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dimanche 16 octobre 2022

Accord historique libano-israélien contesté par Netanyahou


ACCORD HISTORIQUE LIBANO-ISRAÉLIEN CONTESTÉ PAR NETANYAHOU

Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps

Négociation avec le président Aoun

         L’accord entre le Liban et Israël est né après une mise scène dramatique ; chacune des parties avait affirmé sa volonté de ne pas accepter de concessions imposées par l’autre partie. C’était une figure de style car les États-Unis avaient, depuis le début, imposé les termes de l’accord. Chacun a voulu donner l’impression que ses objections avaient été prises en compte et que ses conditions pour signer l’accord avaient été acceptées. L’honneur est sauf ; ni Israël et ni le Liban n’ont dû subir de diktat. Selon un responsable américain : «Cela n'a pas été une négociation facile. Nous nous attendons à ce qu'il y ait d'autres moments difficiles alors que nous mettons en œuvre cet accord à l'avenir».


Moshé Dayan signe l'accord d'armistice


Cet accord est cependant historique car c’est le premier qui est signé depuis l’armistice de 1949 bien que, techniquement, le Liban et Israël soient toujours en guerre. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une avancée diplomatique importante car ces deux pays se sont retrouvés à la table de négociations, par États-Unis interposés, plutôt que sur un champ de bataille comme en 2006. Le président Joe Biden, artisan de l’accord, a incité les deux parties à le mettre en œuvre rapidement. Le Liban va pouvoir explorer les espaces marins pour découvrir du gaz naturel à proximité des gisements déjà découverts par Israël.

Chacune des deux parties trouve son intérêt. L’accord assure la sécurité et la sureté d’Israël tandis qu’il offre des opportunités économiques à un Liban en pleine crise financière depuis des décennies. La livre libanaise a perdu plus de 90% de sa valeur depuis 2019 alors qu’il s’agissait naguère d’une petite Suisse.  Les habitants souffrent puisqu’ils ne peuvent bénéficier que de quelques heures d’électricité par jour. Les banques ont fermé leurs guichets.  Cela prendra du temps pour découvrir les nouveaux gisements mais des solutions intermédiaires seront certainement trouvées pour répondre rapidement à la crise de l’électricité. Le géant français de l'énergie TotalEnergies commencera immédiatement à travailler dans les eaux libanaises tandis qu’Israël aura droit à une part des revenus du futur champ gazier de Qana, à la limite de la zone de démarcation. Ces relations économiques imposeront par la force des choses des relations de paix et de confiance qui finiront certainement d’inclure le Liban dans les accords d’Abraham. Pour quelque temps, les armes seront rangées au vestiaire.



Cette extension des gisements gaziers place Israël comme exportateur de gaz vers l’Europe, capable de résoudre en partie la crise énergétique. A la veille des élections américaines de mi-mandat, Joe Biden engrange une victoire diplomatique grâce à son envoyé, Amos Hochstein, maitre d’œuvre des négociations israélo-libanaises.  Pour le président américain : «L'accord annoncé par les deux gouvernements permettra le développement de champs énergétiques au profit des deux pays, ouvrant la voie à une région plus stable et plus prospère et exploitant de nouvelles ressources énergétiques vitales pour le monde», tandis que Yaïr Lapid l'a qualifié de «réalisation historique qui renforcera la sécurité d'Israël, injectera des milliards dans l'économie israélienne et assurera la stabilité de notre frontière nord».



La droite israélienne s’oppose totalement à cet accord et en fait un élément de la campagne électorale du 1er novembre. Netanyahou, qui n’a jamais eu de bonnes relations avec Joe Biden a attaqué les États-Unis à ce sujet. Pour des raisons électorales, il est prêt à torpiller l'accord et à attaquer l'administration Biden. Il accuse son rival Lapid de se rendre pieds et poings liés au Hezbollah. Il fustige aussi la pression américaine sur Israël pour imposer cet accord. Netanyahou a déjà annoncé qu’il ne se sentait pas lié par cet accord et qu’il le remettrait en cause s’il était réélu.  La coalition se défend : «L'ancien Premier ministre cause des dommages stratégiques à Israël. Il sait que l'accord israélo-libanais est important, il sait que tous les experts en sécurité, sans exception, le soutiennent, il sait qu'Israël concède très peu en échange de la stabilité et de la sécurité régionales pour son réservoir de gaz de Karish. Il sait tout ce qui précède et cherche néanmoins à se battre, lance des menaces et est prêt à tout pour saper un accord». 

Comme il est habitué aux excès, Netanyahou présente Lapid comme un traître vendant les ressources naturelles d'Israël à Nasrallah. La concession par Israël au Liban d'un petit réservoir de gaz, qui n'a pas encore été officiellement découvert, est mineure par rapport aux avantages qu'un tel accord offre. Israël minimise la menace du Hezbollah et limite l’influence de l’Iran qui approvisionne le Liban en pétrole iranien.  Un Liban indépendant sur le plan énergétique sera moins soumis aux Mollahs.

