Gideon Saar ne donne même pas un instant de crédit au premier ministre et se joint immédiatement aux attaques lancées à gauche par Benny Gantz et Tzivka Hauser, qui a fait défection à gauche et sont sous le commandement de Saar et continuent de se coordonner avec lui». 
Hauser au gouvernement (à droite) 

Netanyahou avait mal accepté que Tvika Hauser, son secrétaire du gouvernement de 2009 à 2013 ait rejoint l’opposition et le parti Bleu-Blanc. Netanyahou avait alors qualifié cette prise de «complot du siècle» mais en fait il s’agit d’une première faille dans l’unanimité au sein du parti. 
Gideon Saar est convaincu que même si Netanyahou cherche à gagner du temps, il ne pourra pas échapper à la justice, donc il se prépare. Selon lui, les gesticulations du premier ministre pour essayer de changer la loi afin d’éviter l’inculpation ne parviendront pas à attirer une majorité à la Knesset. Donc Saar veut être le premier sur les rangs dans l’ordre de la succession. Il n’est pas seul mais ses amis gardent volontairement le silence dans le cadre d’une stratégie bien élaborée. Il s’agit de ne pas abattre ses cartes trop tôt.
Le conflit entre Saar et Netanyahou date de plusieurs années et des rumeurs prétendent que le premier ministre détiendrait un dossier sulfureux sur son adversaire. La volonté de Saar d’agir au grand jour semble à présent démentir ces faits. Le président du Likoud avait tout fait pour l’empêcher de se présenter aux primaires, en vain. Non seulement il a figuré sur la liste des candidats, mais il a été désigné à la quatrième place de la liste par les militants démontrant ainsi sa côte de popularité qui n’a jamais été écornée. 

Sa «réconciliation historique» avec Netanyahou au lendemain de l’élection fut de courte durée, pour la galerie, et pour calmer l’inquiétude de certains militants craignant une scission éventuelle du parti. Saar l’envisage à présent avec sérieux et s’affirme comme le leader de l’opposition interne au sein du parti.
Pour l’instant les frondeurs restent discrets pour ne pas être la cible du parti. Certains se sont déjà affichés à l’instar de Michal Shir, Keren Barak et Sharren Haskel mais d’autres députés n’attendent que le signal pour sauter le pas. Gideon Saar surfe sur le mécontentement au sein du Likoud qui voit les principaux portefeuilles, la défense, les finances et l’éducation attribués à d’autre partis minoritaires. 
Michal Shir

De nombreux déçus ne supportent pas d’être relégués à des strapontins ministériels. Cela explique d’ailleurs les difficultés de la constitution du nouveau gouvernement car Netanyahou doit ménager la chèvre et le chou. On pensait qu’il s’agissait d’une formalité or le premier ministre a été contraint, devant les difficultés, de demander un délai supplémentaire de 14 jours.
Contrairement à l’idée admise, le Likoud n’est pas monolithique, bien que la majorité soit totalement inféodée au premier ministre. Les héritiers de Begin, dont son fils Benny, et d’autres comme Dan Meridor, ont toujours exprimé des réserves sur la méthode autocratique avec laquelle est conduit le parti. Le Likoud n’est plus consulté sur les décisions importantes de politique étrangère et de sécurité qui restent l’exclusivité du premier ministre et de lui seul.
Saar pourra mesurer son influence véritable au sein du parti lors de l’initiative des partisans de Netanyahou de modifier la loi existante pour assurer son immunité. Beaucoup de députés hésitent à s’engager sur un amendement au profit de Netanyahou. Saar sera à la tête de ceux qui s’opposeront à la tentative de sauver Netanyahu de poursuites pénales et compte sur la Cour Suprême pour dire le droit.
Netanyahou est conscient du danger et il fait tout pour isoler Saar en attribuant à ses soutiens potentiels des portefeuilles. Il a ainsi promis le ministère des affaires étrangères à Israël Katz qui en rêve depuis plusieurs années. Des dirigeants du Likoud souhaitent modifier l’équilibre actuel au parti en proposant à Ayelet Shaked et à ses soutiens de les rejoindre à un haut poste. La leader de la Nouvelle Droite piaffe d’impatience de se retrouver à nouveau aux affaires.
Saar reste digne et évite d’attaquer le premier ministre sur les questions personnelles mais sur les questions sécuritaires. Il aura beaucoup à faire, face à un parti de godillots qui veulent prouver leur fidélité et obéissance à Netanyahou, et qui ne discutent ni la ligne du parti et ni celle du gouvernement. Certains s’étonnent aussi de la discrétion de l’opposition qui s’explique en fait par la volonté de ne pas gêner la démarche de Gideon Saar considéré comme un allié en puissance dans une nouvelle coalition, lestée de son chef actuel.
Cour Suprême

Face aux projets de loi que la coalition souhaite adopter pour restreindre les pouvoirs de la Cour Suprême, Benny Gantz a réagi : «Nous ne tolérerons pas un tel mépris de la loi. Nous nous attendions à l'avance à ce que Bibi fasse tout ce qui est en son pouvoir pour constituer une coalition de forteresses juridiques, mais au mépris de la loi. Il a franchi une ligne rouge contre l’État de droit. Il est inconcevable que nous laissons saper l’État de droit et les bases de la démocratie au profit d’un premier ministre inculpé de trois actes d’accusation».
Netanyahou a en effet l'intention de promouvoir une loi qui priverait la Cour Suprême du pouvoir d'intervenir non seulement en matière de législation, mais également dans les décisions administratives du gouvernement, des ministres ou de la Knesset. Le projet de loi a pour but d'empêcher que Netanyahou soit traduit en justice et à la Cour suprême de lever son immunité. Le Likoud interprète cette décision comme «le rétablissement de l'équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire». En fait, il n'existerait plus de contre-pouvoir en Israël. Disposant d'une majorité à la Knesset et d'un stock de portefeuilles ministériels, Netanyahou pourrait ainsi échapper à ses juges.
Yaïr Lapid est plus radical : «Nous appelons le public à dire que nous menons la  manifestation. Les gens doivent sortir dans les rues avant que la démocratie soit détruite». Sera t-il entendu ?



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