Eglise Saint Pierre |
Il l’avait prévenue. Terrain miné. Il y avait plus de coups à attendre que de fleurs. Mais la rationnelle, obstinée avocate, se confirma déterminée à crever l’abcès dit-elle. Pour tenter de donner au débat prévisible le meilleur niveau possible de sérénité et de rigueur, Jonathan réduit le cercle à cinq participants de bonne volonté. D’opinions différentes mais de même ouverture d’esprit. Il s’agit de religion, s’excusa-t-il, timidement, pour aborder l’objet du délit avec précaution. Précaution immédiatement inutile.
Massacre Saint Barthélemy |
Quand cette sacrée avocate affirma, en guise
d’introduction, Y en a marre ! Justifiant derechef son exclamation
initiale par l’évidence du constat : il ne suffisait pas que, partout dans
le monde, depuis l’origine des temps, les diverses religions, fondées sur le
besoin de transcendance des divers groupes humains, imposent leurs récits,
leurs règles, leurs anathèmes. Ne soient à l’origine des plus grands massacres,
des étripages et guerres les plus meurtrières. Mais encore! Maintenant !
A l’époque de l’espace/temps d’Einstein. De la digitalisation du monde. De la
connaissance universelle. La religiosité persiste et signe. Pénètre tous les
rouages de la vie publique. Limite, interdit, condamne.
Le prof d’histoire eut beau jeu de se référer à la fameuse
déclaration d’André Malraux, ‘’Le 21e siècle sera religieux ou ne
sera pas’’. Trop fameuse pour être honnête, reprit-il, lui, se revendiquant
lettré et religieux. Car Malraux, agnostique lui-même, voulait parler de
spiritualité. Mais le 21e
siècle, siècle du choc de la mondialisation, ne trouve de vraies réponses à son
besoin de certitudes que dans la pure religion. Le non religieux, c’est raté !
Exemple ? Le communisme, sans autres dieux que le Parti ou Staline,
une fois effondré, est retourné au règne des Popes et des ors Orthodoxes.
La longue et brune avocate, horrifiée, n’eut pas le temps de réagir. Heureusement, car le critère de sérénité n’y aurait peut-être pas résisté. La jeune étudiante sociologue, plus rapide, choisit plutôt le registre de la moquerie pour apporter un bémol argumenté à cette démonstration d’adhésion à l’hégémonie religieuse. Ne se trouverait-on pas, dans la Russie de ce charmant Poutine, dans une démonstration d’un autre ordre ? Celle des vertus de l’alliance de la carpe et du lapin ? Je te redonne ton Auction, tu m’octroies ta bénédiction. C’est du gagnant/gagnant. En même temps qu’une parfaite démonstration de la merveilleuse souplesse d’échine des institutions religieuses.
Religieux politiques israéliens |
Qui leur permet de garder avec le Pouvoir la relation la plus
réaliste et la mieux adaptée aux circonstances. Le tenant du sionisme historique,
cinquantaine bien sonnée mais toujours autant pratiquant de la réflexion
politique, prit le relais de sa jeune collègue. En annonçant boire du petit
lait. Quelle meilleure preuve de l’exacte exactitude des propos de cette amie ?
Il proposa aux honorables membres de cette docte assemblée, de
contempler le paysage politique israélien. Le summum ! D’abord une série
de courants religieux, alignant l’extrémisme de leurs positions politiques sur
l’extrémisme de leur position religieuse. Ensuite, exclusivité israélienne, courants
religieux devenus partis politiques. Enfin, courants-partis religieux utilisant
tous les moyens, jusqu’au plus pur chantage, pour dicter leur loi aux partis
politiques classiques les plus proches de leurs convictions.
Frustrée d’une certaine manière, de voir son sujet d’indignation
devenir sujet d’opposition policée de points de vue posément exposés sur la
table, l’avocate profita d’une pose respiratoire pour faire ressouffler le vent
de la révolte. Mais enfin, Daesh et son cortège infini d’horreurs, le
terrorisme islamiste sous des formes et des moyens infinis, le messianisme
insidieux aux Etats-Unis, en Amérique du Sud, en Afrique, de mouvements protestants,
catholiques, infiniment riches et puissants. N’est-ce pas la perpétuation aux
temps actuels d’un rôle dramatique assuré depuis la nuit des temps ?
Voix posée, gestuelle contrôlée, la prof de Yoga, hochant lentement
la tête, s’interjeta. Méfions-nous de jeter le bébé avec l’eau du bain, dit-elle.
Impossible, inutile et dangereux de prétendre nier ces cas, indéniables. Mais
ne s’en remettre qu’à eux pour juger du fait religieux amène à ignorer
l’essentiel. L’essence des choses, en fait. Car c’est participer à une
confusion première. L’appel à la transcendance, la quête morale, l’accomplissement
de soi, relève d’une démarche individuelle. La vérité religieuse n’est pas dans
l’hégémonie de l’institution religieuse. Encore moins dans la prétention du
religieux à la politique. La religion est d’abord foi personnelle. Elle ne peut
qu’ensuite prétendre à être collective et sociale. Elle ne devient danger que
politique.
Son copain libraire, resté jusqu’à présent observateur calme et
muet de la joute en cours, s’y joignit finalement. Son sentiment était,
qu’outre toutes ces vérités énoncées, complémentaires plus qu’opposées, il en
était une, tout aussi fondamentale, dans les temps modernes. La nécessité identitaire.
La quantité de mutations en cours, la rapidité avec laquelle elles
intervenaient, poussaient encore plus les hommes à s’interroger sur leur vraie
nature et sur leur place. L’Israélien, comme l’Européen, comme le Pakistanais, le
Texan ou le Guinéen, cherchent la nouvelle réponse au ‘’Qui suis-je ?’’.
En face d’eux, la religion peut leur offrir la bonne ou la mauvaise réponse.
Soucieux de conserver ouvert le questionnement posé frontalement
par l’amie avocate, Jonathan s’engouffra dans le chemin finalement tracé par
son autre ami, le libraire. Foi, institutions, individu, fidèles…le spectre des
réponses est multiple. L’une d’entre elle a été donnée par les plus hautes
autorités religieuses. Un pape défunt étant monté tout en haut du paradis,
frappa à la dernière des portes. Jésus lui ouvrit et demanda à qui il avait affaire.
Le Pape s’étant présenté, Jésus se retourna et cria, Papa, la petite affaire
que nous avions montée il y a plus de 2000 ans. Tu sais, elle continue.
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