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mercredi 10 octobre 2018

Tsahal n'a jamais craint les Russes



TSAHAL N’A JAMAIS CRAINT LES RUSSES

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            
S-300

          L’implication de plus en plus visible des Russes en Syrie et l’installation des missiles S-300 n’inquiètent pas outre mesure l’État-major israélien qui a déjà connu à plusieurs époques des situations similaires. Les bateaux russes d’écoute, maquillés en bateaux de pêche, qui patrouillent le long des eaux territoriales israéliennes, font à présent partie du paysage. Ils sont reconnaissables aux radars et aux grandes antennes, avec à leur bord des dizaines d’ordinateurs et de soldats russes qui possèdent une excellente connaissance de l’hébreu.



La Russie a toujours fait peur en Occident car elle dispose d'un arsenal nucléaire suffisant pour anéantir une région entière. D’ailleurs, contrairement à sa réputation de militaire qui faisait trembler les Arabes à la seule vue de son bandeau sur l’œil, Moshé Dayan avait une peur maladive des Russes. Cette crainte l'avait convaincu d'évacuer en toute urgence le Sinaï après la Campagne de Suez de 1956. Il faut dire qu’à cette époque, Israël n’avait pas de couverture aérienne et disposait d’une armée encore embryonnaire.
            La Guerre de Six-Jours avait modifié la situation en donnant plus d’assurance aux militaires et plus d’initiative. L'expansion de la présence soviétique en Égypte avait augmenté la probabilité d'une confrontation directe avec les forces soviétiques. Ainsi durant la guerre d’usure de 1969/1970, l’artillerie israélienne avait coulé un navire soviétique à Port-Saïd après un échange d’obus avec les troupes égyptiennes. Les Soviétiques avaient alors protesté mollement. 
Aviem Sella

          Le 30 juillet 1970, deux Mirage et huit Phantom israéliens ont affronté douze Mig-21 conduits par des pilotes soviétiques. Sous la conduite du héros Aviem Sella, cinq Mig furent abattus en moins d’une minute poussant les autres à fuir vers leur base d’origine. L’explication donnée à l’époque était que les pilotes russes manquaient d’originalité dans leurs manœuvres et qu’ils s’étaient trouvés pour la première fois en situation de combat réel. En fait la qualité l’avait emporté sur la quantité.
            Le 9 juin 1982 durant la guerre du Liban, l’aviation israélienne avait détruit 17 batteries de missiles soviétiques Sam-6 qui s’étaient approchées de trop près des troupes israéliennes. Les militaires russes se posent encore aujourd’hui la question comment la chasse israélienne avait pu agir sans perdre un seul de ses avions.
            En septembre 1982 un chasseur israélien fut abattu dans la Bekaa libanaise. Des techniciens russes ont été envoyés immédiatement sur place pour analyser les débris et récupérer toute l’électronique du chasseur. Mais c’était sans compter sur l’aviation israélienne qui a immédiatement bombardé le lieu de la chute, faisant onze morts parmi les Russes. Moscou avait gardé le silence jusqu’à la diffusion de l’information par le Times de Londres, longtemps après.    
            En octobre 1983 la Russie avait constaté des failles dans sa protection anti-aérienne en Syrie. Elle installa alors un système de brouillage électronique ultra perfectionné qui avait posé de sérieuses difficultés aux avions espions israéliens Hawkeye fournis par les Etats-Unis tandis que des Mig-25, pilotés par des soviétiques et équipés de matériel spécial de haute technologie, opéraient dans la région pour suivre les vols israéliens. Mais la guerre du Liban était déjà terminée en 1982 et Tsahal n’avait plus de raison d’intervenir dans la région. 
            C’est à partir de 1987 et sous l’égide de Shimon Peres que la Russie renonça à toute action militaire contre Israël, et rechercha un terrain d’entente avec Tsahal, convaincue par ailleurs que les militaires arabes n’étaient pas du niveau et qu’elle n’avait aucun intérêt à intervenir à leur place.    
         
