LE DÉCLIN IRRÉVERSIBLE D’UN MAHMOUD ABBAS ISOLÉ
Par
Jacques BENILLOUCHE
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Après avoir volontairement allumé un
feu qui s’est propagé à une vitesse imprévisible, Mahmoud Abbas cherche à
l’éteindre avec beaucoup de mal. Certes
il s’est excusé pour ses propos sur la Shoah et a opéré un revirement
stratégique en qualifiant l'extermination des Juifs par les nazis de «plus
odieux des crimes de l’histoire». Mais le mal était fait et ne l’a pas
empêché d’être reconduit à la tête de l’OLP.
On ne comprend pas comment des
militants aguerris persistent à réélire un dirigeant de 83 ans, dans la
tourmente d’une accusation d’antisémitisme et de négationnisme. Il est vrai qu'il tient les cordons de la bourse et rares sont ceux qui peuvent prendre le risque de renoncer au fromage. Ils l’ont élu,
le 4 mai 2018, à la tête du comité exécutif de l’OLP
(Organisation de libération de la Palestine) après une réunion de quatre jours
à Ramallah du CNP (Conseil national palestinien) le parlement palestinien.
On
n’explique pas l’unanimité qui a prévalu à cette élection alors que Mahmoud
Abbas refuse de remettre en jeu son poste de président de l’Autorité, obtenu
le 15 janvier 2005. Pourtant la situation exige une refonte de la présidence
car les obstacles ne vont pas manquer en raison de relations détériorées avec
Israël d’une part, et compliquées avec les Etats-Unis d’autre part. La décision
de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et surtout les
fuites concernant un plan de paix américain, dans lequel Abbas a été a priori exclu, ont remis en cause la stratégie palestinienne de l’attentisme. Il est sorti
décrédibilisé et affaibli tandis que sa dernière déclaration sur les massacres
de Juifs d’Europe a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Ses
excuses tardives sonnent creux : «Si mes propos devant le Conseil national palestinien ont offensé
des gens, en particulier des gens de confession juive, je leur présente mes
excuses. Nous condamnons l’antisémitisme sous toutes ses formes et
confirmons notre engagement envers une solution à deux États, et à vivre côte à
côte dans la paix et la sécurité». Sans surprise,
Avigdor Lieberman, ministre de la défense et spécialiste des surenchères, a
refusé ces excuses : «Abou Mazen est un pitoyable négationniste
qui a rédigé un doctorat niant l’Holocauste puis, plus tard, a publié un livre
négationniste. C’est ainsi qu’on doit le considérer. Ses excuses ne sont pas
acceptées».
Mahmoud Abbas
n’a pas fait de déclaration maladroite ; elle était volontaire pour faire
parler de lui et se réinsérer dans le circuit international qui l'ignore. L'Arabie saoudite et l'Egypte le boudent. Les yeux se sont
tournés vers la Syrie et l’Iran plaçant de fait la Palestine au second rang des
préoccupations occidentales, et même arabes. Il voulait attirer l’attention sur
lui par une attaque contre les Juifs et du même coup contre les proches juifs
du pouvoir américain.
De leur côté,
les Palestiniens n’ont pas apprécié que, pour éviter la contestation
interne au sein du Fatah, Abbas ait privilégié de s’adresser dans l’espace
réduit du CNP qui lui est entièrement dévoué au lieu de profiter du cadre de
l’OLP qui englobe tous les Palestiniens de l’intérieur et de l’extérieur, diaspora
comprise. Sa réunion s'est pratiquement passée en famille. Mais il pourra difficilement faire oublier qu’il a été à l’origine de
violences verbales à l’encontre des dirigeants américains, pour certains traités
de chiens. D’ailleurs il a récusé les Etats-Unis comme arbitre du processus de
paix ce qui l'a mis à l’écart du projet américain de solution
politique du conflit.
On
ne voit donc pas comment il pourrait s’insérer dans le nouveau plan de paix de
Donald Trump, dont certains contours ont été révélés. La seule position dont on lui sait gré est son
engagement à la solution à deux États et à la reconnaissance de l’État
d’Israël. Avigdor Lieberman a été informé du plan Trump lors de son dernier
voyage à Washington. Le président américain est prêt à accéder à la demande
palestinienne de créer la capitale de leur nouvel État à Jérusalem. Pour cela
Israël se retirerait de quartiers totalement arabes, Shūfāţ, Jabel Mukaber, Al-Īsawīya
et Abu Dis. On se demande d'ailleurs pourquoi ces quartiers totalement arabes et contestataires avaient été intégrés au sein du Grand Jérusalem. Ces zones, où les Juifs ne s’aventurent
jamais, constituent un véritable terreau du terrorisme et sont considérées
perdues par la municipalité de la capitale qui les laisse d’ailleurs à l’abandon.
