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dimanche 12 mai 2019

La loyauté affirmée des Druzes d'Israël




Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            
Funérailles d'un druze

         En ce jour de Yom Hazikaron, on commémore la mort sur le champ de bataille des Juifs d’Israël mais aussi celle des Druzes qui occupent une place importante dans l'Histoire israélienne. Ils ont participé aux côtés des pionniers juifs à la lutte pour l’indépendance, les armes à la main, sans jamais se départir de leur loyauté. Mais cette commémoration de 2019 leur laisse un goût amer, pour la première fois, parce que la loi sur l’État-nation, adoptée le 19 juillet 2018, les considèrent dorénavant comme des sous-citoyens dès lors qu'Israël est défini comme l’État du seul peuple juif. Malgré leur participation à l’armée, malgré leurs nombreux morts qui ont sacrifié leur vie pour le pays, les Druzes s’estiment à juste titre discriminés.



l‘adjudant Annan Khadour, tombé en janvier 1995, avec sa mère

            Au sommet du mont Carmel, à l’entrée du cimetière, des Juifs ont placardé une banderole avec l’inscription : «Hommage aux soldats druzes tombés ; nous ne vous avons pas honorés comme nous l’aurions dû». Effectivement, de nombreux Druzes figurent parmi les vétérans de Tsahal. Le colonel Safwan, dans une interview exclusive, nous avait expliqué la symbolique de cette secte qui, de tout temps, a été en conflit armé avec les musulmans, prêts à les exterminer. Les Druzes, évalués à 130.000 membres en Israël, ont d’ailleurs gardé l’habitude de vivre dans des collines et des montagnes, pour mieux se défendre contre d’hypothétiques attaques.
Leader druze

Les cimetières druzes ont ceci de spécifique que les tombes sont dépourvues de stèle nominative car les Druzes croient à la réincarnation. Mais ils font une exception émouvante pour les soldats morts pour Israël. Depuis 1938, plus de 400 soldats druzes, sur 23.741 Israéliens, ont sacrifié leur vie pour le pays qui est aussi le leur. Parce qu’ils ont la tradition de se défendre contre des ennemis héréditaires musulmans qui contestent leur croyance, ils cultivent le sentiment de défense en servant dans Tsahal. 83% des jeunes druzes font l’armée et ils en sont fiers.
            Alors, quand ils donnent leur vie en tant que soldats et officiers, ils sont furieux que la loi considère l’État d’Israël comme «le seul foyer national du peuple juif», les classant de fait comme des citoyens de seconde zone. Ils estiment que, depuis 1948, ils ont signé un «pacte de sang» avec Israël. Le général de brigade druze Amal Assad s’est insurgé : «Tout ce que nous voulons, c’est être des citoyens égaux. Juifs, druzes, chrétiens, musulmans, bédouins... Nous sommes tous des Israéliens». Parce qu’il s’inquiétait que la nouvelle loi risquait «d’emprunter le chemin de l’apartheid», il avait provoqué le départ brutal et théâtral du premier ministre lors d’une réunion avec les leaders druzes.
Général druze Amal Assad

            Les Druzes ne s’opposent pas à cette loi mais ils souhaitent qu’elle soit amendée pour proclamer l’égalité entre tous les citoyens et pour offrir aux minorités qui servent dans l’armée ou la police des exceptions et des avantages. Selon l’ancien député Amal Naser Eldeen, qui a perdu un fils en 1969 durant la guerre d’usure avec l’Égypte et un petit-fils à Gaza en 2008 : «C’est leur droit d’avoir un État juif, mais nous demandons une loi qui protège les Druzes en particulier, parce que nous les avons soutenus depuis toujours. Dans la famille Naser Eldeen, on est prêt à payer le prix du sang pour l’État et s’il le faut, un druze israélien se battra contre un druze libanais».
            Cette loi a changé l’état d’esprit des Druzes : «Avant, on faisait flotter le drapeau israélien sur notre toit. Plus maintenant. Je suis fier de dire que j’ai réussi à faire changer d’avis ma famille sur l’armée. Je ne pense pas que mes frères feront faire le service militaire à leurs fils. Maintenant le débat au sein de ma famille est de savoir si on est israéliens ou palestiniens. Ma grand-mère et moi, nous nous considérons comme palestiniens».
            Le nouveau gouvernement devra tout faire pour réinsérer les Druzes dans la nation israélienne alors qu’ils n’ont jamais failli à leur loyauté depuis la création de l’Etat. Benny Gantz avait promis de modifier la loi s'il était élu. En ce jour de Yom Hazikaron, le peuple israélien doit se rassembler quelle que soit sa religion. 