Je me demande ce qu'ils nous offrirons la prochaine fois que nous descendrons un autre avion
Les dirigeants israéliens sont convaincus aujourd’hui que les batteries de S-300 que la Russie a remis à la Syrie à la suite de l’incident avec l’Il-20 russe, ne seront pas en mesure d’empêcher les nouveaux avions furtifs F-35 furtifs d’agir à leur guise car pour l’instant, ils ne peuvent pas être repérés. Par ailleurs, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a annoncé qu’au cours des trois prochains mois, les spécialistes syriens seront formés au maniement de ces systèmes. Cela laisse donc un certain temps à Tsahal pour analyser la situation avec précision et trouver la parade pour intervenir en évitant d’entrer en conflit avec la Russie.
Formation des Syriens

Tsahal a déjà pris des mesures pour coordonner au mieux l’action des chasseurs bombardiers, des hélicoptères d’attaque, des avions de guerre électronique, des drones et des satellites d’observation. Le commandement aérien et spatial créé sur le modèle de l’US Air and Space Command pour renforcer les synergies entre Israël et les États-Unis permettra de superviser l’ensemble des forces aériennes, mais aussi le centre spatial de Palmahim au sud de Tel-Aviv, les satellites de reconnaissance en orbite terrestre (Ofeq 7, 8 et 9) et les batteries de missiles antimissiles.
L’efficacité de ce commandement est telle qu’il sera relié directement au quartier général de l’US Air and Space Command, sur la base Peterson au Colorado, qui surveille l’espace aérien israélien et qui peut prendre la main pour coordonner l’interception de cibles hostiles. Cette coopération est d’autant plus étroite que les États-Unis disposent d’une base radar dans le désert du Néguev dans le cadre de leur bouclier antimissile, et mènent des exercices conjoints avec Tsahal. Israël se sent donc rassuré à la fois pour se défendre mais aussi pour mener des opérations préventives contre le Hezbollah et les troupes iraniennes installées en Syrie malgré la présence russe.
Il est probable qu’Israël changera de tactique en accroissant plutôt sa guerre secrète contre l’Iran pour éviter de se trouver face à face avec les Russes. Israël continuera ses frappes périodiques contre les Iraniens en Syrie et contre les cibles du Hezbollah. La seule question reste toutefois la fréquence de ces attaques contre les installations et le personnel iraniens. Le président Donald Trump a décidé de fournir de nouveaux avions furtifs F-35 en réponse aux quatre batteries de défense antiaérienne S-300. Les Etats-Unis veulent qu’Israël maintienne les opérations de l'armée de l'air israélienne au-dessus de la Syrie, malgré le renforcement de la défense aérienne russo-syrienne.
Destruction de l'usine en 2007 (Avant-après)

Mais Israël dispose de techniques modernes pour continuer ses raids. On se souvient que dans la nuit du 5 au 6 septembre 2007, l’aviation israélienne avait mené un raid audacieux sur la centrale nucléaire syrienne de Deir Ez-Zor. L’État-major avait écarté l’option d’une formation de plusieurs dizaines d’appareils, plus détectables et vulnérable. Tsahal avait décidé d’éviter d’aller droit sur la cible et de contourner la Syrie. Mais l’originalité de cette mission tient dans la première phase de l’attaque. Le raid israélien a été précédé d’une vaste offensive informatique aveuglant les réseaux électroniques syriens, en prenant ponctuellement leur contrôle malgré la présence de systèmes antiaériens. A ce jour, les Russes n’ont pas réussi à découvrir la technique secrète utilisée qui a permis aux avions israéliens de ne pas être inquiétés et de ne pas être détectés par les radars russes.
F22

Les Etats-Unis ont décidé de venir en renfort avec l’envoi au Proche-Orient d’avions furtifs F-22 Raptor qui seront déployés autour de la Syrie pour contrer la montée en puissance des intercepteurs russes et le déploiement du système de missiles sol-air S-300.
Mais la Russie ne veut pas se trouver en conflit ouvert avec Israël. D’ailleurs les dernières informations font état de servants russes et non pas syriens pour les S-300 installés dans leurs bases. Cela évitera ainsi tout dérapage et toute initiative malheureuse des Syriens.

2 commentaires:

Ibrahim a dit…

Savez-vous oublié le F-16 abattu il y a quelques mois, alors imaginez avec les S-300 ou S-400.

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Tsahal n'a jamais eu peur des Russes, dites-vous - et c'est tout à son honneur - mais je n'ai aucun souvenir que, jusqu'à aujourd'hui, Israël se soit vu confronté à la Russie dans une guerre.
Donc, comme le craignait Alastair Crooke, ces derniers jours, c'est bien une guerre que Donald Trump s'apprêterait à mener en Syrie contre l'Iran et la Russie, par Israéliens interposés. Car il paraît difficile de faire la guerre, sans la faire, tout en la faisant !

https://www.les-crises.fr/est-ce-quun-nouveau-suez-est-en-preparation-pour-la-syrie-par-alastair-crooke/

Très cordialement.