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vendredi 15 janvier 2016

Debout et vigilants par Gérard AKOUN



DEBOUT ET VIGILANTS

Par Gérard AKOUN
Judaïques FM
            
La ville qui ne dort jamais

          J’espérais dans cette première chronique de l’année 2016, pouvoir nous souhaiter à tous  une année de prospérité, de fraternité et de paix. Malheureusement cette nouvelle année ne commence pas sous les meilleurs auspices. Les guerres n’ont pas cessé en Syrie, en Irak, en Libye, au Yémen. Des attentats meurtriers se poursuivent en Israël, dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie  mais aussi en Europe où des centaines de milliers de personnes, fuyant les combats, ont cherché refuge. 




          Cette arrivée massive de demandeurs d’asile en provenance du Moyen-Orient, d’Afghanistan, auxquels se sont joints des migrants économiques venus d’Afrique du Nord, n’est pas sans poser de graves problèmes aux pays d’accueil. Le seuil de tolérance des populations autochtones est semble-t-il dépassé dans les pays où l’afflux a été le plus important. C’est le cas des pays scandinaves et surtout de l’Allemagne qui a accepté sur son sol plus d’un million de migrants. 
          Les violences qui ont été commises à Cologne à l’égard des femmes : des vols, des agressions sexuelles, des attouchements et même des viols ont traumatisé la population. Elles se sont déroulées en Allemagne mais aussi en Autriche, en Finlande, en Suède, transformant des soirées festives en cauchemar. Même si elles ont été le fait d’une minorité, elles ont jeté l’opprobre sur l’ensemble des demandeurs d’asile. Ils fuient la guerre, mais sont-ils prêts à vivre dans des pays démocratiques, à accepter les devoirs qui sont imposés à tous les citoyens, pour  bénéficier des droits qui leurs seront accordés ? S’ils ne respectent pas, par exemple, l’égalité entre les hommes et les femmes, il faut qu’ils sachent qu’ils n’ont pas leur place en Europe. La grande place de Cologne  n’est pas la place Tahrir au Caire.
            En France, après les attentats de Paris du 13 novembre qui avait sidéré notre pays, l’apologie du terrorisme et la glorification de Daesh n’ont pas cessé. Un terroriste s’est attaqué au commissariat de la Goutte d’Or  dans le 18e à Paris. Un  lycéen, de moins de 16 ans, turc d’origine kurde, a agressé avec une machette à Marseille, au cri d’Allah Akbar, un professeur coiffé d’une kippa. Il avait l’intention de le tuer, il n’a pu que le blesser légèrement, l’homme s’étant  défendu vigoureusement. Arrêté par la police, il s’est présenté comme partisan de l’État islamique et il a revendiqué son acte «dont il est très fier». Contrairement aux attentats du 13 novembre, ceux là ciblaient, clairement, des policiers et un porteur de kippa, donc un Juif.
Zvi Ammar

            Au lendemain de cet attentat, le  président du Consistoire israélite de Marseille, Zvi Ammar, a déclaré : «aujourd’hui devant la gravité des événements, il faut prendre des décisions exceptionnelles et pour moi la vie est plus sacrée que tout autre critère ; j’incite donc les juifs à enlever leurs kippa dans cette période trouble, jusqu’à des jours meilleurs». Il a ajouté : «on est obligé de se cacher un petit peu, les Juifs sont ciblés, dès qu’on est identifié, qu’on est juif, on peut être agressé et même risquer la mort. L’État fait tout pour nous assurer le maximum de protection, on ne peut pas demander plus. On ne va pas mettre un policier, un gendarme ou  un militaire derrière chaque juif».  
Haim Korsia

            Cette prise de position a suscité une hostilité générale mais plus ou moins mesurée dans les instances du judaïsme français. Le grand rabbin  Haïm Korsia a déclaré : «nous ne devons céder à rien, nous continuerons à porter la kippa» et il a appelé l’ensemble des supporters de l’olympique de Marseille à revêtir mercredi 20 janvier un couvre-chef en signe de solidarité lors du match qui opposera l’équipe phocéenne à celle de Montpellier. Pour le président du CRIF, Roger Cukierman : «cela traduit une attitude défaitiste de renoncement». Pour Joël Mergui, président du Consistoire central : «renoncer à la kippa serait nous priver de notre judaïsme, la kippa est un des symboles fondamentaux du judaïsme et donc de la liberté de conscience».

            Rappelons, quand même,  que tous les Juifs en France ne portent pas de  kippa, qu’ils  n’en sont pas moins juifs pour autant et que le port de la kippa dans les rues, dans l’espace public n’est pas une obligation religieuse. La kippa n’est obligatoire que dans les synagogues et pendant la lecture des livres saints. Chaque Français juif est seul juge pour décider en fonction de ses convictions s’il veut ou non porter une kippa. Pour ceux qui tiennent quand même à avoir la tête couverte, la kippa  peut être remplacée par un chapeau ou une casquette.  Il est peut-être inutile de s’exposer dans des endroits à risque, mais nous ne devons pas céder sur le principe : chaque Juif doit pouvoir porter une kippa dans l’espace public, s’il le désire. Céder  serait en quelque sorte courber l’échine, se soumettre aux pressions des terroristes et des islamistes. Ce sont nos libertés à tous  qui sont en jeu, celles qui font la France que nous aimons.

