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lundi 12 novembre 2018

L'Etat de droit en danger en Israël



L’ÉTAT DE DROIT EN DANGER EN ISRAËL

par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            
Dina Zilber

          Depuis l’arrivée en 2015 au gouvernement d’Ayelet Shaked, ministre de la justice, la Cour suprême est la cible de toutes les attaques de la droite. Des nouvelles lois sont proposées pour limiter les droits de certaines institutions qui assurent pourtant un contrepoids au pouvoir en place, quel qu’il soit,  et la permanence de la démocratie en Israël.  Mais aujourd’hui la critique devient impossible parce qu’elle est assimilée à une volonté de nuire au gouvernement. Israël est considéré comme la seule démocratie au Moyen-Orient mais sa réputation est de jour en jour écornée. 



Shaked - Mandelblit

            La dernière péripétie politique concerne l’adjointe du procureur de l’État, Avichai Mandelblit. La vice-procureure générale Dina Zilber a osé critiquer la loi du gouvernement sur la «loyauté envers la culture», promue par la ministre Miri Regev, non pas dans un but partisan, mais pour défendre publiquement le système juridique israélien contre tout affaiblissement. La commission de l'éducation et de la culture a entamé le débat sur la loi «fidélité à la culture» après l'avoir approuvée en première lecture.
Dina Zilber a déclaré que l'amendement proposé soulève de sérieuses difficultés car «la loi accorde des pouvoirs considérables au point de refuser des budgets, tout en créant un effet  d'autocensure». Il s’agit plus qu’un simple avis juridique exprimant des réserves sur le projet de loi proposé par la ministre de la Culture, Miri Regev. Dina Zilber visait à protester contre le projet du gouvernement, avec l’accord total du procureur lui-même : «Les temps ne sont pas faciles. Ils n'apportent pas seulement de nouvelles lois, mais même de nouveaux mots, gouvernance, loyauté, primauté. Nous assistons à un dialogue de confrontation, à la blessure et à la cicatrisation de notre tissu social, de notre étiquetage et de notre image de marque partagés - qui est pour nous et qui est contre nous».
Miri Regev

            Cette législation controversée vise à permettre au ministère de la Culture de supprimer les subventions pour toutes sortes de raisons, notamment la négation de l’existence d’Israël en tant qu’État juif et démocratique, l’incitation au racisme, l’appui au terrorisme, la profanation du drapeau, l'anniversaire de l'indépendance d'Israël comme jour de deuil (le jour de la Nakba des Palestiniens). Mais ces raisons restent subjectives, à la merci d’un fonctionnaire zélé. Cette loi, d’inspiration de la droite nationaliste, vise à affaiblir le système juridique et en particulier la Cour suprême. Une autre législation, en discussion actuellement, permettrait à la Knesset d'annuler les décisions de la Cour si les députés les jugent constitutionnelles.
            Avec Ayelet Shaked au gouvernement,  Zilber et plusieurs de ses collègues du ministère de la Justice se sont retrouvés tiraillés entre leur obligation de représenter le gouvernement et leur désir de défendre le vieil ordre démocratique. Dans le cas de la loi sur la culture, le procureur général lui-même a exprimé des réserves : «La culture est synonyme de liberté d'imagination et de beauté. Cela signifie une multiplicité de voix, du courage, du défi et de la franchise. Cela signifie une liberté d’expression qui ne cherche pas à louer le pouvoir de manière non sincère, généralement pour en tirer quelque avantage. Il ne s’agit pas de l’adapter constamment pour répondre aux exigences des normes gouvernementales».
             Ayelet Shaked a estimé devoir lancer une attaque personnelle contre Zilber qui, selon elle, a exprimé des opinions personnelles. Elle a exigé purement et simplement son licenciement auquel s’oppose Mandelblit. Les fonctionnaires de ministère de la justice ont appuyé en masse leur collègue procureure. Cependant, l’affaire s’est transformée en une confrontation entre la gauche attachée à l’État de droit et la droite idéologique et anti-institutionnelle. Zilber, très puissante au ministère de la Justice, a toujours défendu les positions et les initiatives législatives du gouvernement, souvent contre ses convictions personnelles et sa vision du monde. 
La compagnie nationale de théâtre Habima s'est produite pour la première fois à Kyriat Arba,

          Mais quand une loi porte atteinte aux libertés, alors elle n’hésite pas à marquer son désaccord avec le gouvernement. Elle avait d’ailleurs, en 2017, critiqué les budgets des implantations en Cisjordanie en exposant des points de vue divergents des positions officielles prises par Ayelet Shaked. Elle s’est opposée aussi à elle quand la ministre de la justice avait présenté un projet de loi pour donner aux ministres le droit de choisir les conseillers juridiques de leur ministère au lieu du système actuel par appel de candidatures qui garantit leur indépendance. Zilber et Mandelblit craignent que cela porte atteinte à la liberté des conseillers juridiques en les rendant dépendants des jeux politiques. Mandelblit, qui est un très proche de Netanyahou ne peut pas être accusé de déviation gauchiste. Il sait que les lois peuvent être perverties par des mauvais esprits.
            Alors qu’elle est issue d’une famille révisionniste, donc d’obédience de droite, Dina Zilber est devenue une icône de la gauche et du système juridique et le symbole de l’indépendance des institutions contre la force brutale des politiques. Elle tient bon malgré les interviews et les prises de positions de Shaked dans les réseaux sociaux qui la caricaturent pour la forcer à démissionner car, selon la ministre, «le discours de Zilber est plus approprié à une manifestation de la gauche ; les conseillers deviennent des politiciens».
Les ciseaux de la censure

