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dimanche 6 mai 2018

La Tunisie persiste et signe



LA TUNISIE PERSISTE ET SIGNE

Par Jacques BENILLOUCHE
Copyright © Temps et Contretemps
            

          Chaque année à l’approche du pèlerinage de Djerba à la synagogue de la Ghriba, le problème des relations des Juifs originaires de Tunisie avec leur pays natal se pose. Il avait été abordé à Ashdod à l’occasion du spectacle d’un chanteur arabe tunisien, dont on taira le nom pour ne pas le compromettre, qui avait pris le risque de se produire devant une salle comble. Les chansons il est vrai, celles de Raoul Journo en particulier, brûlent encore les mémoires des immigrés tunisiens.
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            Les gens vivent dans le souvenir qui ne s’estompe pas, le souvenir des rues tortueuses et souvent sales de la Hara ou de Sidi Bou Ahdid, mais pleines de vie ; le souvenir des plages de sable où un seul sandwich au thon ou le fameux complet poisson frit prenait l’allure d’un festin. Les Juifs tunisiens sont les seuls à honorer cette mémoire vivace qui se perpétue de génération en génération. Mais certains meurent sans avoir pu fouler à nouveau le sol de leur ville natale parce qu’en s’installant en Israël, dans les années 1950/60, leur passeport tunisien leur a été confisqué par les autorités israéliennes qui l’ont remplacé par le document bleu marqué par l’étoile de David.

            Une autre ère s’était ouverte mais la mémoire reste tenace parce que, pour certains, le regret d’avoir quitté le pays sans avoir été contraint par les autorités locales donnait l’impression d’un viol consenti. Il est vrai aussi que les envoyés sionistes avaient fait un bon travail en persuadant ceux qui avait une vie relativement douce, mais pauvre, qu’elle sera meilleure en Israël en travaillant la terre. Et comme les Juifs priaient chaque année pour «l’an prochain à Jérusalem», les citoyens de Bourguiba pensent encore aujourd’hui à l’an prochain à la Ghriba.
            Le gouvernement tunisien nie que les détenteurs du seul passeport israélien ne puissent pas fouler le sol de leurs ancêtres. Mais certains incidents ont prouvé le contraire ; des voyageurs bloqués à l’aéroport puis renvoyés d’où ils venaient, des touristes israéliens qui ne pouvaient débarquer de leur bateau de croisière. Si vraiment la Tunisie veut prouver qu’elle a changé sa loi, elle doit officiellement l'annoncer publiquement par une déclaration du ministre de l'intérieur. Les quelques personnalités de marque qui sont invitées chaque année à la Ghriba ne suffisent pas à rassurer les agences de voyages qu’ils peuvent envoyer les natifs de Tunisie vers le pays de leur souvenir. D’année en année, le flot se tarit avec l'érosion naturelle des générations.

            Au lieu de tenter d’effacer les griefs, au contraire il ne se passe pas de mois sans que des mesures anti-israéliennes soient prises parce que la Tunisie veut être plus palestinienne que la Palestine. Alors que les Égyptiens, les Jordaniens et à présent les Saoudiens et certains du Golfe acceptent les visiteurs israéliens, la Tunisie reste ferme sur sa volonté anachronique de maintenir l’interdiction pour les «sionistes» de côtoyer ses citoyens, sans se rendre compte qu’elle en paie le prix. 

          Même quand il s’agit de sport, la vindicte est de mise. En avril 2018, un tribunal de Tunis avait interdit à quatre athlètes israéliens de participer aux championnats du monde juniors de taekwondo qui se déroulait dans la station balnéaire tunisienne d'Hammamet.  Les quatre athlètes israéliens, Dana Azran, Nicol Adamskt, Abijhag Semberg et Tom Pashcousky, ont été interdits de participation alors que le sport est censé favoriser les contacts et la paix.