6 commentaires:

Véronique ALLOUCHE a dit…

Monsieur Akoun, entre l'identité et la sécurité il y a un choix qui se fait de lui-même. Quand la vie est en danger il faut de toute évidence la protéger. Et je trouve que le grand rabbin de France a des propos tout à fait irresponsables en demandant aux juifs de garder la kippa coûte que coûte sachant qu'aujourd'hui il ne s'agit plus d'insultes antisémites mais de meurtres. Il appelle à ce que les spectateurs du prochain match de foot de l'OM portent un couvre-chef. Il retarde. Nous ne sommes plus en 68, le slogan "nous sommes tous des juifs allemands" est mort et enterré.
Lorsque vous écrivez que chaque juif doit pouvoir porter une kippa dans l'espace public, dès lors vous admettez également le port du voile et de la burqa. Je suis étonnée par votre position, d'habitude plus éclairée.
Les signes extérieurs de l'identité religieuse doivent rester dans la sphère privée, non dans la sphère publique et ce n'est pas se coucher que d'y renoncer.
Sinon il faut oublier que la France a une spécificité chèrement payée: la laïcité.
Bien cordialement
Véronique Allouche

Yaakov NEEMAN a dit…

Derrière toute cette violence, rares sont les commentateurs qui entrevoient la main du Maître de l'Histoire, qui semble vouloir accélérer la sortie du peuple juif de son bi millénaire exil européen. Il y a eu -- en son temps -- la sortie d'Egypte, que nous commémorons chaque année lors de la fête de Pessa'h. Nous sommes à présents témoins de la sortie de la Galouth Tsarfatit. L'une des promesses de nos prophètes est en train de s'accomplir. C'est le rassemblement (progressif) des exilés. Et il n'est pas écrit qu'il sera sans heurt ni douleur.
Il faut donc s'y préparer en étant conscient du sens que revêt cette émigration, plutôt que de fuir l'Hexagone pour des raisons simplement sécuritaires. Ces assassins sont partout. Et en Israël aussi. La différence, c'est que la réponse de l'Etat hébreu à la violence terroriste est d'une tout autre nature.

sarah cattan a dit…

Oui Véronique Akoun, il est bien mort et enterré le "Nous sommes tous des Juifs allemands" de 68, et de toutes façons ils n'ont pas été pléthore ceux qui ont spontanément mis une kippa en signe de solidarité, appel généreux qui remet hélas douloureusement en mémoire, en 2016, les rares non-juifs qui arborèrent l'étoile jaune sous Vichy en guise de solidarité.
S'ils n'ont pas été pléthore, n'y voyons pas seulement un manque de courage mais reconnaissons la complexité, voire la perversité de la question: notre interprétation de la loi du 15 mars 2004 justement et notre lutte pour la laïcité sont brouillées car nous voilà dès lors amenés à comparer et à placer en égalité "kippa", symbole religieux, et "voile", symbole religieux et sexiste.
si nous portions la kippa par solidarité, nous devrons logiquement porter un voile demain en cas d'agression anti-musulmane, et comme nous refuserons de porter ce symbole sexiste, les réseaux islamistes responsables de ce nouvel antisémitisme nous accuseront encore plus fort d'islamophobie, et leur propagande antisémite appellera encore plus fort à tuer des Juifs à tout prix. car là est bien le propos.
La loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes religieux ostentatoires à l'école, pas dans la rue.
En résumé, comme vous je pense que les signes extérieurs de l'identité religieuse relèvent de la sphère intime. Comment toutefois ne pas admettre l'émoi légitime suscité chez les Juifs pratiquants par cet appel à se "cacher", à se résigner.

bakoun a dit…

Madame, merci pour votre message.
Chaque juif doit pouvoir, s'il le désire, porter une kippa dans l'espace public, ai je précisé dans la mesure où la loi l'autorise ce qui n'est pas le cas de la burka qui est interdite. ce serait le comble que les juifs soient les seuls, sous la pression des djihadistes, à ne plus porter de signe distinctif, alors même que les musulmans pourraient continuer à le faire. Je n'ai pas défendu ma position personnelle, je ne porte pas de kipa, mais il y a des principes de liberté qui sont valables pour tous. Ou alors, il faudrait que le gouvernement interdise tout signe distinctif dans l'espace public.
Bien à vous
Gérard Akoun

Anonyme a dit…

Lorsqu'on sacrifie un peu de sa liberté pour sa sécurité, on finit par perdre l'une et l'autre. Benjamin FRANKLIN

Véronique ALLOUCHE a dit…

@sarah Cattan
Merci pour votre réponse mais "se cacher" n'est pas se résigner.
Durant la dernière guerre mondiale, mon père n'a jamais mis l'étoile jaune, pourtant obligatoire dans la France de Vichy.
Je ne serais probablement pas en train de vous écrire s'il n'avait pas "caché" ses origines.
Bien cordialement