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mardi 21 juillet 2015

FISSURES DANS L’UNANIMITÉ CONTRE L’ACCORD IRANIEN



FISSURES DANS L’UNANIMITÉ CONTRE L’ACCORD IRANIEN

Par Jacques BENILLOUCHE
copyright © Temps et Contretemps



Les dirigeants israéliens de l’opposition ont été en phase avec le gouvernement, de manière unanime, pour rejeter l’accord signé avec l’Iran. Le chef en titre, Itzhak Herzog, ainsi que Tsipi Livni et Yaïr Lapid, ont condamné ce qu’ils ont qualifié de mauvais accord. Mais passé le délai de grâce, des failles apparaissent dans cette unanimité et des distorsions politiques s’expriment à présent au grand jour. Contrairement à la tradition politique israélienne qui s’applique dans les moments  difficiles du pays, l’opposition n’a été impliquée ni dans des réunions d’information, ni invitée a fortiori au Cabinet de sécurité où il est conventionnel que le chef de l’opposition puisse donner son avis sur la situation sécuritaire. Israël a ceci de particulier que le danger efface toujours les clivages politiques.


Les langues se délient à présent. Yaïr Lapid, qui fait fonction de véritable chef de l’opposition, a manifesté sa mauvaise humeur : «Netanyahou n’a organisé aucune réunion du cabinet sur l'Iran, même si nous l’avions demandé. Il voulait s’attribuer tout le crédit de la situation. Il est donc normal qu’il assume aujourd’hui seul la responsabilité de l’échec».
Yossi Cohen et Wendy Sherman

La signature de l’accord ne faisait pourtant aucun doute depuis plusieurs semaines. Il était annoncé et les grandes lignes étaient déjà actées ; seuls quelques détails mineurs restaient en discussion. Personne au gouvernement ou à la Knesset ne croyait vraiment qu’à Vienne l’ordre des choses allait s’inverser. Les États-Unis viennent de révéler qu’Israël était informé en permanence du déroulement des négociations et que certains ministres avaient reçu une liste exhaustive des points de discussion. Le conseiller à la sécurité nationale Yossi Cohen aurait été directement informé par Wendy Sherman, sous-secrétaire d’État américaine de l’état d’avancement de la négociation.

            Il a fallu attendre le 14 juillet pour que le premier ministre convoque les ministres du Cabinet, sans y inviter d’ailleurs le chef de l’opposition comme il se doit en pareille circonstance grave. Il avait, selon les témoins, la mine déconfite du perdant devant faire face à la réalité d’un accord qu’il n’avait cessé de combattre.  Il a alors préparé, avec ses ministres, les éléments de langage pour commenter l’accord et pour organiser la riposte face aux États-Unis. Mais en fait, avec le courage qui caractérise les ministres, le Cabinet s’est comporté en chambre d’enregistrement où tout était déjà acté par le premier ministre. Sur une question d’un ministre au sujet de la tactique à utiliser au Congrès, Netanyahou s’est borné à indiquer «qu’il allait mettre en place le combat mais qu’il était sceptique sur la réussite de sa démarche».
Lobby juif américain reçu par Valls

Certains ministres ont estimé que beaucoup de dégâts ont été occasionnés dans les relations avec les Américains et qu’il valait mieux qu’Israël n’agisse pas ouvertement auprès des membres du Congrès pour éviter d’envenimer la situation. Il était donc convenu de laisser agir les lobbies pro-israéliens, les Républicains et les dirigeants communautaires juifs. L’un des ministres s’est d’ailleurs permis une boutade à ce sujet : «le travail du juste est toujours fait par les autres ».
Barack Obama veut à tout prix éviter la rupture avec Netanyahou. Il compte l’inviter à Washington à la mi-août, avec le ministre de la Défense Moshe Yaalon pour clarifier verbalement la situation de l’accord avec les Iraniens. Il s’agit à présent de mettre en place un ensemble de compensations à destination d’Israël, avant de présenter l’accord pour signature au Congrès américain afin qu’il y ait une majorité large.

            Le Cabinet a donc préféré considérer l’affaire classée et détourner l’attention sur le vote du budget. Le premier ministre a abordé son projet d’élargir la coalition à l’Union sioniste bien que des rivalités internes traversent le parti de gauche. Les Travaillistes ne voient pas l’intérêt de faire la courte échelle à un gouvernement de droite en difficulté. Itzhak Herzog, hésitant parce qu'il tient à être ministre, a d’ailleurs tenu à clarifier sa position dans une déclaration où il semble fermer la porte à son entrée au gouvernement : «Je suis d'accord avec Netanyahou que c’est une mauvaise affaire. L’accord est problématique car il libérera certaines forces dangereuses. Mais, comme je l'ai dit à Netanyahou, nous avons besoin de mettre en place un package avec les États-Unis et les pays modérés de la région, afin que nous puissions vivre ici et créer la dissuasion. Je l'ai dit au secrétaire britannique des Affaires étrangères. Mais nous ne sommes pas actuellement au stade de discuter d’union nationale».

