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jeudi 20 octobre 2022

Pour Macron, Mendès-France avait la République dans la peau

 

POUR MACRON, MENDES-FRANCE AVAIT LA RÉPUBLIQUE DANS SA PEAU


Par Jacques BENILLOUCHE

Copyright © Temps et Contretemps



Dans un hommage discret, un déjeuner réunissant une quinzaine de personnes a eu lieu le 18 octobre 2022 au salon des ambassadeurs de l’Élysée pour commémorer la mémoire de «PMF», Pierre-Mendes France, décédé le 18 octobre 1982. Il représentait «l’homme politique français de la IVe République qui a creusé la trace la plus profonde, marqué l’empreinte la plus forte, et qui laisse le souvenir le plus vivace», Après de Gaulle et Mitterrand, Emmanuel Macron le chef de l’État a célébré la mémoire de l’éphémère président du Conseil sous la IVᵉ République, qui «avait la France dans son nom et la République dans la peau». Pour l’Élysée : «Homme de devoir de vérité et de confiance, Mendès France n’a passé que sept mois à la tête du gouvernement, mais il n’a pas quitté depuis quarante ans la mémoire de notre nation».


18 décembre 1989 Inauguration de la rue Pierre Mendès France à Jaffa avec l'ambassadeur Alain PIERRET au premier plan


Les Français ont tendance à ne pas aimer les personnalités brillantes et iconoclastes. Mendes-France compte parmi les meilleurs dirigeants politiques, certes intransigeants sur le service de l’État. Son destin était incomparable à trois périodes où la France avait le plus besoin de repères parce que la politique politicienne avait pris le pas sur la réflexion. Il avait peu gouverné mais ses idées l’ont transcendé parce qu’elles ont survécu à sa mort et sont devenues une référence. Il a fait de la politique pour servir son pays et non pour se servir. Il n’a pas couru après la carrière, ni après les honneurs des postes ministériels. Il a tout laissé tomber, en pleine gloire, lorsqu’il a constaté que la politique qui lui était proposée n’était plus en adéquation avec ses convictions. Les hommes politiques sont avides de pouvoir mais lui, a accepté de le quitter, volontairement, en démontrant ainsi la grandeur de son personnage. Il est probable que son origine juive l'ait desservi. 


Rencontre avec le Bey de Tunis

            Il a eu la passion du terroir, parfois lointain. Il avait été le premier décolonisateur, avant le général de Gaulle, puisqu’il avait prononcé le Discours de Carthage, le 31 juillet 1954, pour offrir à la Tunisie la liberté sous forme d’indépendance. C’était le moment où les colonialistes s’acharnaient à se couvrir le visage pour ne pas voir la réalité nouvelle concrétisée sur le terrain, qui se propageait dans les esprits.  

        Mendes-France avait été un élu de Louviers dans l’Eure, la France profonde, qui l’avait adopté dès l'âge de 25 ans pour lui enlever ses scories de parisien. Il n’a réellement gouverné le pays que pendant sept mois et il s’en est allé, sur la pointe des pieds, quand il a découvert que la politique devenait synonyme de haine, d’intérêt, de bassesse et de mauvaise foi. Et pourtant il a laissé des traces indélébiles alors que d’autres, qui ont occupé des ministères pendant des années, n’ont jamais marqué la République et sont tombés dans l’oubli. Mais malgré cette durée limitée, il a semé ses idées que d’autres ont porté ensuite comme un étendard, avec fierté, sans jamais oublier d’en rappeler l’origine : Michel Rocard, premier ministre, Jacques Delors un grand de l’Europe, Manuel Valls, premier ministre, François Fillon, et d’autres noms aussi prestigieux qu’il serait vain et long de citer.

Rocard et ses illustres élèves


            Il s’est voulu rassembleur car le peuple devait être uni dans les moments difficiles. Il véhiculait certes des idées de gauche au sens noble du terme mais, dans son registre, il avait été catalogué de «gaulliste social», un positionnement qui ne voulait s’apparenter ni à la gauche et ni à la droite. C’était l’homme politique du «Non». Non au projet de constitution élaboré par Charles de Gaulle en 1958 car il était opposé aux conditions dans lesquelles le Général avait décidé de prendre le pouvoir. Lorsqu’il a été battu dans un combat déséquilibré, il a alors préféré quitter le pouvoir pour s’adonner à la réflexion politique, celle qui manque le plus aux hommes de gouvernement.

