TSAHAL N’A JAMAIS CRAINT LES RUSSES
Par Jacques BENILLOUCHE
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S-300 |
L’implication
de plus en plus visible des Russes en Syrie et l’installation des missiles
S-300 n’inquiètent pas outre mesure l’État-major israélien qui a déjà connu à
plusieurs époques des situations similaires. Les bateaux russes d’écoute, maquillés en
bateaux de pêche, qui patrouillent le long des eaux territoriales israéliennes,
font à présent partie du paysage. Ils sont reconnaissables aux radars et aux
grandes antennes, avec à leur bord des dizaines d’ordinateurs et de soldats
russes qui possèdent une excellente connaissance de l’hébreu.
La Russie a toujours fait peur en
Occident car elle dispose d'un arsenal nucléaire suffisant pour anéantir une
région entière. D’ailleurs, contrairement à sa réputation de militaire qui
faisait trembler les Arabes à la seule vue de son bandeau sur l’œil, Moshé
Dayan avait une peur maladive des Russes. Cette crainte l'avait convaincu d'évacuer en toute urgence le Sinaï après la Campagne de Suez de
1956. Il faut dire qu’à cette époque, Israël n’avait pas de couverture aérienne
et disposait d’une armée encore embryonnaire.
La
Guerre de Six-Jours avait modifié la situation en donnant plus d’assurance aux
militaires et plus d’initiative. L'expansion de la présence soviétique en
Égypte avait augmenté la probabilité d'une confrontation directe avec les
forces soviétiques. Ainsi durant la guerre d’usure de 1969/1970, l’artillerie
israélienne avait coulé un navire soviétique à Port-Saïd après un échange
d’obus avec les troupes égyptiennes. Les Soviétiques avaient alors protesté
mollement.
Aviem Sella |
Le 30 juillet 1970, deux Mirage et huit Phantom israéliens ont
affronté douze Mig-21 conduits par des pilotes soviétiques. Sous la conduite du
héros Aviem Sella, cinq Mig furent abattus en moins d’une minute poussant les
autres à fuir vers leur base d’origine. L’explication donnée à l’époque était
que les pilotes russes manquaient d’originalité dans leurs manœuvres et qu’ils
s’étaient trouvés pour la première fois en situation de combat réel. En fait la
qualité l’avait emporté sur la quantité.
Le
9 juin 1982 durant la guerre du Liban, l’aviation israélienne avait détruit 17
batteries de missiles soviétiques Sam-6 qui s’étaient approchées de trop près
des troupes israéliennes. Les militaires russes se posent encore aujourd’hui la
question comment la chasse israélienne avait pu agir sans perdre un seul de ses
avions.
En
septembre 1982 un chasseur israélien fut abattu dans la Bekaa libanaise. Des
techniciens russes ont été envoyés immédiatement sur place pour analyser les
débris et récupérer toute l’électronique du chasseur. Mais c’était sans compter
sur l’aviation israélienne qui a immédiatement bombardé le lieu de la chute,
faisant onze morts parmi les Russes. Moscou avait gardé le silence jusqu’à la
diffusion de l’information par le Times de Londres, longtemps après.
En
octobre 1983 la Russie avait constaté des failles dans sa protection
anti-aérienne en Syrie. Elle installa alors un système de brouillage
électronique ultra perfectionné qui avait posé de sérieuses difficultés aux avions
espions israéliens Hawkeye fournis par les Etats-Unis tandis que des Mig-25,
pilotés par des soviétiques et équipés de matériel spécial de haute technologie,
opéraient dans la région pour suivre les vols israéliens. Mais la guerre du
Liban était déjà terminée en 1982 et Tsahal n’avait plus de raison d’intervenir
dans la région.
C’est
à partir de 1987 et sous l’égide de Shimon Peres que la Russie renonça à toute
action militaire contre Israël, et rechercha un terrain d’entente avec Tsahal, convaincue
par ailleurs que les militaires arabes n’étaient pas du niveau et qu’elle
n’avait aucun intérêt à intervenir à leur place.
Les dirigeants israéliens sont
convaincus aujourd’hui que les batteries de S-300 que la Russie a remis à la
Syrie à la suite de l’incident avec l’Il-20 russe, ne seront pas en mesure d’empêcher
les nouveaux avions furtifs F-35 furtifs d’agir à leur guise car pour
l’instant, ils ne peuvent pas être repérés. Par ailleurs, le ministre russe de
la Défense, Sergueï Choïgou, a annoncé qu’au cours des trois prochains mois,
les spécialistes syriens seront formés au maniement de ces systèmes. Cela
laisse donc un certain temps à Tsahal pour analyser la situation avec précision
et trouver la parade pour intervenir en évitant d’entrer en conflit avec la
Russie.