            La Tunisie en paie le prix puisque la candidature de la Tunisie pour organiser en 2022 les Jeux Olympiques de la Jeunesse a été bloquée par le CIO (Comité International Olympique) qui n’a pas apprécié l’interdiction faite aux athlètes israéliens. Ce sont des millions de dinars qui passent à la trappe de l’inconséquence politique. Le président du CIO, Thomas Bach a déclaré : 
«Après que la Tunisie a interdit aux athlètes israéliens de participer à un événement de taekwondo, le CIO a gelé tous les contacts avec le Comité olympique local pour sa candidature aux Jeux Olympiques de la Jeunesse 2022. Nous avons dû aborder la question de l'augmentation du nombre de gouvernements qui demandent des boycotts pour des raisons politiques. Certains gouvernements abusent du sport à des fins politiques, ce qui va à l'encontre de la mission du sport et des Jeux Olympiques qui rassemblent et unifient les gens, indépendamment de toutes les différences politiques. Ces boycotts vont à l'encontre de nos valeurs essentielles ».
            Des tentatives de rapprochement ont été expérimentées, en vain. Ainsi, en 2014, la ministre tunisienne du tourisme avait été critiquée par des parlementaires à propos d'un voyage en Israël effectué en 2006 avec un autre ministre pour prendre part à un programme de formation des Nations Unies pour les jeunes Arabes palestiniens. Elle a été censurée après avoir été accusée de promouvoir la «normalisation» avec Israël. En juillet 2017, le spectacle de Michel Boujenah au festival de Carthage a été boycotté parce que «trop sioniste» alors qu’il s’agit d’un Tunisien qui a toujours crié haut et fort son attachement au pays.

            En février 2018, face à la télévision, avec une haine qui transpirait de son visage comme s’il était envoûté, un député tunisien a déchiré un drapeau israélien au cours d'une session parlementaire pour faire pression sur sa demande de voter une loi criminalisant les relations avec Israël.
            Dans cette affaire, Israël n’a rien à perdre, au contraire elle emmagasine des soutiens, même de ceux qui n’apprécient pas sa politique tandis que la Tunisie persiste et signe. Alors qu’un projet de loi présenté au Parlement tunisien criminalise la normalisation des relations avec le régime israélien, la Tunisie se voit sommée de normaliser ses relations avec Israël. Les États-Unis et les pays européens ont menacé la Tunisie de nouvelles sanctions si elle continuait de refuser de nouer des relations avec le régime d’Israël. Selon le journal Rai al-Youm, les hautes autorités européennes ont prévenu Tunis que le coût du refus de normaliser ses relations avec Israël serait considérable. Le gel des subventions, des crédits internationaux et du programme de soutien au tourisme en Tunisie, pourrait être les conséquences encourues par le pays.
            La situation économique de la Tunisie étant désespérée, elle ne peut pas se permettre cette coquetterie. Il ne suffit pas d’inviter à Djerba une dizaine de personnalités, journalistes, hauts fonctionnaires et rabbins, pour donner le signal à un retour de 5.000 à 10.000 Juifs au pèlerinage, comme dans les années fastes. Un rabbin parisien, un immam pro-juif et un grand chirurgien juif ne suffisent pas à prouver que la Tunisie a changé. Certes, ils vont figurer en bonne place dans les photos officielles, comme preuve de la bonne entente judéo-arabe, mais ils ne feront qu’illusion. C’est un leurre car la très grande majorité des Juifs boudent leur pays natal en attente d’un signal fort du gouvernement tunisien. Un journaliste israélien d’origine tunisienne a déposé depuis plusieurs mois au Consulat tunisien de Paris une demande de visa d’entrée en Tunisie mais sa demande «est toujours à l’étude». Il existe certes un danger que le journaliste torpille le renouveau démocratique en Tunisie. Par ailleurs, l’alibi de la présence d’un Juif sur une liste islamiste aux municipales ne trompe personne. Le parti Ennahda tente de rompre avec son passé radical en mettant en avant son candidat juif Simon Slama dans la ville de Monastir. personne n'est dupe.

            Il est difficile de comprendre pourquoi les Tunisiens font une fixation sur Israël au point de négliger leurs propres intérêts. Il est vrai que le gouvernement est noyauté depuis la révolution par les islamistes qui donnent l’impression d’avoir refusé le pouvoir alors qu’en fait ils imposent leurs vues à un gouvernement faible et à un président marionnette qui «inaugure les chrysanthèmes». Alors il persiste dans ses déclarations dithyrambiques sur les Juifs installés dans le pays depuis «plus de 2.500 ans» mais n’ose pas lever le petit doigt pour renouer avec ses 100.000 anciens ressortissants qui ont la Tunisie.  


5 commentaires:

Jean SMIA a dit…

J’ai partagé cet article qui rend bien compte de l’état de la relation entre la Tunisie et Israël.
Cependant, il laisse perdurer cet amalgame entre Israélite et Israélien et entre Juifs et Sionistes, amalgame dont se régale ce « nouvel » antisémitisme.
De plus, il me semble que l’on y omet qu’un nombre de plus en plus important de Tunisiens se sont informés sur l’histoire de leur pays ailleurs que dans la propagande, et se posent des questions sur la réalité de ce que l’on leur a enseigné.
Et enfin, dans cet article, on y oublie aussi un nombre non négligeable de Tunisiens Musulmans dont ne peut mettre en doute l’amitié envers les Juifs et qui savent, eux, faire la distinguo entre Juif et Sioniste.