Pourtant, malgré ces attaques personnelles, Dina Zilber ne se considère pas comme une victime. Elle reste une femme concentrée, forte et intelligente qui a sa propre vision du monde. Effectivement elle a pris une position publique mais elle a ressenti un sentiment d'urgence, pour empêcher l'État de se fourvoyer dans une mauvaise direction. Sachant pourtant que ses commentaires auraient des implications politiques, elle a pris dans l’urgence un risque calculé car elle se savait intouchable. Beaucoup d’hommes politiques ont loué son courage face à Ayelet Shaked qui aura du mal à présent à avoir sa tête.

Eyal Yinon

Mandelblit soutient la position de Zilber :  «La loyauté envers la culture est un oxymore. La Déclaration d'indépendance appelle à être un peuple libre dans notre pays en général et, surtout, dans la culture». Eyal Yinon, conseiller juridique de la Knesset, a déclaré : «Il est plus approprié de parler de la loyauté de l'État à la culture et non de la loyauté de la culture à l'État. Dans l'État d'Israël, la culture et l'art sont principalement fondés sur le soutien budgétaire du gouvernement et des autorités locales. Dans la réalité israélienne, la décision d'arrêter totalement ou partiellement le soutien à une institution culturelle signifie sa suppression». Pourtant 55 membres de la Knesset ont appuyé le projet de loi contre 44 ce qui dénote l’asservissement des députés de la majorité à un ordre politique suprême. 
Seules les dictatures ont réussi à mettre en otage la culture en limitant les nombreuses œuvres, littéraires ou musicales, contestées en usant de l’arme de l’argent comme nerf de la guerre.

7 commentaires:

Arie WOLFF a dit…

Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver.
-Joseph Goebbels.

bliahphilippe a dit…

Le débat me parait plus profond.Il pose la question de la limite de la liberté d'expression dans un Etat-le seul au monde- que certains,trop nombreux de ses détracteurs soutenus le plus souvent avec des fonds étrangers hostiles souhaitent détruire, sans nul besoin de préciser que malgré les apparences cet état est encore en situation de guerre.
Nul ne peut nier qu'objectivement il y'a eu des abus en ce sens commis par des artistes dits de gauche et par des palestiniens particuliérement engagés soutenus par des mouvements avides de leur donner une tribune en Israel meme.

Admettons cette situation au nom de la liberté d'expression. Mais au nom de quelles valeurs l'Etat devrait il accepter d'octroyer avec nos impots des subventions à ces gens qui heurtent la raison d'etre d'une majorité? Y'a til réciprocité chez les ennemis de l'Etat juif? Evidemment non. Il se trouve à l'étranger suffisamment de lieux et d'argent pour les maintenir en état de nuire pour ne pas en rajouter à l'intérieur du pays.

Pour en revenir a la Cour Supreme, il n'est un secret pour personne que le Droit n'a rien d'abstrait dans son application .Il est le reflet d'une idéologie. Or l'impression est que la Cour Supreme est disons moins souvent en phase que par le passé avec le sentiment majoritaire exprimé.

On peut le regretter ou s'en réjouir, mais c'est une autre affaire.

Nadine VERED a dit…

Il s'agit de trouver un juste milieu entre le respect de la liberté de création, et l'auto-destruction. Ne pas donner de subventions aux œuvres en faveur de la destruction de l'Etat d’Israël, c'est bien. J'ajouterais qu'il faut aussi empêcher la subvention de ces œuvres par des pays étrangers malintentionnés. Ma fille a étudié a Betsalel, et ce qu'elle m'en a raconte, était plutôt affligeant, en termes de haine du judaïsme et du sionisme.

Jacques BUSSEUIL a dit…

Nous avons aussi des débats en France sur la liberté d’expression dans les productions artistiques, et ses nécessaires limites (incitation à la haine), mais en comparant ce même débat en France et en Israel, on constate un net décalage du côté de la censure, en Israël, susceptible en effet de mettre en danger l’état de Droit. Le gouvernement voudrait y prendre une part du pouvoir judiciaire!

Gilbert BRAMI a dit…

L'état nation juif-Israël est menacé quotidienement de disparition par certains états du Proche et du Moyen-Orient ainsi que par les organsation terroristes; celles-ci contestent son droit à exister sur la terre ancestrale - Cette terre de Canaan que le Coran confirme dans deux sourates différentes : "Allah a donné le pays de Canaan aux Enfants d'Israël. "

Si, effectivement la Cour suprême prend des mesures contredisant le
droit de tout pays à se défendre contre ses ennemis intérieurs et extérieurs. C'est l'ETAT NATION JUIF-ISRAËL qui est en danger pas l'ETAT de DROIT !

Jean SMIA a dit…

Dans une démocratie, faut-il accorder le droit d’expression à ceux qui veulent supprimer le droit d’expression ?

Patrick a dit…

Tout à fait d'accord avec Philippe.
La qualification de dictature est inacceptable.