Une fin de non-recevoir claire, martelée par Herzog qui brise les espérances du premier ministre sans pour autant chercher à l'enfoncer complètement : «Actuellement, nous dirigeons l’opposition, et notre parti ne parle pas d'union. La question politique n'a pas été soulevée dans ma rencontre avec Bibi. Il ne m’a pas offert de rejoindre le gouvernement ; d’ailleurs je ne le demande pas. Je sais que la situation d'Israël est difficile. Nous sommes auprès du gouvernement dans sa lutte contre cette mauvaise affaire, mais cela ne signifie pas que nous allons nous précipiter pour rejoindre le gouvernement».
L’accord iranien ayant été signé, la solidarité nationale n’est plus exigée et la politique politicienne reprend ses droits. Le premier ministre comptait se refaire une santé en organisant une union nationale pour, ensuite, se repositionner en force en première ligne dans le vote du budget 2016. Herzog fait cependant un constat amer : «Bibi n'a pas l'intention de nuire à la sécurité d'Israël mais il a échoué». Les marchandages vont reprendre et les palabres vont permettre aux partis de réduire leurs exigences financières s’ils ne veulent pas recourir à de nouvelles élections stériles.

Yaïr Lapid, leader de Yesh Atid, qui agit en tant que chef putatif de l'opposition, est dans une phase incisive. Il accuse le premier ministre de n’avoir pas été en mesure d'empêcher une telle mauvaise affaire pour Israël et demande la création d’une commission d'enquête pour examiner l'ensemble de la politique étrangère du gouvernement. Lapid a estimé que les tentatives de Netanyahou pour empêcher l'accord se sont soldées par «un grand échec. Cet échec est à une telle échelle qu’il appelle à une commission d'enquête officielle pour en examiner les circonstances. La question de la supervision de l'accord nucléaire est absurde. Israël n'était pas là pour s’immiscer puisque personne ne voulait parler à Netanyahou». Lapid a usé d’exagération dans sa fonction d’opposant mais c’est de bonne guerre : «Ceci est le plus grand échec de la politique étrangère depuis qu'Israël a été créé. Pendant des années, la politique étrangère de Netanyahou consistait à empêcher le nucléaire iranien. Toutes les portes se sont fermées devant le premier ministre. Dans le moment de vérité, nous aurions dû empêcher cette mauvaise affaire mais personne ne voulait écouter ou parler à Netanyahou».
- Israël va maintenant demander quelles sanctions nous seront imposées  - Israël ? quel Israël ?

Les règlements de comptes politiques sont courants mais ils prennent une tournure plus agressive parce l’opposition veut exploiter la difficulté dans laquelle se trouve le premier ministre sur le plan international et aussi sur le plan intérieur avec un budget difficile à voter. L’unanimité de façade qui a prévalu le jour de la signature de l'accord s’est fissurée et la politique reprend ses droits dans une certaine incertitude cependant.


3 commentaires:

Agathe DUBOIS a dit…

Voilà le plus important à retenir, le reste n'étant que de la pure politique politicienne et bla bla
Herzog "Je sais que la situation d'Israël est difficile. Nous sommes auprès du gouvernement dans sa lutte contre cette mauvaise affaire"

Chebat a dit…

Le professeur Alan Dershovitz de la Harvard Law School a montré que cet accord était un copié-collé de la'accord sur le nucleIre nord-coréen. Cet accord était censé éviter que la Corée du Nord fabrique des armes de destruction massive. Cinq ans après la signature de cet accord. La Corée du Nord a ses bombes et ses fusées avec lesquelles elle menace la Corée du Sud et le Japon. Bill Vlinton s'était pourtant fait convaincant: cet accord était la garantie de la non-nucléarisation de cette dictature.
Les Européens qui ont signé cet accord seront avant longtemps sous la menace nucléaire iranienne. La course aux petro-dollars iraniens que montre un article du Figaro du 15/07, va coûter très cher à l'Europe.
De plus, les Arabes sunnites ne croient pas un mot de cet accord et sont les premiers menacés par leur voisin immédiat et rival chiite. Ils se préparent aussi à se défendre avec des armes semblables. L'Arabie saoudite vient de signer un contrat avec la Russie pour se fournir en usines nucléaires. Elle a déjà ses fusées américaines. Même chose pour l'Egypte.
Or Obama avait argumenté que cet accord garantirait la dénucléarisation du Moyen-Orient.
Cela ne peut que rappeler Daladier et Chamberlain revenant de Munich en 1938 avec un accord garantissant la paix.
À noter: Jimmy Carter est chargé de convaincre ceux qui restent les derniers alliés des américains que cet accord avec les iraniens, a du sens, lui qui fut humilé par ces mêmes iraniens pendant la crise des ôtages de l'ambassade américaine à Téhéran.
Disons euphémiquement, il n'est pas la personne idoine pour témoigner de la bonne foi des Iraniens.
Enfin, sous la houlette de leur président Rohani, des centaines de milliers d'Iraniens viennent de défiler dans les rues de Téhéran en criant "mort à Israel,mort à l'Amerique!". Mais il faudrait qu'Israel se sente en sécurité grâce à cet accord . Et c'est avec ce gouvernement que le président américain vient de signer un accord . Quand Chamberlain et Daladier négociaient à Munich en 1938 avec Hitler, celui-ci et les allemands jouaient aux pacifistes et ne criaient pas publiquement "mort à la France, mort à l'Angleterre!". J'ai toujours cru que cet accord était le fond du baril de la lâcheté et de l'imbécilité politiques. Mais avec cet accord sur le nucléaire iranien, on est allé encore plus bas.

Nadine VERED a dit…

Une commission d'enquete sur l'echec diplomatique du gouvernement Natanyahou a empecher l'accord avec l'Iran ? Yair Lapid se trompe. On peut faire une commission d'enquete sur un conflit, sur une histoire de corruption, mais sur un accord diplomatique ?