Shūfāţ est un camp de réfugiés
faisant partie des frontières municipales de la ville de Jérusalem et inclus à
l’intérieur de la barrière de sécurité. Ce quartier a été entièrement
marginalisé par l’Autorité palestinienne qui n’y a aucune responsabilité
administrative.
Shufat |
Quartier de Nof Tzion surplombant Jabel Mukaber |
Jabel Mukaber était à l’origine un village
bédouin qui s'est transformé en quartier de Jérusalem après la guerre des Six
Jours. Le quartier, peuplé de 30.000 habitants, est devenu un incubateur
terroriste depuis que le terroriste Fadi Qunbar, a perpétré l'attaque
meurtrière de la promenade de Talpiot tuant un officier de
Tsahal et trois cadets.
Al-Īsawīya est un quartier arabe de
Jérusalem situé sur le Mont Scopus près du Centre médical Hadassah. Le village
faisait partie d'une enclave israélienne de 1949 à 1967.
Abu Dis |
Abu Dis est un village situé à côté de la ville de Jérusalem. Depuis les accords d’Oslo sur la
Cisjordanie et la bande de Gaza, Abu Dis a fait partie de la «zone
B», sous contrôle mixte israélien et palestinien. L’Autorité Palestinienne y a la responsabilité civile et Israël
conserve une responsabilité prépondérante pour les questions de sécurité. Abu
Dis compte près de 11.000 habitants.
Les Israéliens estiment ne pas
devoir commenter les informations non officielles sur le projet Trump mais ils
ne les ont démenties. Les Palestiniens, qui avaient rejeté en septembre 2008
une proposition plus généreuse du premier ministre Ehud Olmert, seraient moins
enclins à accepter cette nouvelle mouture sauf à servir de base de discussions
pour réveiller un processus de paix moribond.
Mais il est certain que Mahmoud
Abbas est à présent hors course bien qu’il ait «été proposé et unanimement
approuvé comme le président de l'État de Palestine», a affirmé son
conseiller, Nabil Chaath. De quel État parlent-ils puisque cette notion est contestée par Israël, les
Etats-Unis et les principaux pays de l'Union européenne sachant que la
Palestine ne dispose que d’un statut d’observateur non-membre à l'ONU.
Yasser Abed Rabbo |
A
la même réunion, le CNP a élu un nouveau comité exécutif, représentant en fait
le cabinet privé de Mahmoud Abbas et composé de quinze membres, au lieu de 18, pour
laisser trois places aux éventuels représentants du Hamas qui a boycotté la
réunion. Neuf des quinze membres du comité exécutif sont des nouveaux venus
mais Mahmoud Abbas a profité de la réunion pour écarter des rivaux potentiels
comme Yasser Abed Rabbo, un ancien proche et ministre de Yasser Arafat qui a travaillé à
plusieurs initiatives officieuses de paix, comme l'entente de 2003 de Genève
qui avait reçu la bénédiction d'Arafat. Son élimination du cercle du pouvoir
prouve que la grogne empire puisque des dirigeants historiques sont progressivement écartés,
signe du déclin irréversible de Mahmoud Abbas.
1 commentaire:
Je ne ferais pas l'injure d'imaginer que Mahmoud Abbas a commis malgré lui une faute politique en "se laissant aller" "par erreur" à un délire verbal antijuif. Certes Abbas pense ce qu'il dit et il s'est abstenu de l'évoquer publiquement le long de toute sa vie politique Au contraire Mahmoud Abbas -universitaire rodé à la dialectique sait employer les mots qui touchent le public et la presse occidentale quand il en ressent le besoin.
Mahmoud Abbas est un fin renard qui a respecté en fin de carrière le comportement d'un dirigeant palestinien qui entend se retirer en profitant en toute quiétude des prébendres escroquées à la communauté internationale consentante ,aux européens et aux palestiniens au cours de sa vie. Il s'est construit à millions de dollars un véritable chateau et nul ne doute qu'il dispose d'une fortune personnelle non acquise au labeur.
En étant 'forcé" de se retirer de la sorte il s'assure pour lui et sa famille de bons vieux jours heureux dans sa résidence de reve...sans que personne parmi sa population ne vienne poser les questions qui génent. Il a réussi l'exploit" -comme son mentor Arafat- d'apitoyer la communauté internationale sans jamais s'engager dans une paix exhaustive avec Israel -toujours coupable de "n'en faire jamais assez"qui lui aurait couté de disparaitre assassinné par ses "freres" musulmans.
Bref, Il a rempli son mandat... En l'attente du successeur assez malin pour s'en tirer aussi bien. En résumé pour ma part je ne pense pas pour lui à titre personnel à un déclin irréversible mais à un retrait irrévérencieux parfaitement calculé jusqu'à la victoire totale palestinienne dont il se considére comme le maillon d'une étape.
Manage
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