Formation des Syriens |
Tsahal a déjà pris des mesures pour
coordonner au mieux l’action des chasseurs bombardiers, des hélicoptères
d’attaque, des avions de guerre électronique, des drones et des satellites
d’observation. Le commandement aérien et spatial créé sur le modèle de l’US Air
and Space Command pour renforcer les synergies entre Israël et les États-Unis
permettra de superviser l’ensemble des forces aériennes, mais aussi le centre
spatial de Palmahim au sud de Tel-Aviv, les satellites de reconnaissance en
orbite terrestre (Ofeq 7, 8 et 9) et les batteries de missiles antimissiles.
L’efficacité de ce commandement
est telle qu’il sera relié directement au quartier général de l’US Air and Space
Command, sur la base Peterson au Colorado, qui surveille l’espace aérien
israélien et qui peut prendre la main pour coordonner l’interception de cibles
hostiles. Cette coopération est d’autant plus étroite que les États-Unis
disposent d’une base radar dans le désert du Néguev dans le cadre de leur
bouclier antimissile, et mènent des exercices conjoints avec Tsahal. Israël se
sent donc rassuré à la fois pour se défendre mais aussi pour mener des
opérations préventives contre le Hezbollah et les troupes iraniennes installées
en Syrie malgré la présence russe.
Il est probable qu’Israël
changera de tactique en accroissant plutôt sa guerre secrète contre l’Iran pour
éviter de se trouver face à face avec les Russes. Israël continuera ses frappes
périodiques contre les Iraniens en Syrie et contre les cibles du Hezbollah. La
seule question reste toutefois la fréquence de ces attaques contre les
installations et le personnel iraniens. Le président Donald Trump a décidé de
fournir de nouveaux avions furtifs F-35 en réponse aux quatre batteries de
défense antiaérienne S-300. Les Etats-Unis veulent qu’Israël maintienne les
opérations de l'armée de l'air israélienne au-dessus de la Syrie, malgré le
renforcement de la défense aérienne russo-syrienne.
Destruction de l'usine en 2007 (Avant-après) |
Mais Israël dispose de
techniques modernes pour continuer ses raids. On se souvient que dans la nuit
du 5 au 6 septembre 2007, l’aviation israélienne avait mené un raid audacieux
sur la centrale nucléaire syrienne de Deir Ez-Zor. L’État-major avait écarté l’option d’une
formation de plusieurs dizaines d’appareils, plus détectables et vulnérable. Tsahal
avait décidé d’éviter d’aller droit sur la cible et de contourner la Syrie.
Mais l’originalité de cette mission tient dans la première phase de l’attaque. Le
raid israélien a été précédé d’une vaste offensive informatique aveuglant les
réseaux électroniques syriens, en prenant ponctuellement leur contrôle malgré
la présence de systèmes antiaériens. A ce jour, les Russes n’ont pas réussi à
découvrir la technique secrète utilisée qui a permis aux avions israéliens de
ne pas être inquiétés et de ne pas être détectés par les radars russes.
F22 |
Les Etats-Unis ont décidé de venir en renfort avec l’envoi
au Proche-Orient d’avions furtifs F-22 Raptor qui seront déployés autour de la
Syrie pour contrer la montée en puissance des intercepteurs russes et le
déploiement du système de missiles sol-air S-300.
Mais la Russie ne veut pas se trouver en
conflit ouvert avec Israël. D’ailleurs les dernières informations font état de
servants russes et non pas syriens pour les S-300 installés dans leurs bases. Cela évitera ainsi
tout dérapage et toute initiative malheureuse des Syriens.
2 commentaires:
Savez-vous oublié le F-16 abattu il y a quelques mois, alors imaginez avec les S-300 ou S-400.
Cher monsieur Benillouche,
Tsahal n'a jamais eu peur des Russes, dites-vous - et c'est tout à son honneur - mais je n'ai aucun souvenir que, jusqu'à aujourd'hui, Israël se soit vu confronté à la Russie dans une guerre.
Donc, comme le craignait Alastair Crooke, ces derniers jours, c'est bien une guerre que Donald Trump s'apprêterait à mener en Syrie contre l'Iran et la Russie, par Israéliens interposés. Car il paraît difficile de faire la guerre, sans la faire, tout en la faisant !
https://www.les-crises.fr/est-ce-quun-nouveau-suez-est-en-preparation-pour-la-syrie-par-alastair-crooke/
Très cordialement.
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