            La nature humaine et politique veut que les Grands hommes ne soient reconnus comme tels qu’après leur disparition. Mendes France n’a été consacré que longtemps après sa mort, discrète et presque gênante, alors que Mitterrand prenait le pouvoir sans aucun geste de reconnaissance envers celui qui l’avait fait. Il est resté une référence dans la classe politique française, et même internationale, comme symbole d’une conception exigeante de la politique. Une conception qui se fait rare de notre temps où la médiatisation à outrance transforme les hommes politiques en marionnettes et où l’avidité les pousse à tous les excès.

Avec de Gaulle à la Libération


Les hommes politiques craignent les qualités et les vérités de ceux qui les transcendent, une sorte de haine compulsive. Ils n’aiment pas les gens brillants qui leur font de l’ombre. Alors ils préfèrent appuyer des médiocres. Aujourd’hui la Gauche est laminée par ses guerres intestines et s’est rendue pieds et poings liés aux gauchistes rêveurs et anachroniques. La Droite souffre d’avoir fait le choix d’une erreur de casting et de s’être engouffrée aux côtés de ses extrêmes. Et pourtant il y avait un boulevard pour un social-démocrate, positionné au centre de l'échiquier politique, qui pouvait amener à lui les centristes orphelins d’un leader charismatique, les inconditionnels de la gauche déçus par Emmanuel Macron, les socialistes perdus et même les extrémistes égarés dans un chemin de traverse. Mais les premiers de la classe sont toujours soumis à la vindicte des médiocres.

Mendes-France et la France Libre


Il n’y a peu d’exemples où des hommes ayant quitté le pouvoir en pleine gloire ont continué à inspirer les pas de ceux qui les ont suivis. Mendes-France a fait l’Histoire parce qu’il était brillant, intègre, entier et intransigeant dans sa démarche politique. Il n'acceptait aucun compromis qui pouvait aller à l'encontre de son programme et de ses convictions. Il constitue une importante figure morale pour une partie de la classe politique et incarne le symbole d’une conception exigeante de la politique. Il personnifie en fait ce qu’on appelle communément : le service de l’État. Pour l’instant et c’est triste, personne n’est de la trempe de ce leader pour se montrer à la hauteur de son génie politique. Personne aujourd’hui n’est capable de «casser la baraque».

L'ancien député socialiste François Loncle a confirmé avoir abordé la question avec Macron de l'entrée au Panthéon de l'ancien homme politique juif qui avait été arrêté par Vichy. Ce serait le moindre des honneurs.

4 commentaires:

Joseph Kalfon a dit…

Un brillant et juste hommage à un Grand Homme , Pierre Mendes France où dit il : La démocratie c’est beaucoup plus que la pratique des élections et le gouvernement de la majorité : c’est un type de mœurs , de vertu, de scrupule, de sens civique , de respect de l’adversaire ,c’est un code moral .

Dorah a dit…

Le sujet d'un de mes mémoires dont je suis le plus fière.
Son code moral m'a accompagné pendant toutes les années où j'ai été en activité au service de l'Etat....

Anonyme a dit…

PMF est arrivé au pouvoir et s’y est maintenu 7 mois et 17 jours avec le soutien de L’ Express de JJ Servan Schreiber et Francoise Giroud . Mais il n’aurait jamais pu y accéder sans Dien Bien Phu défaite militaire qui imposait de quitter l’ Indochine . Et la tâche a été confiée à un juif !

Georges Kabi a dit…

J'etais trop jeune pour apprecier la politique de PMF. Ma seule reconnaissance fut sa decision de distribuer dans toutes les ecoles de France un bol de lait quotidien. Ce bol de lait a survecu jusqu'en 1959 date a laquelle De Gaulle, qui detestait PMF, le supprima.
Jacques je suppose qu'on ne le faisait pas en Tunisie.