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dimanche 24 juin 2018

La fuite des cerveaux israéliens


LA FUITE DES CERVEAUX ISRAÉLIENS

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright ©  Temps et Contretemps
            
Chercheurs à Tsahal

          Si Israël ne prend pas garde, il finira par perdre la fine fleur de sa jeunesse qui ira chercher fortune sous d’autres cieux. Le sionisme a ses limites pour ces jeunes Israéliens qui ont du mal à faire leur place au soleil dans un pays qui ne s’occupe pas des jeunes. L’immobilier a atteint des sommets qui ne permettent plus aux jeunes couples d’acheter un logement parce qu’ils n’ont ni la première mise de fonds et ni les moyens financiers de s’engager dans un crédit à long terme. Moshe Kahlon a fait illusion en faisant croire qu’il allait réussir à dompter les promoteurs pour leur imposer une baisse drastique. Il n'a pas réussi parce qu'il n'a pas tenu sa promesse d'offrir des terres domaniales pour casser la hausse du marché de l'immobilier.




            Alors les jeunes diplômés lorgnent vers les Etats-Unis ou l’Allemagne d’autant plus que les Américains viennent d'édicter des nouvelles règles pour faciliter l’obtention de visas de travail aux Israéliens. Dans un premier temps, les entrepreneurs qui investissent des capitaux pour créer des entreprises obtiennent plus facilement le visa d’investisseur E2 puis ensuite les employés obtiennent une autorisation de travail. C’est l’immense ouverture aux start-ups israéliennes qui veulent cibler le marché américain plus attractif et plus rémunérateur.
            Cela risque d’amplifier le mouvement d’installation d’Israéliens aux Etats-Unis. Déjà plus d’un million d'entre eux résident aux Etats-Unis, légalement ou de manière clandestine.  Si le gouvernement ne se préoccupe pas de ce fléau, beaucoup d'autres pourraient bientôt les rejoindre devant les salaires attractifs et les facilités d’intégration. En raison d’un coût de la vie élevé, plus de 20% par rapport à la France et 30% par rapport à Milan, et en raison de bas salaires les Israéliens quittent le pays en masse pour se construire une nouvelle vie plus facile ailleurs. Les jeunes y trouvent plus d'opportunités pour réussir plus vite.


            Les statistiques sont révélatrices. Plus de 87.000 Israéliens sont devenus citoyens américains, entre 2006 et 2016, ou résidents permanents légalisés alors qu’ils n’étaient que 66.000 entre 1995 et 2005. Ces chiffres ne comprennent pas les «illégaux», ceux qui entrent avec un visa temporaire de touriste, d'étudiant ou de travail et qui ne quittent plus le pays. Mais d’autres se sont installés en Europe et au Canada.
Le gouvernement semble passif devant cette fuite de cerveaux qui concerne les plus talentueux qui sont happés par les meilleures universités et par les meilleures entreprises. Les statistiques officielles révèlent que le taux d'émigration des chercheurs israéliens est le plus élevé du monde occidental mais l’exode s’est amplifié aux jeunes en général.


Tsahal s’inquiète en priorité du départ d’anciens militaires formés dans ses rangs. L’armée israélienne perd chaque année des militaires qui profitent du savoir accumulé pendant leur service pour quitter l’uniforme. L’État-major estime urgent d’endiguer l’hémorragie technologique. Selon un haut responsable du ministère de la défense : «Il y a des procédures sur les transferts de technologie et d’expertise des soldats, mais elles sont dépassées dans l’écosystème dans lequel nous vivons»
La réalité est loquace. La plupart des fondateurs de start-up israéliennes viennent de l’unité 8200 ou d’autres branches de l’armée spécialisées dans le développement de services de défense informatique, de codes et d’algorithmes. Après leur service militaire de trois ans, ils profitent de l’occasion de souffler pour voyager à l’étranger pour finalement intégrer une filiale israélienne d’un groupe international.
Légalement ils ne peuvent pas dévoiler ou exploiter les travaux qu’ils ont réalisés à l’armée mais il existe un flou dans les frontières des domaines de haute technologie. Le risque est grand de voir certains jeunes peu conscients qu’ils portent atteinte à la sécurité du pays en exploitant des techniques secrètes.
Arie Warshel

Après les grandes vagues d’immigration, il semble à présent que les spécialistes hautement qualifiés font le voyage inverse, vers des pays où ils sont mieux payés. L’exemple le plus flagrant est celui de Arie Warshel et Michael Levitt, prix Nobel de chimie. Originaire d’un kibboutz, Arie Warshel s’est exilé depuis quarante ans aux États-Unis parce qu’il n’arrivait pas à trouver un travail fixe à l’Institut Weizmann. Michael Levitt, originaire d’Afrique du Sud, a fait son alyah puis a intégré l’université Stanford. Les deux ont acquis la citoyenneté américaine.


Michael Levitt

La télévision israélienne a diffusé un reportage sur les spécialistes israéliens qui travaillent à l’étranger et qui ont justifié leur départ parce qu’ils n’avaient pas obtenu un salaire digne de ce nom ou parce qu’ils étaient au chômage : «En Israël, les loyers, l’alimentation, tout est plus cher. Il y est difficile de trouver un emploi bien rémunéré. De plus, aux États-Unis, il y a une autre atmosphère, plus tranquille». Il est difficile d’accuser ces jeunes de rechercher la simplicité et de vendre leurs principes pour du confort. 
Mais les Etats-Unis ne sont pas les seuls à attirer les Israéliens. L’afflux des Israéliens à Berlin a commencé au début des années 2000 et  s’est intensifié ces dernières années. En 2012 ils étaient environ 10.000 à résider à Berlin, ils sont aujourd’hui plus de 20.000 et le flux ne se tarit pas. Les musiciens et le danseurs sont ceux qui ont le plus de débouchés dans une capitale où le coût de la vie est relativement faible. Les Israéliens sont attirés par la facilité de fonder un foyer, d’avoir un emploi stable et surtout de posséder un appartement à Berlin. 
Israéliens à Berlin

Bien sûr, nous sommes loin du sentiment sioniste, mais les Israéliens sont devenus, comme les autres Occidentaux, très matérialistes en faisant passer leur intérêt personnel et celui de leurs enfants avant celui de la nation. Mais en perdant ses experts, Israël risque de manquer de professeurs pour la prochaine génération d’étudiants. La fuite de cerveaux est une bombe à retardement.



1 commentaire:

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

"En même temps", comme dirait notre Président, déplorer la fuite de quelques dizaines de milliers de "cerveaux", au moment où on apprend que l'ONU évalue à 68,5 millions le nombre de "personnes déplacées" dans le monde - dont on peut imaginer que quelques unes d'entre elles disposent aussi d'un cerveau - c'est peu, et, comme ne manquerait pas de vous le faire remarquer notre Président, c'est très "nouveau monde" !
Mais, si cela peut vous consoler, là où vos "cerveaux" devenus "très matérialistes" pourraient vite déchanter c'est dans le choix de leurs points de chute, les USA ou l'UE, qui sont le siège de guerres de civilisations - n'ayons pas peur des mots - qui ne les changeront pas beaucoup de ce qui se passe dans leur propre pays.

Très cordialement.