ABBAS-NETANYAHOU, DEUX DISCOURS CONVENUS À L’ONU
Par Jacques BENILLOUCHE
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Après les récentes décisions de Donald Trump, les
manifestations à Gaza et les événements de Syrie, on attendait beaucoup des deux
discours qui étaient prononcés à l’Assemblée générale de l’ONU. La déception a
été grande car les deux orateurs se sont bornés à exhumer des propos déjà
entendus et sans grand intérêt. Il n’y a eu aucune surprise et encore moins un signe d'optimisme.
Dans un
discours creux, Mahmoud Abbas a radoté et il a raté l’occasion de se faire
entendre de la communauté internationale. On le disait malade, au bout du
rouleau, en dernière phase de vie mais il s’est encore montré vindicatif. Il
n’a pas innové, il n’a pris aucun risque politique, et il s’est borné à
ressasser des arguments éculés ; c’est triste pour les Palestiniens qui
sont si mal dirigés. On pensait qu’à la fin de sa carrière, le chef de
l’Autorité allait prendre des initiatives courageuses pour faire avancer le processus de
paix avant que Donald Trump n’impose le sien avec la brutalité qu’on lui
connait. Au lieu de propositions concrètes, il s’est montré au contraire
agressif non seulement vis-à-vis d’Israël et des Etats-Unis mais il a dirigé sa
haine contre le Hamas, son prétendu partenaire. On comprend mal l’inertie du
peuple palestinien qui continue à adouber des dirigeants vieillis et usés.
Abbas a proposé tout simplement la rupture totale avec la bande de Gaza en cessant de transférer les 96 millions de dollars versés chaque mois. A défaut d’une argumentation politique, il a déclaré la guerre économique au Hamas avec comme conséquence la guerre tout court. L’Autorité a arrêté plus de 60 militants du Hamas en Cisjordanie, tandis que, par représailles, le Hamas en a fait de même avec le Fatah.
Un discours, qui était censé apporter du nouveau et de l’espoir pour
les Palestiniens, risque de se traduire par une escalade des combats. Le Hamas,
épaulé par le Djihad islamique, pourrait provoquer Israël pour canaliser la
colère des Gazaouis vers lui. Des manifestations de colère sont organisées
contre Abbas à Gaza mais elles risquent de dégénérer en un conflit avec Tsahal.
Au lieu de prendre la balle au bond, après le revirement de Trump sur la
nécessité de deux États, Abbas a réagi comme s'il n'y avait eu aucune avancée et il a
exposé au monde son visage des mauvais jours où la hargne et la colère dominaient.
En fait il avait décidé d’écarter les Américains du processus de paix pour se tourner vers la communauté internationale avec l’illusion qu’elle pourrait être plus efficace :
«Nous avons toujours pleinement et positivement participé aux diverses initiatives de la communauté internationale visant à parvenir à une solution pacifique entre nous et les Israéliens. Nous avons poursuivi sur cette voie avec l'administration du président Trump depuis le début de son mandat, avec le même engagement positif, et je l'ai rencontré à plusieurs reprises. Nous avons attendu son initiative de paix avec la plus grande patience, mais nous avons été choqués par les décisions et les actions qu’il a entreprises qui contredisent complètement le rôle et l’engagement des Etats-Unis envers le processus de paix. Avec toutes ces décisions, cette administration a renié tous les engagements précédents des États-Unis et a sapé la solution des deux États et a révélé ses fausses préoccupations concernant les conditions humanitaires du peuple palestinien».
Pourtant
Trump avait ménagé les Palestiniens en déclarant que son administration
pourrait révéler sa proposition de paix dans les deux à quatre prochains mois,
mais qu'il souhaitait obtenir le soutien d'Israël et des Palestiniens aux
négociations avant de la dévoiler. Mais en fait les dirigeants israéliens et palestiniens
ne misent pas sur ce plan de paix.
Dans son
discours, Abbas a refait le coup de la nécessité de la reconnaissance de l’État
de Palestine : «J'appelle donc tous les pays du monde qui n'ont
pas encore reconnu l'État de Palestine à accélérer cette reconnaissance
longtemps attendue». Il sait pourtant que de nombreux pays occidentaux refusent de s'engager sur cette décision unilatérale.
