AUTOPSIE DU SCÉNARIO DE POUTINE EN UKRAINE
Par Jacques BENILLOUCHE
Après Emmanuel Macron reçu avec
une froideur toute soviétique et rentré bredouille après six heures de
pourparlers, la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss s’est
aussi rendue à Moscou mais, peu au fait des affaires russes, elle a fait de la
figuration au point que son homologue Sergueï Lavrov n’a pas mâché ses mots sur
leur rencontre qui était «une conversation entre muets et sourds».
On a traité Joe Biden de sénile
et d’incompétent mais il s’est montré à la hauteur de la menace russe en
faisant entendre la voix des États-Unis. Seules les principales entreprises
d'armement se frottaient les mains par avance car les tensions entre l'Ukraine
et la Russie étaient une aubaine pour leurs affaires. En particulier Raytheon
et Lockheed Martin attendaient sereinement de récolter les fruits de leurs
investissements en comptant sur l'aggravation du conflit tout en restant pragmatiques :
«nous voyons des opportunités de
ventes internationales. Il suffit de regarder la semaine dernière où nous
avons vu l'attaque de drones aux Émirats arabes unis, qui ont attaqué certaines
de leurs autres installations. Et bien sûr, les tensions en Europe de
l'Est, les tensions en mer de Chine méridionale, toutes ces choses mettent la
pression sur certaines dépenses de défense là-bas. Nous nous attendons donc
à ce que nous en tirions des avantages».
Les dizaines de milliers de
soldats russes à la frontière de l’Ukraine ont fait illusion comme s’ils
étaient à la parade tandis que des fuites étaient organisées en Occident sur la
décision imminente de Poutine d’envahir l’Ukraine. Tout semblait une mise en
scène, d’un côté comme de l’autre ; les Américains avaient transféré des
dizaines d’avions de combat et de bombardiers dans les pays voisins tandis
qu’en Biélorussie des chars russes de combat avaient pris position et qu’en mer
Noire des navires de transport amphibies donnaient la certitude à l'OTAN que
les préparatifs potentiels était le prélude à une attaque du nord et du sud. Des
forces d'opérations spéciales britanniques entraînaient en urgence des milices
ukrainiennes dans les arts du sabotage et de la contre-insurrection. Un peu
plus de 100 forces spéciales britanniques, dont le SAS et le SBS, ont été
rapatriées d'Afghanistan pour être déployées en Ukraine.
Entrainement des forces ukrainiennes |
La panique était totale en Grande
Bretagne si l’on se fonde sur la déclaration du premier ministre britannique
Boris Johnson : «C'est probablement le moment le plus dangereux de la
plus grande crise de sécurité à laquelle l'Europe ait été confrontée depuis des
décennies».
Pendant ce temps, Poutine
laissait dire et faire au milieu de toutes les spéculations. Il savait qu’il
allait monnayer fort le retrait de ses troupes de la frontière. L’adhésion de
l’Ukraine à l’Otan ne sera pas annulée mais elle aura du plomb dans l’aile en
trouvant une solution diplomatique acceptable par les parties. La menace du
dirigeant russe a porté : «toute tentative de l'Ukraine d'adhérer à
l'Otan déclencherait une guerre. Il n'y aura pas de gagnants. Et vous serez
entraîné dans ce conflit contre votre volonté».
Poutine connait bien l’Histoire.
En 1962, Kennedy avait promis la guerre si des missiles étaient installés aux
portes des États-Unis, à Cuba. Les Soviétiques avaient alors renoncé. Le
président russe estime donc dans son droit d’interdire que des armes de
destruction soient pointées à ses frontières. Les États-Unis et l'OTAN
déploient en effet des armes de haute technologie et entraînent les forces
armées ukrainiennes, ce qui en fait un ennemi beaucoup plus capable
militairement. Le président ukrainien Volodymyr
Zelensky a d’ailleurs discrètement demandé de suspendre le battage médiatique car
il n’était pas favorable à un conflit qui anéantira l'économie fragile de son
pays. Son chef d’État-major ne croyait pas à une attaque car «la Russie n'a
pas suffisamment de forces en place pour lancer une attaque de grande envergure. Nous
voyons des entraînements, nous voyons des mouvements, mais nous ne voyons pas
de préparatifs d'attaque directe ni de préparation de forces de frappe». Bluff
peut-être mais il valait mieux ne pas s’y risquer.
