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dimanche 13 mai 2018

Trump portera un coup aux Gardiens de la révolution



TRUMP PORTERA UN COUP AUX GARDIENS DE LA RÉVOLUTION

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps


            
          La décision de Donald Trump de suspendre l’accord nucléaire signé en 2015 avec l’Iran et de reprendre les sanctions économiques sera surtout un coup porté aux Gardiens de la Révolution. Ils sont réputés pour être le bras armé du régime mais sont moins connus comme les tenants d’un immense empire commercial. En effet, l’économie iranienne a été confiée à une organisation militaire secrète qui avait commencé comme une milice religieuse. Le Corps des gardiens de la révolution islamique contrôle au moins un tiers de l'économie iranienne, certains experts avancent un chiffre plus élevé.



Khomeiny

            Cette force a été créée par l'ayatollah Ruhollah Khomeiny pour protéger l'État naissant et défendre les principes de sa révolution islamique. Il ne faisait pas confiance à l'armée iranienne et avait besoin de sa propre force alors que diverses factions et milices luttaient pour avoir de l'influence au début de la révolution chaotique. Le parcours improbable de cette force, depuis le statut de milice à une puissance d’affaires, a été la conséquence des sanctions internationales dont le but était de persuader Téhéran d'abandonner ses projets nucléaires. D’ailleurs les Gardes jouent un rôle central dans l'organisation du programme nucléaire iranien.
            L’empire de IRGC (Islamic Revolutionary Guard Corps) s’est développé dans tous les domaines et il comprend :
Khatam al-Anbia est une entreprise de construction employant 20.000 travailleurs et gérant des centaines de contrats gouvernementaux.
- Iran Telecommunications Company dont les Gardes détiennent 50%.
- Angouran est la plus grande mine de plomb et de zinc du Moyen-Orient.
- Bahman Automobile Manufacturing Group avec une participation de 45% fabrique la marque Mazda.
- L’industrie électronique comprend des sociétés d'électronique, d'informatique et de communication.
- Institution bancaire Mehr est un groupe financier avec des centaines de succursales constituant l'un des plus grands réseaux bancaires.
            Les Américains avaient déjà fait pression sur les institutions financières du monde pour les prévenir que faire des affaires avec les Gardiens de la révolution mettaient en danger leur accès au système financier américain. Cependant les experts ont estimé que les sanctions ont été contre-productives car elles ont poussé ce groupe extrémiste à étendre son influence sur la politique et l'économie. Les menaces d’attaques militaires lui ont effectivement donné plus de pouvoir économique car le gouvernement ne pouvait faire confiance qu’à eux pour diriger l'économie. Mais il semble que Trump veuille durcir encore plus les sanctions.
            Les Gardiens se sont alors engouffrés dans tous les aspects de l'économie et dans les activités légales ou illégales. Leur puissance s’est renforcée durant la présidence d’Ahmadinejad qui s’est appuyé sur eux pour consolider sa position en leur donnant des projets de construction sans avoir à soumissionner et en procédant à des privatisations partielles d'entreprises d'État. Il y a peu d'industries dans lesquelles les Gardiens ne sont pas impliqués. Ils contrôlent en particulier le plus grand champ de gaz off-shore de l'Iran, South Pars. Il est vrai qu’ils ont comblé le vide laissé par Shell, Repsol et Total, qui ont été contraints de se retirer. Aujourd’hui, il s’agit presque d’un État dans un État.

            Les Gardiens de la révolution sont responsables du maintien de l'ordre intérieur, du développement de l'influence iranienne au Moyen-Orient et de la gestion de leurs intérêts commerciaux majeurs. Cela explique qu’ils jouent un grand rôle. Ils ne ressemblent plus aux jeunes hommes pieux, provenant de milieux populaires, attirés par la mission de salut de Khomeiny et par sa quête pour assurer la domination de Dieu sur la terre. Une forte tendance idéologique avait imprégné l'organisation. 
          Cette petite force de sécurité interne opérant aux marges du régime a pris de l’importance avec la guerre Iran-Irak qui a finalement amené les Gardiens à une nouvelle hauteur de pouvoir et de prestige. Incompétents au départ, ils se sont montrés audacieux au point de surmonter la supériorité technologique de l'Irak.  Ils sont aujourd’hui 125.000.
Général Soleimani commandant la brigade Al-Qods

            Ils ont été chargés d’une mission internationaliste d'une importance capitale puisque c’est grâce à eux que l'Iran projette son pouvoir du Golfe Persique à la Méditerranée en réveillant les pays arabes et en comblant les vides laissés par les échecs des Printemps arabes. L'Iran est devenu l'acteur le plus important en Irak et en Syrie et une voix dominante dans le Golfe. La Brigade El-Qods, émanation des Gardiens, compte quinze mille hommes à l'avant-garde de l'influence iranienne pour soutenir le régime de Bachar el-Assad en Syrie et aider les milices chiites contre les forces de Daesh en Irak.
Les soldats passent en revue les cercueils de deux Gardiens tués en Syrie