Jean-Pierre SAADA a dit…

Quelle tristesse.
La tunisie qui nous as vu naitre est devenue agressive envers Israel.

Leur soit disant accueil des juifs originaire de Tunisie est un leurre

Daniel COHEN a dit…

La nostalgie est plutôt « intérieure » (et souvent on est déçu de trouver dans sa terre d’origine une atmosphère moins belle que ce qu’on portait en soi).
Aucun intérêt à aller dans ces républiques quasi- bananières, et contentons nous de vivre « en tunisien » (ou marocain, etc) là où nous sommes, à Tel Aviv, Londres, Paris ou Singapour.

HAalg a dit…

En lisant ce texte sur la Tunisie, un pays voisin avec lequel, l’Algérie, mon pays, partage beaucoup de choses, notamment comme pays Nord africain, l’on relève, vraiment, de la tristesse et quelque part, un peu de dégout et de la révolte en mêm temps, tant ce pays et d’autres d’ailleurs, refusent de mettre « leurs pendules » à « l’Heure Universelle ». En effet, jusqu’à quand les gens sérieux de par le monde, vont-t-il accepter que des pays, bien inscrits à l’ONU (dit-on organisation pour tous, notamment pour permettre le rapprochement des uns et des autres), des pays, membres des filiales de cette même ONU, des pays par moment, membres du Conseil de Sécurité Mondial - , ( rien que ça…) ; des pays affiliés et membres un peu partout dans les organisations internationales telles que le sport, la police, le trafic aérien, le tourisme, le BIT …. et tout ce qui est « argent » BM, FMI, Etc… donc ces pays à ce jour refusent la relation diplomatique avec ISRAEL, pays reconnu par les Grands de ce monde, USA, Russie, Chine, France, Royaume Uni, Allemagne, Inde, Japon, Brésil, Canada, Argentine…. y compris Turquie, Egypte, Jordanie…. et d’autres encore… à l’exception de 20 pays de la ligue dite arabe et autres de l’OCI et quelques’uns ailleurs.. !!! C’est là en fait, l’origine du problème se posant aux Israéliens pour leur entrée en Tunisie… en l’occurrence, cette interdiction d’entrer dans les pays islamo-arabophones, la discrimination à leur égard, lors de rencontres sportives et ou culturelles… En fait il s’agit là, d’un vrai apartheid, d’envergure internationale, orchestré, à l’égard des citoyens israéliens !!! En outre, les hésitations et/ou l’indécence politiques, au niveau mondial, font que l’on se satisfasse de cette situation sans mettre le hola !!! Peut-être, prenant les choses avec des pincettes, en opérant une relation avec le volet/problème/différend/conflit….. israélo-arabo/palestinien. C’est là, à l’évidence, un piège tendu, par les anti-sémites notoires, ceux-là mêmes qui distillent au quotidien leur haine du Juif et lesquels, en fait, ont toujours affiché un rejet de l’existence même de l’Etat d’ISRAEL, tout en se cachant derrière le fallacieux problème israélo-arabo/palestinien. Cette haine était là bien avant 1948, année de déclaration d’indépendance de l’Etat d’ISRAEL … Sachant qu’au 21ème siècle, notre Terre devenue un véritable village où tout se sait, s’apprend, se voit grâce aux avancées scientifiques notamment les TIC, peut-être qu’il est temps de mettre un terme aux demi-mesures et aller aux devant des choses comme cette décision, naturelle et courageuse, prise par les USA de transférer leur ambassade à JERUSALEM… D’ailleurs, cet événement nous rappelle un autre, mais en 1964/5? lorsque l’Allemagne (fédérale) noua les relations diplomatiques avec ISRAEL ; ce fut un tollé dans les pays islamo-arabophones… … Par moment, enfin, secouer le cocotier s’avère utile pour avoir de bonnes noix-de coco savoureuses et agrèables à tout le monde.

Avraham NATAF a dit…

La synagogue de la Ghriba est un lieu de culte, symbole d'une presence juive de 2500 ans. Dans toutes les videos, on voit surtout des des drapeaux tunisiens comme si c’étaient des bâtiments publics; c'est aussi la demonstration d'une volonté d'imposer plutôt que de respecter la dignité de citoyens déjà écrases