Il semble en fait que Poutine ne
cherche pas à envahir l’Ukraine. Il n’a fait que sonder les réactions occidentales
et mesurer la solidarité à l’égard de l’Ukraine. Son objectif est de créer un
couloir terrestre entre la Crimée qu’il vient d’annexer et les régions sécessionnistes
soutenues par la Russie dans l'est de l'Ukraine. Mais il s’agira alors d’une
entreprise de plus grande envergure. Il n’est pas certain que Poutine risque
son avenir dans une opération majeure alors que, sans tirer un coup de feu, il
va obtenir plus que prévu une fois que les Occidentaux seraient soulagés
d’avoir évité la guerre.
3 commentaires:
Je n'ai jamais cru a une invasion russe de l'Ukraine. D'abord parce qu'il y a une treslongue tradition de liens entre ces deux pays. Je vois cela plutot comme une tentative de Poutine de faire avaliser par le mondequ'elle ne paiera pas pour la location des terrains utilises par le gazoduc qui peret a l'Europe occidentale de completer son manque energetique. l'Ukraine demande le paiement des loyers que la Russie n'a jamais lache le moindre kopeck.
Et puis Poutine en menacant l'Ukraine cree un geste fort vers les pays baltes et les anciens membres du Comecon.
Cher monsieur Benillouche,
Et pour ceux de vos lecteurs qui se poseraient encore des questions après votre brillante autopsie, ils pourraient trouver ici quelques réponses supplémentaires :
https://www.donbass-insider.com/fr/2022/02/16/hysterie-grandissante-des-medias-occidentaux-sur-linvasion-de-lukraine-par-la-russie-qui-ne-vient-toujours-pas/
Très cordialement.
Maintenant que Poutine fait la guerre, et a même menacé les pays occidentaux de l’arme nucléaire, l’hystérie de Johnson semble justifiée.
Les cartes sont rebattues. Quelques conclusions s’imposent.
1/ les Allemands ont anesthésié l’Europe : depuis plus de 30 ans, le pacifisme, l’écologie politique et la volonté de domination de l’Europe allemands ont donné aux Russes des moyens de pression : l’arrêt du nucléaire civil en Allemagne, nécessaire aux réélections successives de Mme Merkel avec l’appui des Verts, a drogué l’Allemagne au gaz russe. L’Allemagne n’a jamais été généreuse avec les pays d’Europe du Sud, pour protéger sa richesse matérielle et sa domination économique. Aujourd’hui, cette dépendance à son confort fait d’elle le maillon faible qui s’oppose aux sanctions. Et sa production d’électricité est bien plus polluante qu’en France par exemple. Elle est le contraire de la vertu en politique. C’est une constante dans sa politique depuis 200 ans.
2/ la Chine, alliée de la Russie pour s’opposer aux Occidentaux, et pourvoyeuse de nombreux biens y compris des médicaments pour le monde entier, va suivre l’exemple de Poutine à Taïwan. Elle va aussi décider rapidement beaucoup de choses pour nous sous peine de couper des robinets de biens de consommation.
3/ l’Europe n’existe pas, l’OTAN à peine plus, seuls les Américains sont un rempart du monde libre. Ils sont imparfaits, mais c’est eux que nous avons. Macron est boursouflé, imbu, mais aucun autre candidat n’est crédible, en tout cas pas les extrémistes ni les écologistes dont on voit bien les désastres géopolitiques qu’ils sont capables d’amener. Et chacun se fera humilier par Poutine comme Macron l’est quasi quotidiennement en ce moment.
Je ne suis absolument pas pro-Macron. Mais on voit bien combien La politique étrangère n’est pas indépendante de la politique intérieure. Elle conditionne la politique intérieure dans notre monde actuel.
Songeons-y sérieusement avant de voter, et quel état de démocratie et de liberté nous voulons.
Remarquons pour finir qu’Israël a choisi en s’alignant sur les USA. Et c’est le meilleur choix.
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