Deux articles sur les Druzes



5 commentaires:

Jacques ZACHARIAS a dit…

C'est la première fois que je ne suis pas d'accord avec Israel. Cette loi doit être amendée et doit confirmer que les Druzes ont mérité de vivre en Israel aux cotés des juifs par le sang versé !

Elizabeth GARREAULT a dit…

Loi inutile et blessante faite pour satisfaire les populistes et les nationalistes qui de toute façon n'en n'ont jamais assez.

Emmanuel DOUBCHAK a dit…

Je pense que notre système n'étant que superficiellement démocratique, le pays ne pense pas comme le pouvoir et que la majorité des sionistes dans ce pays ressent un profond respect pour la communauté druze, avant même qu'elle soit jugée à l'aune du sang versé, mais pour sa participation à la construction nationale. Plus que des groupes qui ne sont que des tribus aux intérêts spécifiques et ne considérant jamais l'intérêt général...

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Les Druzes seraient-ils pour Israël ce que les harkis, ces "supplétifs de l'armée française", sont pour la France ?
Comme les Druzes d'Israël ils ont combattu le FLN avec l'armée française mais ont été abandonnés par la France. Tandis que les uns ont été massacrés après les accords d'Evian, les autres qui avaient pu rejoindre la Métropole ont été parqués dans des camps dès leur arrivée.
Emmanuel Macron avait décidé de "régler la question une fois pour toutes" par "un geste fort de reconnaissance". La cérémonie était programmée pour décembre dernier mais a été reporté...
Quant aux harkis et descendants de harkis, ils en appellent au président Macron par le truchement de Boaza Gasmi, le président du Comité National de Liaison des Harkis (CNLH) :

"... Rappelons au Président de la République que nous voulons au titre de la reconnaissance une véritable loi votée par le Parlement, pour le désarmement et l'abandon des anciens soldats Harkis, commis volontairement par l’État français en 1962, Harkis livrés aux mains de leurs bourreaux, en proie aux pires représailles ! Une véritable loi qui reconnaisse les conditions d’accueil indignes et inhumaines des rescapés dans des camps militarisés en France, des prisons désaffectées, des hameaux de forestage, quand ils ne furent pas directement reconduits en Algérie !!!



Et que dire de ce PARDON que nous n’avons encore jamais eu, 56 ans après ?



L’État français a une dette immense envers les anciens soldats Harkis, et doit également œuvrer à la réparation pécuniaire de l’intégralité des préjudices subis après les accords d’Évian et l’indépendance de l’Algérie.



C’est en ce sens, et seulement en ce sens, que nous pourrons être fiers de porter ces médailles, dès lors qu’elles trouveront un écho hautement symbolique et historique dans la concrétisation de la volonté présidentielle de régler et de clore définitivement le dossier Harkis à la hauteur des souffrances endurées et des sacrifices consentis."



Très cordialement.

Ulysse75010 a dit…

Je ne comprends vraiment ni les druzes ni les commentaires.
La loi de l'État-Nation n'enlève aucun droit aux musulmans ni aux chrétiens israéliens.
Les droits antérieurs restent acquis, valables, et rien ne leur est enlevé.
Le seul droit qui n'appartient qu'aux juifs dans leur État est le droit d'auto-détermination.
L'auto-détermination en Israël ne peut pas aboutir à changer le caractère juif de l'État, les musulmans, même s'ils arrivaient à être majoritaires ne pourront pas islamiser le pays qui doit rester juif envers et contre tout (et surtout envers et contre tous)
C'est ce seul droit que la loi sur l'État-Nation enlève aux musulmans et aux chrétiens.
Pour autant, il y aura toujours des députés , des chefs de services hospitaliers des avocats, pourquoi pas des ministres arabes et chrétiens.
Il n'y aura jamais de bus, boutique, etc. interdits à qui que ce soit (la marque de l'apartheid).