De son
côté, face à une assistance parsemée à la suite du départ de plusieurs délégués,
Netanyahou s’est montré très technique. Presque tous les observateurs israéliens l’ont
trouvé excellent dans ses démonstrations imagées en raison de sa capacité éloquente de communiquer des messages pratiques et idéologiques. Mais il a pratiquement réédité
ses discours précédents en ignorant le processus de paix et en concentrant son
discours sur le nucléaire iranien : «L’Iran n’a pas abandonné son
objectif de développer des armes nucléaires. Ce que l'Iran cache, Israël le
trouvera». Il n’y a que des constatations et pas de vision à long
terme dans son discours alors que le feu couve. En dévoilant ce qu’il appelle
de nouveaux secrets, il ne s’est pas rendu compte que, par ricochet, il traitait
d’incompétence les Américains qui n’ont pas détecté le mensonge iranien.
C'est pourquoi la réaction des services sécuritaires américains a été immédiate. Un
responsable du renseignement a dénoncé les «déclarations trompeuses» de
Netanyahou et révélé qu’il s’agissait de vieilles données archiconnues. L’existence
d’une deuxième installation nucléaire secrète en Iran était «trompeuse»
car cette installation a déjà été repérée depuis longtemps : «Premièrement,
nous connaissons cette installation depuis un certain temps et elle est remplie
de classeurs et de papier, pas de tubes en aluminium pour les centrifugeuses,
et deuxièmement, rien ne permet à l’Iran de sortir de l'accord de Vienne sur le
nucléaire iranien plus rapidement qu'il ne pourrait le faire».
Un autre
responsable militaire américain a abondé dans ce sens en présentant l’installation
dévoilée par Netanyahu comme «un entrepôt utilisé pour stocker les archives et
les dossiers du programme nucléaire iranien». Netanyahou avait
déclaré que le site, situé à une courte distance de Shourabad, contenait 15 kg
de matières radioactives qui ont été déplacées depuis.
Au cours
de son discours à l’ONU, Netanyahou a également dénoncé l’activité de missiles
balistiques de l’Iran, identifiant trois endroits près de l’aéroport de
Beyrouth où le groupe terroriste du Hezbollah libanais
convertissait des missiles : « Au Liban, l’Iran a ordonné au
Hezbollah de construire des sites secrets pour convertir des projectiles
imprécis en missiles à guidage de précision, des missiles capables de viser Israël
avec une précision de 10 mètres ». Il a été déçu de l’attitude de l’AIEA qu’il
avait informée en mai sur des preuves nucléaires mais l’agence n’a pas pris de
mesures et n’a demandé à inspecter aucun nouveau site. Il a donc appelé le directeur
général de l’AIEA, Yukiya Amano, à enquêter sur ce nouvel entrepôt secret sans
tarder, avant que les Iraniens n’aient fait place nette : «Il faut se poser la
question pourquoi l’Iran a conservé des archives nucléaires secrètes et un
entrepôt nucléaire secret si ce n’est parce qu’il n’a pas abandonné son
objectif de fabriquer des armes nucléaires».
Le problème de la Syrie a été occulté alors que la Russie vient d'affirmer que les systèmes de défense aérienne S-300 ont déjà été livrés à Bachar el-Assad. Le discours professionnel du premier ministre a surtout été prononcé à l’intention des pays occidentaux pour
les convaincre d’infléchir leur position sur le programme nucléaire iranien. Certes, il a évité d’être arrogant comme lors de ses précédents discours mais il a
purement et simplement éludé la question palestinienne. Les Israéliens
pensaient qu’après la prise de position de Donald Trump et face au risque de
guerre au Nord, il allait aborder le sujet des négociations, or le mot «État»
n’a pas été prononcé.
Il ne
semble pas que les discours convenus des deux leaders puissent faire avancer le
processus de paix moribond. La guerre risque d’être au bout du tunnel.
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