MAGNANIMITÉ À L’ÉGARD DES DIRIGEANTS
Par
Jacques BENILLOUCHE
La prison est-elle vraiment
nécessaire pour certains hauts dirigeants du pays qui ont failli ? On peut
sérieusement se poser la question après la condamnation à six années de prison de l’ancien premier
ministre Ehud Olmert et celle, avant lui, de l’ex-président de l’État Moshé Katsav. Le coût de sa détention, compte tenu des mesures spéciales de surveillance pour un VIP, risque d'être élevé pour le pays. D'ailleurs un groupe de travail au sein des services pénitenciers vient d'être constitué pour prévoir les conditions de détention de ce prisonnier illustre.
Le but général de la prison est de punir certes une personne reconnue
coupable d'une faute d'une certaine gravité, de protéger la société des
personnes dangereuses, de réinsérer ou de réhabiliter un délinquant et pour les
régimes dictatoriaux de neutraliser les opposants politiques.
Privation de liberté
Prison de Ramlé |
Aucune
de ces mesures de privation de liberté ne semble s'imposer au cas d’Ehud Olmert
qui a été condamné pour des malversations financières et pour des pots de vin.
Il a pêché pour de l’argent, il doit être puni par l’argent. Ses biens doivent
lui être immédiatement confisqués pour combler le paiement d’une très forte
amende dissuasive représentant le double ou le triple de la somme détournée. La
sanction pourrait être la perte définitive de ses droits civiques pour ne pas
qu’il se retrouve sur la scène politique, l’assignation à résidence à son
domicile avec une autorisation de sortie bimensuelle uniquement chez un membre
de sa famille, la confiscation de son passeport et de ses papiers d’identité
pour éviter une fuite à l’étranger, la mise sous curatelle pour limiter ses
dépenses quotidiennes et empêcher tout train de vie anormal. La prison n'est pas indispensable.
Olmert devant le tribunal |
Le
procès est déjà en lui-même une punition pour le condamné. La presse, les medias
et l’opinion publique ont détaillé de long en large son comportement
inadmissible et sa vie privée jetés à la vindicte publique. Il a subi la réprobation
de ses concitoyens et de ses anciens électeurs. La prison devient alors une
sorte de vengeance qui n’apporte rien au pays car le coupable est déjà
éliminé de la société et le cas échéant ruiné. Par ailleurs, un dirigeant n’est
pas tout à fait pourri eu égard à son passé au service de la Nation. Il a failli certes mais il n’est pas nécessaire de le mettre au
contact de meurtriers, de violeurs, de traîtres et de terroristes pour amplifier
sa punition.
Auguste et Cinna |
Il ne s’agit pas de pardonner des actes contraires à la loi et la
dignité. Mais la société doit être clémente parfois et, sans donner une totale
liberté à Ehud Olmert, elle peut être magnanime en le laissant auprès des siens en ne lui imposant pas la tenue dédiée aux prisonniers ni les chaînes au pied.
Il ne s’agit nullement de pardonner
comme l’empereur Auguste vis-à-vis de Cinna mais de trouver le juste milieu d’une
réparation qui ne soit pas la volonté de destruction d’un homme a fortiori
lorsque, par ailleurs, d’autres voleurs
notoires et impunis s’affichent dans les medias en narguant leurs victimes. Une
démocratie forte ne doit pas avoir peur de mettre en avant sa magnanimité qui
est précisément l'un de ses attributs.
Je suis maître de moi comme de l’univers ;
Je le suis, je veux l’être. Ô siècles, ô mémoire,
Conservez à jamais ma dernière victoire !
Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux
De qui le souvenir puisse aller jusqu’à vous.
Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie :
Comme à mon ennemi je t’ai donné la vie,
Et malgré la fureur de ton lâche destin,
Je te la donne encor comme à mon assassin.
Commençons un combat qui montre par l’issue
Qui l’aura mieux de nous ou donnée ou reçue.
Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ;
Je t’en avais comblé, je t’en veux accabler.
CORNEILLE (1606-1684), Cinna,Acte
V, scène 3.
3 commentaires:
Cher monsieur Benillouche,
Magnanimité : vertu de celui qui a l'âme grande, nous apprend monsieur Littré.
Il semblerait que pas plus en Israël, qu'en France - où tout le monde a encore en mémoire le fameux "mur des cons" - on associerait cette belle vertu à la Justice.
Car, comme vous le soulignez dans votre article, cette justice s'exerce plus par sentiment de vengeance que pour protéger la société, lorsqu'il s'agit d'opposants politiques.
Ainsi dès le lendemain du succès indiscutable de la Droite aux élections départementales, les enquêtes des juges sur Nicolas Sarkozy ont repris de plus belle.
Cette façon de procéder donne l'impression fâcheuse que la Justice est instrumentalisée, ce qui est très dommageable pour une démocratie où le pouvoir judiciaire est censé être strictement indépendant du pouvoir exécutif.
Très cordialement.
Contrairement à vous, chère Marianne, je ne mets pas en cause la justice qui, d’une manière générale, est libre en France et en Israël. C’est trop facile de critiquer les juges lorsqu’ils font preuve d’indépendance et en Israël la Cour suprême qui rend le droit en fonction des lois en vigueur.
La condamnation est obligatoire et légitime lorsque l’on détourne des fonds publics.
Mais mon propos ne concernait que l’aménagement de la peine de prison pour des personnages qui ont eu un long passé au service de l’État mais qui ont failli à la fin de leur vie. On ne peut pas effacer d’un trait ce qu’ils ont donné au pays pendant de longues années.
J'ai bien lu, cher monsieur Benillouche que, contrairement à moi, vous ne mettiez pas la justice en cause.
Cependant, le prononcé de la peine ne fait-il pas partie intégrante du procès ? Et le choix de cette peine, quelle qu'elle soit, n'est-elle pas une des prérogatives des juges ? Partant, dénoncer une peine prononcée par le tribunal, n'est-ce pas déjà critiquer une décision de justice ce qui est réputé, interdit ?
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