Amos Hochstein avec Aoun


Les observateurs étrangers sont convaincus que cet accord limitera les tensions entre Israël et le Hezbollah qui a mis de l’eau dans son thé.  Hassan Nasrallah avait menacé d'attaquer Israël s'il cherchait du gaz dans la zone contestée avant qu'un accord ne soit conclu. En juillet, Israël avait intercepté trois drones du Hezbollah survolant sa plate-forme Karish en Méditerranée. En fait tacitement, le Hezbollah a accepté les termes de l'accord compte tenu de la situation économique dramatique du Liban.



        On peut s'étonner de l'attitude du Hezbollah qui semble avoir choisi le pragmatisme mais surtout l'intérêt du Liban. Le Hezbollah a donné son feu vert à un accord avec Israël. Il ne s’agit pas d’une normalisation mais le parti chiite accepte de changer les règles du jeu et de rendre la possibilité d'un conflit avec Israël plus improbable. Hassan Nasrallah aurait pu demander au Liban de revendiquer la ligne 29 en tant que frontière maritime avec Israël. Il ne l’a pas fait. Il aurait pu torpiller les négociations en exigeant des choses impossibles à accepter pour Israël. Il ne l’a pas fait. Il aurait pu cibler militairement des infrastructures israéliennes pour prouver que sa menace est sérieuse. Il ne l’a pas fait. 

Les Occidentaux sont très sensibles à cet accord dans un contexte international marqué par les tensions sur les marchés de l’énergie et l’envolée des prix du gaz depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, principal fournisseur des Européens. Il est regrettable que le sujet se soit transformé en enjeu électoral en Israël. Pour Netanyahou : «Nous gagnerons les élections et annulerons cet accord honteux ! Lapid donne au Hezbollah un territoire souverain de l'État d'Israël comportant un énorme gisement de gaz qui vous appartient, à vous citoyens israéliens ». Pourtant Netanyahou sait que ces gisements sont dans un territoire international et qu’il ne s’agit pas de territoire israélien proprement dit.



Yaïr Lapid a répliqué directement aux accusations de Netanyahou : «Je comprends que cela vous chagrine de ne pas avoir réussi à conclure un accord lorsque vous étiez au pouvoir, mais ce n’est pas une raison pour vous joindre à la campagne de propagande de Nasrallah». Selon un sondage commandé par la chaîne publique israélienne Kan, 43% des Israéliens sont favorables à un accord gazier avec le Liban, 16% défavorables et 41% n'ont pas d'avis sur la question.



Dans l’immédiat, le Liban refuse de reconnaître l'Etat Israël et, soumis aux pressions du Hezbollah, il signera l'accord indirectement par l’intermédiaire des Américains. L'accord se présente sous la forme d'échanges de lettres entre les États-Unis et le Liban et les États-Unis et Israël, ainsi que des lettres du Liban et d'Israël à l'ONU, déposant l'accord de frontière maritime, y compris les coordonnées. Cependant, des représentants d'Israël et du Liban doivent se rencontrer à Naquora, à la frontière entre les pays, pour finaliser l'accord. Le Hezbollah, qui fait partie du gouvernement libanais, s’est engagé à ne pas saboter l'accord.

Le Cabinet de sécurité israélien a approuvé l'accord avec le Liban malgré l'abstention d'Ayelet Shaked. Il sera soumis à la Knesset pour approbation définitive.

A relire sur le sujet les articles d'Albert Naccache :

https://benillouche.blogspot.com/2022/09/le-liban-tombe-de-karish-en-scylla-par.html

https://benillouche.blogspot.com/2022/06/serie-israel-liban-saison-3episode-2.html



3 commentaires:

Harry NUSSBAUM a dit…

Bibi est encore une fois prêt à tout pour revenir au pouvoir, y compris à brader les intérêts et la sécurité d'Israël.

Anonyme a dit…

Merci pour cet article éclairant. Cependant à ma connaissance, nous ne sommes pas en guerre contre le Liban mais contre le Hezbollah. Dominique Cywie

Georges Kabi a dit…

Pour "anonyme:, nous sommes n guerre avec le Liban meme si il existe un cessez-le-feu conforte par une decision du Conseil de Securite.
Maintenant, Bibi fait tout un tra-la-la sur cet accord alors que personne n'a encore rien trouve dbs ce siut-disant champ gazier.Mais Bibi est caoable de declarer la guerre aux USA pour remporter les elections. Car l'enjeu est important: ou Bibi est blanc comme neige, ou bien c'est un voleur.