            Les Etats-Unis sont conscients qu'ils ne peuvent pas lancer une offensive militaire trop risquée contre la République islamique et ils ont donc décidé de briser le régime sur le plan économique. Affaiblir les ressources des Gardiens c’est diminuer leur influence et réduire les budgets des développements nucléaires. Trump veut appauvrir le pays pour le soumettre et faciliter la chute du régime par une révolution intérieure. La grogne de la population s'était faite sentir depuis plusieurs années et elle a été matée dans le sang par des Gardiens qui protègent leurs intérêts financiers. 
          En asséchant leurs ressources, les Américains estiment que les Iraniens devront faire des choix et tailler dans certaines dépenses. En fragilisant l’édifice des Gardiens, l’expansion à l’étranger de l’Iran sera stoppée et sa capacité de nuisance neutralisée. L’économie iranienne venait à peine de se relever après la suspension des sanctions mais les fonds recueillis ont été utilisés à des fins guerrières. 
Manifestation des étudiants le 30 décembre 2017

          Du 28 décembre 2017 au 1er janvier 2018, l’Iran a été en proie à des manifestations massives de rue à la suite non pas de revendications politiques mais du malaise socio-économique. Les manifestations s’élevaient contre la corruption (l’Iran est classé 131° pays sur 176 au niveau de la corruption d’après la Banque Mondiale), contre le chômage s’élevant à 11,4% de la population et contre l’inflation. L’amélioration de l’économie n’était pas suffisante même si la croissance du PIB entre 2010 et 2015 de 0,8% est passée à 3,3%.  L’embargo de 2005 à 2016 a fragilisé l’économie, la deuxième économie du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Tout était porté par le secteur pétrolier qui risque à nouveau de prendre un coup avec une production réduite au des 3,8 millions de barils par jour actuels.
            Trump n’a pas fait de choix militaire contre les usines nucléaires iraniennes. Il va se contenter d’écrouler l’économie pour dissuader l’Iran de reprendre l’enrichissement en uranium. Il va aller plus loin dans le principe de l’extra-territorialité en sanctionnant toutes les entreprises étrangères qui commercent avec l’Iran. Il espère surtout un vent de révolte des classes populaires qui ont été les soutiens les plus fidèles du régime. Si l’ossature du régime, à savoir les Gardiens de la révolution, est fragilisée alors l’avenir des Mollahs est compté.

3 commentaires:

Marianne ARNAUD a dit…

Cher monsieur Benillouche,

Au moment où Trump déchire comme un "chiffon de papier" l'accord sur le nucléaire iranien, signé par les États-Unis, la Russie, et l'Union européenne, fruit de douze ans de diplomatie, vous semblez presque vous réjouir que "Trump va appauvrir le pays pour le soumettre et faciliter la chute du régime par une révolution intérieure." Or cette politique est menée par les Américains depuis l'attaque des Tours jumelles du 11 septembre 2001, et partout - que ce soit en Afghanistan, en Irak, et dans tout le Grand Moyen Orient - où le plan GMO devait apporter la pax americana, c'est l'inverse qui s'est produit, et cette politique a servi de tremplin aux Islamistes, retournant les peuples contre leurs "libérateurs".

Force est de constater que le président Trump ne gère les problèmes internationaux qu'en fonction de sa base électorale. Pour l'instant, il soutient Israël. Mais si la guerre devait intervenir entre Israël et l'Iran, ce n'est pas le peuple américain qui en souffrirait le plus, mais ce serait bien le peuple israélien.

Très cordialement.

Jacques BENILLOUCHE a dit…

Chère Marianne,

Entre un dirigeant imprévisible comme Trump et des fous sanguinaires comme les Iraniens, le choix est vite fait. C’est vrai que depuis Jacques Chirac, la droite française et surtout l'extrême-droite, qui sont toujours prêts à dénoncer les immigrants maghrébins, ont fait le choix des pays arabes contre Israël.
Cordialement

Seknadje René a dit…

Mr Benillouche a tout à fait raison . La France depuis la fin de la guerre d Algérie a choisi le monde musulman. Par contre je crois que Trump n est pas l homme fantasque que l on décrit , il se prépare à la présidence depuis plus de 20 ans et à ceux qui le sollicitaient il répondait< je le présenterai quand je serais dur d être élu >
On ne peut que constater que tout ce qu il entreprend réussi sur le plan économique et sur le plan international .
On a trop tendance en France de prendre les américains pour de grands enfants voire des demeurés . Leur état et leurs réalisations prouvent le contraire.